Faire front contre l’exterminisme
par Georges Gastaud – 22 juillet 2022
Les preuves s’accumulent désormais, non plus année après année, mais mois après mois quand ce n’est pas jour après jour : l’exterminisme est bel et bien le stade suprême d’une société capitaliste depuis longtemps parvenue au stade « réactionnaire sur toute la ligne » (Lénine) de l’impérialisme. Par exterminisme, nous n’entendons pas seulement le fait crucial que les Etats dominants du capitalisme contemporain, Etats-Unis d’Amérique en tête, se montrent froidement et principiellement capables d’envisager la guerre d’extermination nucléaire mondiale pour peu que ce seuil insurpassable d’escalade militaire leur paraisse nécessaire pour consolider leur branlante hégémonie mondiale (sans parler de l’utilisation par Truman de l’arme nucléaire à l’encontre du Japon déjà vaincu en 1945, il faut rappeler que, lors de la « crise des euromissiles » de 1984, Ronald Reagan puis George Busch Senior ont cyniquement exercé un chantage à la croisade nucléaire antisoviétique totale pour exiger – et finalement, pour obtenir ! – de Gorbatchev et d’Eltsine la liquidation contre-révolutionnaire totale de l’URSS et du camp socialiste). Mais il faut aller plus loin sans doute et affirmer que, structurellement, le maintien planétaire du mode de production capitaliste, qu’a provisoirement remondialisé la contre-révolution antisocialiste des années 1990, est devenu incompatible à moyen, voire à court terme, avec la survie de l’humanité, si ce n’est avec le maintien de formes de vie tant soit peu complexes sur notre planète.
I – La course capitaliste-impérialiste à l’extermination/exténuation s’exacerbe mondialement
En dehors d’une poignée d’oligarques gavés et d’une frange un peu plus large de cadres supérieurs et de pseudo-journalistes parasitaires vivant (de « com », de « pub », de tourisme friqué, de finance et d’autres « activités » centrées sur la domination et globalement plus nuisibles qu’utiles à l’humanité…) au centre des « métropoles » urbaines, qui donc parle encore de « mondialisation heureuse » comme osaient encore le faire sans rire MM. Minc ou Attali au début des années 2000? Certes, quelques centaines de millions de membres des couches moyennes supérieures accèdent désormais, de par le monde, aux normes occidentales de consommation: mais outre que la masse de la population mondiale continue, elle, de se paupériser, de se prolétariser et de se précariser, et que des millions d’humains, et notamment d’enfants et d’adolescents, errent par monts et par mers en fuyant les guerres impérialistes, le chômage de masse et les dérèglements environnementaux, ce gonflement du consumérisme à l’occidentale est-il la solution ou un élément puissant d’aggravation des problèmes posés par le développement de l’humanité ? Il est clair en effet que le mode de vie gaspilleur, pseudo « ludique » et irresponsable – quoique mâtiné de moralisme culpabilisant – propre aux couches supérieures des pays dominants n’est aucunement universalisable sans l’épuisement irréversible des ressources terrestres et sans le saccage concomitant du cadre environnemental global de la vie humaine, si ce n’est de la vie tout court.
Désormais, nous n’avons donc plus que l’embarras du choix entre les diverses formes de mort globale que le capitalisme-impérialisme contemporain « offre » à l’humanité entrée en crise existentielle globale et durable : Terriens, préférerez-vous la marche vers une troisième Guerre mondiale inévitablement nucléarisée opposant, à propos de l’Ukraine, de Taïwan ou du Golfe persique, le bloc euro-atlantique à dominante anglo-saxonne à l’axe informel des B.R.I.C.S. emmené, militairement, par la Russie, et économiquement, par la République populaire de Chine?
Aimerez-vous davantage un assortiment de pandémies virales et d’épizooties bactériennes reposant toutes sur la dé-segmentation sauvage des biotopes animaux et humains et/ou sur la globalisation des échanges commerciaux sans paliers ni « écluses » (« No borders! », s’écrient d’une seule voie les idéologues néolibéraux et les « nouveaux » gauchistes!) qui caractérise l' »économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » chère aux partisans du Traité de Maëstricht et des traités transatlantiques qui tentent de le mondialiser ?
A moins que vous n’optiez pour l’accélération, voire pour l’emballement définitif du dérèglement climatique mondial mâtiné d’empoisonnement de l’air, de l’eau, des sols, des élevages et des cultures sur fond de réduction de la biodiversité et d’assèchement de la diversité culturelle et linguistique mondiale au seul profit du tout-anglais et de l' »American Way of life » ?
Et faut-il trouver une consolation majeure en se persuadant que l’anthropocide en cours est mené au nom de la « défense des valeurs occidentales », de « la liberté », de la « modernité », de la « croissance », voire de la « lutte contre le totalitarisme »? En toute schizophrénie idéologique, ces discours fanatiquement guerriers se déploient au moment même où, aux Etats-Unis surarmés, 100 000 personnes par an sont tuées ou blessées par balles, où les droits fondamentaux des femmes sont annulés au nom de la religion, où la vidéosurveillance et le flicage d’internet métastasent sans fin, où, pour combattre ses signalés « ennemis systémiques », Washington n’hésite pas, tantôt à tenter d’affamer des pays entiers en pleine pandémie virale (Cuba, Venezuela, Iran, Corée du Nord…), tantôt à s’allier aux bataillons néonazis ukrainiens, tantôt à prendre appui sur les dépeceurs esclavagistes et intégristes qui dirigent l’Arabie saoudite. Sans cesser de soutenir une seconde les praticiens cyniques de l’apartheid anti-arabe que sont très ostensiblement les gouvernants racistes d’Israël…
En tous cas, ce n’est plus une métaphore que d’affirmer que « la planète brûle » en cet été 2022 où, après la Russie, l’Australie et la Colombie britannique qui ont subi avant nous d’éprouvantes canicules, l’Europe occidentale étouffe et où de méga-incendies hors de contrôle aggravent le réchauffement climatique global qui a permis leur extension rapide de la Grèce aux Monts d’Arrée bretons en passant par l’Espagne, le Portugal et la Gironde !
Rien de tout cela ne retient l’Hégémon anglo-saxon et ses vassaux germano-européens d’aggraver sans cesse l’actuelle escalade militaire en Ukraine en coupant court à toute forme de négociation ou de compromis éventuels avec Moscou. Ni de provoquer Pékin dans l’Indopacifique ou en Mer de Chine en prenant le risque d’un dérapage global majeur auquel l’état-major politico-militaire français se prépare lui-même en planifiant ce qu’il nomme ouvertement un « conflit de haute intensité ». C’en est au point où les sociaux-atlantistes « socialistes » et autres euro-écologistes « verts » ne perçoivent même plus l’éclatante contradiction qu’il y a à, d’une part, dissoudre la France dans l’Europe atlantique tout en exaltant la « souveraineté de l’Ukraine » (sic), d’autre part culpabiliser chaque jour les enfants d’âge scolaire au sujet du tri des déchets tout en accumulant des pyramides de ruines et de détritus de guerre sur le sol ukrainien en refusant d’avance toute espèce de compromis sur l’autonomie du Donbass russophone, ainsi que le prévoyaient pourtant les Accords de Minsk « garantis » par Berlin et Paris, signés par Moscou et insolemment violés par Kiev de 2014 à 2022…
Il faudrait aussi évoquer la crise socioéconomique structurelle du mode de production capitaliste qui, derrière sa « croissance » profondément malsaine – car centrée sur le tout-profit et structurellement indifférente aux besoins humains les plus pressants -, est la proie récurrente d’une crise tendancielle de ses taux moyens de profit; ce qui le condamne à surexploiter la classe ouvrière, l’intelligentsia créatrice et la paysannerie mondiales, à priver d’avenir des millions de jeunes de milieu populaire, à exacerber les rivalités explosives entre les continents. Tout en aggravant sans mesure, comme autant d’échappatoires funestes, la militarisation et la financiarisation, voire la gangstérisation de l’économie mondiale aux dépens de la masse des travailleurs du monde.
Comment s’étonner dans ces conditions que les services de veille psychiatriques soient amenés à constater la montée en flèche de ce qu’ils appellent, de manière d’ailleurs trop restrictive, l’ « éco-dépression » en désignant par ce mot la manière dont la majorité des humains, et plus encore, des jeunes, déprécie l’avenir; avec en prime une angoissante montée des idées suicidaires et du mal-être global dans la jeune génération. Car il ne s’agit pas là, très platement, d’une montée toute « subjective » du « sentiment d’insécurité globale », mais d’une croissance objectivement fondée de ce que j’appellerai volontiers l’ « insécurité globale du sentiment de soi » et de la manière globale dont chacun est empêché de faire-sujet à notre époque; tant il est vrai que tout projet dit « personnel » s’insère toujours, consciemment ou pas selon le degré de politisation atteint par chaque individu, à un projet collectif pour sa nation, sa classe sociale… voire pour le genre humain tout entier: alors quand ce dernier fait défaut ou qu’il est sourdement sapé ou dévoyé par la petite musique de mort de l’exterminisme impérialiste…
II – Une autre voie de développement demeure ouverte à l’humanité
Ce pessimisme de l’intelligence, pour parler comme Romain Rolland et Antonio Gramsci, ne saurait pour autant justifier un quelconque pessimisme de l’action. Jamais, certes, l’humanité n’a été autant qu’aujourd’hui en capacité de se faire collectivement hara-kiri. Mais jamais non plus elle n’a disposé, au moins en puissance, d’autant de moyens techniques, scientifiques et socioculturels lui permettant de bifurquer vers un autre mode de production et de développement. Sur deux ou trois générations, l’humanité a su décrypter la carte du génome humain, la neurologie explore les bases neuronales de la conscience de soi, la physique, la topologie et la cosmologie convergent pour nous livrer des connaissances de plus en plus pointues sur l’origine de l’univers (le « fond diffus cosmologique » a été cartographié, le boson de Higgs est identifié, on observe des galaxies vieilles de 13 milliards d’années, la topologie cosmique traque la structuration fine de l’espace-temps tandis que les mathématiciens aux prises avec les « catégories » chères à Alexandre Grothendieck et à Laurent Lafforgue travaillent à un niveau de généralisation tout-à-fait inédit. Dans un monde social où « le paquet », y compris financièrement, serait à nouveau mis sur la recherche fondamentale, sur la prometteuse fusion nucléaire, sur l’unification majeure des théories physiques, sur la convergence épistémique de la microphysique et de la cosmogonie, sur la compréhension de l’évolution biologique, où la philosophie matérialiste et la science empirique s’uniraient pour donner un sens rigoureux aux plus vastes questions de l’humanité, où la science serait déliée des « applications » à court terme, où l’effort commun porterait, non plus sur l’ajout d’une cinquante-quatrième « appli » sur les smartphones mais sur la mise en place de puissants, efficaces et démocratiques services publics (énergie, eau, poste et télécommunications, système de santé, équipements collectifs civils en tous genre, transports en commun agréables et gratuits, entretien des eaux et des forêts, accès de chacun à une nourriture saine, soins à la petite enfance, traitement de la souffrance mentale, fins de vie dignes), l’humanité pourrait enfin jouir de ce qui nous paraît si utopique et qui n’est pourtant pas le « bout du monde » à y regarder de près: ce « bonheur commun » dont la Première Constitution républicaine de la France – celle que promulgua la Convention en 1793 sur la proposition de Robespierre – prétendait ériger en but final de la société humaine.
Il y faudrait certes une réorientation globale de l’économie, non seulement dans ses structures mais dans ses finalités générales et dans son fonctionnement quotidien.
Dans ses structures d’abord puisqu’il faudrait exproprier les grands capitalistes, nationaliser, voire socialiser et parfois internationaliser démocratiquement les grands moyens d’échange et de production, en les subordonnant aux collectivités politiques pertinentes, aux travailleurs et aux usagers – , à commencer par les banques, les « GAFAM », le sol – qui doit enfin être remis collectivement, là où c’est pertinent, à ceux qui la travaillent ! Sans parler des grandes productions et des grands circuits commerciaux qui régissent l’alimentation de milliards d’hommes.
Mais aussi dans ses finalités productives : aujourd’hui la course au profit maximal structure l’économie mondialisée, y compris celle, par la force du commerce mondial et de sa logique cannibale, de grands pays qui, comme la Chine, ont conservé d’importantes infrastructures héritées du socialisme. Dans ces tristes conditions, l’économie « navigue à vue » et cède à un effarant court-termisme que n’autorise pourtant plus la catastrophe écologique, économique, voire politico-militaire globale en vue; de la sorte, la production n’est pas orientée vers la satisfaction raisonnable des besoins vitaux de tous (nourriture saine, mais aussi soins médicaux, instruction, existence de liens sociaux structurants…), mais vers le consumérisme échevelé des classes riches et de leurs imitateurs. Cela suscite d’énormes gâchis de ressources naturelles et humaines, d’irréparables déprédations environnementales, d’infantiles gaspillages consuméristes, mais aussi d’immenses carences de toutes sortes pour la majorité de la population mondiale: gâchis énormes pour les uns, austérité sans fin, voire privations mortifères sans trêve pour les autres avec ce chiffre sans précédent de 280 grandes fortunes mondiales possédant ensemble davantage que ne possèdent ensemble le milliard d’hommes le plus pauvre de la planète…
Qui alors, sans mauvaise foi extrême ou cynisme atroce, peut justifier une inégalité systémique d’une telle envergure entre Etats et entre individus ? Et qui ne voit du même coup que la contradiction du capitalisme dès longtemps révélée par Marx éclate plus que jamais au grand jour entre une production de plus en plus socialisée, voire mondialisée, et une richesse mondiale de plus en plus accaparée par une infime minorité qui monopolise, non seulement les titres de propriété sur les moyens de production et d’échange, mais également la domination politique et idéologique de par leur mainmise sur les médias et sur les structures étatiques nationales et transnationales? Bref qui ne voit que les temps préhistoriques des sociétés de classes anarchiques et violentes doivent de toute urgence céder la place à des temps nouveaux où la société sans classes du communisme permettra enfin, comme y appelait le Manifeste du Parti communiste, que « le développement de chacun – peuple ou individu – devienne la condition du développement de tous »? Fin par conséquent, non pas « de l’histoire », mais de la préhistoire humaine en tant qu’elle était aveuglément et violemment régie par des lois brutales et inconscientes, et début d’une histoire proprement humaine en tant qu’elle reposerait désormais sur la pleine conscience des lois du développement naturel et social et sur la planification collective et véritablement démocratique des relations entre l’homme et l’homme, la société et l’environnement, la culture et la nature…
En un mot, non seulement la destruction contre-révolutionnaire organisée de la première expérience socialiste de l’histoire, celle qui naquit de la Révolution d’Octobre et des révolutions (chinoise, vietnamienne, cubaine, africaines…) qui lui firent suite, n’a pas clos l’ère historique de la transition du capitalisme au socialisme ouverte par le prolétariat bolchévique, mais la re-mondialisation contre-révolutionnaire du capitalisme n’a fait que durcir l’exigence d’un socialisme-communisme de nouvelle génération reprenant, sur des bases encore plus larges qu’en 1917, la mise en oeuvre de la devise de Marx, d’Engels et de Lénine « prolétaires de tous les pays, peuples opprimés du monde, unissez-vous!« . C’est d’ailleurs ce qu’exprime le mot d’ordre foncièrement anti-exterministe de Fidel Castro: « le socialisme ou la mort, nous vaincrons!« . Car sans la relance et l’approfondissement de la révolution socialiste, et pour commencer, l’humanité n’échappera pas à la mort et/ou à la déchéance universelles que lui promet l’exterminisme capitaliste. Si bien que la tâche historique du socialisme à venir ne sera plus seulement de réaliser la justice sociale: de nos jours, il s’agira en outre de sauvegarder l’existence même de l’humanité en relançant son développement général sur des bases éco-compatibles.
Il s’agira moins d’ailleurs en la matière, de manière petit-bras, de « réconcilier » tant bien que mal les exigences productives et les contraintes environnementales que de recentrer la production socialiste-communiste de l’avenir sur la reconstruction large des rapports dynamiques, scientifiquement instruits et consciemment maîtrisés entre la nature et la culture. En somme, il faudra (re-)produire consciemment les bases environnementales de l’existence humaine. Les sages de la Grèce présocratique méditaient jadis sur les Eléments cosmiques, l’Eau, l’Air, le Feu et la Terre, en lesquels ils voyaient autant de données et de prérequis intangibles du devenir humain. Mais aujourd’hui ces ci-devant « données » doivent être consciemment reproduites à grande échelle tant le mode de production – et de consommation – capitaliste les a lourdement dégradées (l’état global des sols, de l’Océan mondial et des grands fleuves, de l’atmosphère, sans parler des conditions dans lesquelles est produite et distribuée l’énergie fossile, c’est-à-dire le « Feu », est fort inquiétant). Dans ces conditions, la production socialiste-communiste du futur n’aura d’autre choix que de se faire intrinsèquement et stratégiquement « écolo ». Symétriquement, l’écologie du futur devra rompre avec l’obscurantisme; elle se proclamera la fille légitime des Lumières et devra en quelque sorte réconcilier le naturalisme d’un Rousseau avec l’ « artificialisme » prométhéen exprimé par Voltaire dans son poème Le Mondain en dépassant la double unilatéralité de ces deux auteurs.
III – Ce à quoi n‘engage pas, en réalité, la lutte anti-exterministe
Il faut pourtant se garder de plusieurs contresens dans l’interprétation de l’idée juste que la période historique actuelle demeure celle d’une transition révolutionnaire globale du capitalisme vers le socialisme.
La première illusion, nous venons de le voir, serait de considérer qu’il conviendrait d’en finir avec le progrès scientifique et technique pour mettre fin à l’exterminisme capitaliste. D’une part, c’est une illusion réactionnaire – et qui mène plus in fine à « accompagner » l’exterminisme capitaliste qu’à le combattre – que de croire que l’on pourrait et que l’on devrait, à notre époque, cultiver la nostalgie et tenter de régresser vers un état antérieur du développement social. D’une part, cette régression est proprement impossible (ne serait-ce que parce qu’il y a actuellement 8 milliards d’humains sur Terre et qu’on ne pourra les faire vivre en utilisant les techniques d’hier ou d’avant-hier). Quand bien même il serait possible de passer la marche arrière, il ne s’agirait jamais que d’un « reculer pour mieux sauter » puisque, par définition, le retour par exemple à la situation des années 1960 ou 1970 aurait toutes chances, les mêmes causes produisant le plus souvent les mêmes effets, de reproduire précisément les résultats généraux que nous tentons de conjurer aujourd’hui: on ne peut fuir le présent en se réfugiant dans un passé idéalisé dont l’accomplissement a justement engendré notre présent ! Contrairement à ce que pensent trop souvent les « décroissants », l’écologie véritable, qu’il faut distinguer de l’écologisme réactionnaire et souvent belliciste des « Verts », doit regarder vers l’avenir avec optimisme et combativité, et non pas cultiver le déclinisme, l' »effondrisme » et le catastrophisme !
En effet, pour traiter les problématiques du monde contemporain, nous avons besoin non pas de moins de science, de moins de technologie, de moins de progrès social, de moins de politique révolutionnaire, mais de mieux et de plus de science, de technologies, de progrès social et d’engagement anticapitaliste et anti-impérialiste. Par ex., comment résoudre les problèmes posés par l’approvisionnement énergétique du monde moderne (des milliards d’humains n’accèdent toujours pas, du moins sans intermittences dommageables, à l’eau courante ou à l’électricité à domicile) sans passer par une amélioration révolutionnaire de la production électronucléaire, ce qui passe notamment par la maîtrise de l’énergie nucléaire de fusion, donc aussi par des progrès importants non seulement dans les technologies disponibles, mais aussi vraisemblablement dans la physique nucléaire en particulier et dans la recherche microphysique fondamentale en général. Il en va évidemment de même de la lutte contre les épidémies et contre les épizooties avec la nécessaire maîtrise fine et mondialement partagée de ce qu’est la machinerie virale aux confins entre l’inerte et le vivant.
La seconde illusion serait celle de la mise en place d’un « gouvernement anti-exterministe mondial » impliquant la fin des Etats-nations existants et l’émergence d’une culture, voire d’une langue unique mondiales. Faut-il une coordination mondiale des luttes contre les pollutions, contre les risques dérivés de l’électronucléaire présentement existant? La réponse est incontestablement Oui. Faut-il mettre en œuvre à cette fin une politique dûment planifiée de réduction des gaz à effets de serre, de dépassement des énergies carbonées, de reconstitution de la biodiversité, d’assainissement des fleuves, de l’air, des sols et des océans? Poser la question c’est y répondre car que servirait-il de diminuer le bilan carbone de Paris ou de Rome – en en chassant les derniers pauvres et les industries résiduelles (c’est-à-dire la classe ouvrière!) si, dans le même temps, l’Inde de Narendra Modi, les USA de Trump ou le Brésil de Bolsonaro accumulent en toute triomphante sottise les prédations environnementales et les dérégulations socioéconomiques géantes? Il est en outre aberrant à notre époque de ne pas partager l’ensemble des avancées techno-scientifiques en matière de santé, et par ex. l’idée de « brevets » portant sur le vivant ou sur les vaccins doit être résolument rejetée nonobstant le fétichisme attaché par l’Occident à la sacro-sainte propriété capitaliste (sauf lorsqu’il s’agit de la Russie…). Toutefois cela ne signifie aucunement araser la diversité culturelle mondiale et privilégier une langue unique planétaire – celle, comme par hasard, de l’Hégémon mondial! – , encore moins piétiner l’existence de peuples souverains. En réalité, cette idéologie mondialiste que cautionnent trop d’euro-écologistes bien-pensants badigeonne de « vert » la volonté de puissance impériale d’Etats prédateurs qui n’ont déjà que trop tendance à piétiner l’ONU, l’OMS, l’UNESCO, etc. et à s’intituler « communauté internationale » pour mieux écraser leurs adversaires, piller ses concurrents et surexploiter les ressources mondiales en prétendant les économiser… Et même si l’on avait réellement affaire, par hypothèse d’école, à un gouvernement mondial sincèrement « communiste », qui ne voit que son caractère surplombant, extraterritorial et plus « mondialiste » que réellement internationaliste le rendrait très vite contre-productif étant donné l’énorme passif de méfiances et d’inégalités de toutes sortes accumulé par les peuples au fil de millénaires d’histoire violemment inégalitaire. En réalité, le monde a moins besoin d’un mondialisme abstrait (lequel n’abolirait les nations qu’en surface tout en privilégiant « en douce » les nations dominantes) que d’un internationalisme efficace reposant sur l’existence de nations souveraines, égales et fraternelles échangeant pour le meilleur, se divisant le travail à l’échelle mondiale et poursuivant ensemble des objectifs partagés et librement consentis. Il ne s’agit pas là d’une utopie bêtasse puisque, d’ores et déjà, la Charte de l’ONU est fondée sur les idées complémentaires de souveraineté des nations, de coopération librement consenties et de recherche commune de buts généraux tels que la santé publique, l’instruction, l’élimination de la malnutrition, le partage des progrès scientifiques, etc.. De cet aspect, il s’agit moins d’en finir avec l’ONU que d’émanciper enfin cet organisme né de la victoire sur Hitler du torpillage et du sabotage incessants que lui font subir, diplomatiquement et financièrement, les Etats-Unis d’Amérique et leurs vassaux désireux de substituer l’OTAN aux Nations-Unies. En définitive, le monde n’a que faire d’un « gouvernement mondial » qu’accapareraient nécessairement les « grands » Etats et que rejetteraient tôt ou tard la majorité des peuples – y compris si ce gouvernement avait « raison »: car la rationalité de l’histoire n’a rien de linéaire, et les peuples pourraient à bon droit y voir une entreprise totalisante, voire pré-totalitaire contre la liberté du monde. L’humanité a plutôt besoin d’une coopération égalitaire entre tous les Etats de la planète sur la base de la Charte de l’ONU démocratisée et pleinement appliquée, les différences de statut entre « grands » et « petits » Etats disparaissant et l’Assemblée générale des Nations-Unies jouant dès lors un rôle majeur fondamentalement nouveau.
La troisième illusion serait de s’imaginer que, comme le crut ou feignit de le croire Gorbatchev dans les années 1980/91, « les valeurs universelles de l’humanité l’emportent, à notre époque, sur les intérêts de classe du prolétariat« ; autrement dit, de penser que la construction des conditions mondiales de la paix et de relations humaines équilibrées avec l’environnement pourraient impliquer que fût stoppée ou du moins suspendue la lutte des classes internationale. Tout d’abord, il s’agit là d’une naïveté historique, car, n’en déplaise à Gorbatchev et à ses émules révisionnistes du monde entier, nul n’est en capacité de « décider » de continuer ou d’arrêter à son gré la lutte des classes, laquelle résulte objectivement de l’existence de l’exploitation capitaliste et de l’oppression impérialiste et ne peut, en conséquence, disparaître qu’avec elles. Plus gravement encore, cette illusion typiquement social-démocrate qui suppose l’on ne sait quelle « convergence systémique » entre capitalisme et socialisme (Gorbatchev parlait mensongèrement et/ou stupidement d’ « unité de la civilisation »), n’est en réalité que l’inversion pseudo-socialiste de l’exterminisme capitaliste et que le renversement de l’exterminisme capitaliste en social-pacifisme capitulard. Quand le grand capital mondial s’écrie « plutôt morts que rouges! » pour ébranler le socialisme mondial en prenant en otage nucléaire toute l’humanité, la réponse socialiste ne saurait être « plutôt pas rouges que morts! » ; car une telle réponse, l’expérience mondiale l’a prouvé, aboutit à la disparition du seul socialisme, au triomphe mondial du capitalisme (à la mondialisation capitaliste), à la domination unilatérale des Etats-Unis et de l’OTAN, bref à l’inversion du mot d’ordre exterministe et non à sa suppression; avec en finale non pas la diminution mais l’augmentation des tendances capitalistes-exterministes à détruire à la fois l’environnement et la paix mondiale (et subsidiairement, à assiéger la Russie postcommuniste que Gorbatchev a non pas « sécurisée » en suscitant la dislocation de l’URSS, mais globalement insécurisée et isolée à l’international). Bref, l’humanité n’a que faire de la « nouvelle pensée politique » antiléniniste de Gorbatchev qui « préférait » la prétendue « convergence » entre socialisme et capitalisme au combat anticapitaliste et anti-impérialiste. Elle a au contraire besoin d’un nouveau défi marxiste et léniniste mettant au premier plan la dialectique de la paix, du socialisme et de la défense de l’environnement.
En effet la théorie marxiste, qui associe la victoire du prolétariat à la société sans classes et, par elle, à l’éradication du danger de guerre mondiale et de course suicidaire au tout-profit, est plus valide que jamais; dès lors, si un peu d’universalisme abstrait (« abandonner la révolution pour sauver la paix« ) éloigne du combat de classe anticapitaliste, une claire conscience de la nature de classe capitaliste de l’exterminisme appelle une activation sans précédent de la dialectique de la paix, de la défense de l’environnement et de la révolution sociale. En un mot, le front anti-exterministe n’exige certainement pas que l’on réduise le périmètre de l’alliance anti-exterministe aux seules forces anticapitalistes car en écartant des forces non communistes puissantes (y compris ce que Lénine appelait la « bourgeoisie pacifiste ») une telle réduction serait sectaire et inefficace. En revanche, il est clair que, en seconde instance et potentiellement, la dynamique du front anti-exterministe mondial (que Youri Andropov a quelque temps appelé « front de la raison ») ne pourrait que corroborer et élargir les conditions générales du combat anti-impérialiste et anticapitaliste en plaçant l’oligarchie sur la défensive et en érigeant le prolétariat international en fer de lance du combat pour la paix, pour l’indépendance des peuples et pour l’environnement. Bref, la bonne manière pour le prolétariat conscient de mener le combat abti-exterministe n’est ni de se replier sur des bases anticapitalistes étroitement « rouges », ni de se limiter d’avance à défendre la paix sans mettre en cause l’exploitation capitaliste, elle est au contraire de conquérir le rôle dirigeant dans la lutte pour la paix mondiale. C’est ce qu’avaient su le faire, au moment de l’Appel de Stockholm, le Mouvement communiste international, le Parti communiste français et ses grands intellectuels antifascistes d’alors (notamment Aragon, Eluard et Picasso) en prenant la tête du combat pour la paix et en désignant l’impérialisme étatsunien, l’OTAN et la petite Europe du réarmement allemand comme les ennemis fondamentaux de la paix.
La quatrième illusion, découlant de la précédente, consisterait à prôner un retour général en arrière en cultivant la nostalgie d’une époque révolue où les questions environnementales n’étaient pas, en apparence du moins, aussi pressantes que de nos jours. Mais « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » et surtout, l’accentuation de la nature exterministe du capitalisme actuel interdit de revendiquer un retour à l’époque où le capitalisme était moins réactionnaire qu’aujourd’hui. D’abord, s’il avait jadis moins les moyens militaires qu’aujourd’hui de détruire l’humanité, ses germes exterministes étaient déjà très présents à l’époque de la première Guerre mondiale, à celle des primo-exterminismes nazi ou nippon, à celle d’Hiroshima ou, plus près de nous, à celle de la guerre du Vietnam où, rappelons-le, Nixon, Kissinger et Cie ont fait larguer sur ce petit pays plus de bombes qu’il n’en est tombé sur toute l’Europe durant le second conflit mondial! Il en va de même du combat antifasciste national et de la lutte pacifique internationale: s’ils ne sont pas immédiatement socialistes, ils le sont médiatement et à terme. On pourrait certes ralentir ou atténuer provisoirement l’exterminisme sans éradiquer le capitalisme (et gagner du temps en la matière n’est pas une petite chose!), mais il est clair que l’on tuerait l’exterminisme, l’impérialisme et l’hégémonisme dans l’oeuf si l’on parvenait, sur des bases progressistes (car il ne s’agit pas de revenir à la féodalité ou au patriarcat agreste de l’ancienne Rome), à éradiquer le capitalisme, c’est-à-dire le « ventre » toujours fécond d’où surgissent épisodiquement les Bêtes immondes du fascisme et de la guerre mondiale. Une lutte conséquente contre l’exterminisme mène à l’anticapitalisme radical et c’est pourquoi seul le prolétariat, qui n’a rien à perdre et tout à gagner à combattre l’exploitation capitaliste dans tous ses aspects, est la force sociale la mieux placée pour diriger la lutte anti-exterministe; ce qu’exprime nettement, comme nous l’avons signalé, le mot d’ordre castriste « le socialisme ou la mort ! ».
IV – Conditions sociopolitiques et socioculturelles de cette bifurcation anthropologique
S’ajoutant aux effets environnementaux délétères de la course au profit maximal, les menaces de guerre mondiale que font peser sur le monde – de l’Indopacifique aux marches occidentales et méridionales de la Russie – les forces impérialistes-hégémonistes, ne laissent plus beaucoup de temps aux forces du travail, de la vie et de la raison pour affronter et briser l’exterminisme sous toutes ses formes, militaires, économiques, socioculturelles, etc. Pour construire un tel front, il urge de travailler concrètement à toute occasion pour qu’émergent et que s’associent…
un large mouvement anti-exterministe de défense et de reconquête de l’environnement et de la paix:
il est en particulier aberrant que des forces se réclamant de l’écologie, notamment les Verts français et allemands, soient désormais les plus enragées à appeler à la confrontation militaire avec la Chine et avec la Russie au risque, non seulement d’entasser d’incroyables quantités de gravats et de déchets sur le sol de l’Ukraine occidentale et du Donbass russophone, no seulement d’activer par là-même la surchauffe planétaire, mais surtout, de rapprocher périlleusement le monde d’une conflagration nucléaire qui pourrait successivement provoquer l’ « hiver nucléaire » (l’accumulation dans l’atmosphère de poussières radioactives interceptant la lumière solaire durant plusieurs années au risque d’arrêter la photosynthèse indispensable au vivant), puis l’emballement sans remède, « à la vénusienne », du climat terrestre. A noter qu’un tel front pour la paix et l’environnement serait indissociable d’un front large des peuples pour le développement (à distinguer soigneusement de la trompeuse, et vénéneuse, « croissance » capitaliste) car comment la masse des peuples pauvres et désespérés du monde s’engagerait-elle pour la paix et l’environnement si des milliards d’hommes vivent mal et survivent à grand peine dans des conditions de misère, de néo-esclavage, voire d’étouffement et de pré-asphyxie généralisée ? On ne peut désirer sauver la vie sans la changer, ni entreprendre dynamiquement de la changer si l’on n’a pas l’espoir raisonnable de sauvegarder et de maintenir les conditions générales de la vie humaine sur Terre.
un large mouvement anti-hégémoniste, anti-impérialiste et antifasciste;
en effet, la défense de la paix mondiale ne requiert aucunement l’abaissement des seuils d’engagement anti-impérialiste, bien au contraire. Certes, y compris à l’intérieur des « B.R.I.C.S. », certains Etats qui prônent le « multilatéralisme » et qui rejettent l’hégémonisme étatsunien sont capitalistes ou proto-capitalistes, voire impérialistes ou proto-impérialistes: les idéaliser, nier leurs graves contradictions et leurs graves inconséquences dans la lutte anti-hégémoniste elle-même n’aiderait en rien à déployer la résistance à l’hégémonisme. Mais ce serait une faute encore plus grave – aussi lourde que celle qui eût consisté en 1933 à banaliser l’hitlérisme (ce que ne fit pas l’Internationale communiste quand son VIIème Congrès de 1935 appela à un large front antifasciste et plus largement, à une coalition antifasciste mondiale!) – que ne pas hiérarchiser les forces à combattre, que ne pas tenter de segmenter l’adversaire capitaliste et que ne pas distinguer, comme nous a appris à le faire Mao – l’ennemi principal et l’ennemi secondaire, l’aspect principal et l’aspect secondaire de la contradiction. Il faut absolument isoler ce danger principal pour la paix et pour la survie même de l’humanité que constitue l’hégémonisme euro-atlantiste et mettre en avant clairement le mot d’ordre « Monde pacifique ou Alliance atlantique, il faut choisir! » car cette alliance anti-hégémonique est tendanciellement et objectivement, sinon mécaniquement et immédiatement, une alliance anti-impérialiste, l’anti-impérialisme conduisant lui-même indirectement à l’anticapitalisme: bref, il revient au prolétariat international de diriger la lutte anti-hégémoniste de la manière à la fois la plus souple, la plus large, la plus rassembleuse, mais aussi la plus conséquente; en effet, la défaite planétaire de l’hégémonisme, pointe avancée de l’impérialisme (comme l’était l’hitlérisme en 1933) ne pourrait que déstabiliser l’impérialisme tout entier, de même que la déstabilisation de l’impérialisme ne pourrait que créer un espace sociopolitique et socioculturel globalement plus favorable au renouveau des luttes anticapitalistes pour le socialisme et pour le communisme.
un large mouvement anti-obscurantiste et pour les Lumières partagées:
en effet, en tant que « réaction sur toute la ligne », l’impérialisme tend à s’allier aux pires mouvements obscurantistes, intégristes, fondamentalistes, néonazis, nihilistes de la planète. On l’a vu à l’époque où l’impérialisme américain (Zbigniew Brzezinski s’en est vanté dans ses Mémoires) s’est allié à Ben Laden pour déstabiliser l’Afghanistan devenu prosoviétique, on le voit présentement avec le soutien apporté par l’OTAN aux Bataillons néo-hitlériens Aïdar et Azov, et c’est encore plus vrai à l’époque de l’hégémonisme, de l’unilatéralisme et de l’exterminisme exacerbés.
Il s’ensuit que les progressistes véritables, prolétariat international et Mouvement communiste international en tête, doivent relever le flambeau des Lumières qu’a globalement délaissé depuis longtemps la bourgeoisie de plus en plus renégate des révolutions démocratiques-bourgeoises anglaise, américaine et française: il n’est que de voir, aux USA, le mouvement brutalement primitiviste, archi-violent et raciste de Trump, que de voir, en Grande-Bretagne, le triomphe du clown triste Boris Johnson, que de voir, en Italie, la montée des fascistes de Fratelli d’Italia, sans parler de l’Allemagne de l’AFD et de la France macroniste du « pacte girondin » flanquée des Le Pen et autre Zemmour. En l’occurrence, les marxistes doivent donc « tenir les deux bouts de la chaîne » en défendant, d’une part, les Lumières communes sur la base de principe formulée par Lénine dans son article théorico-culturel sur La portée du matérialisme militant.
Mais les marxistes doivent aussi produire un important travail conceptuel tous azimuts pour remettre au centre de la culture progressiste la théorie politique marxiste-léniniste, l’économie marxiste, la philosophie dia-matérialiste, la dialectique de la nature et le matérialisme historique, ils doivent procéder à l’ « analyse révolutionnaire de la contre-révolution » et des conditions du socialisme-communisme de nouvelle génération, en un mot porter collectivement ce que nous conseillons d’appeler un « nouveau défi léniniste ». Sans cela il sera impossible d’opposer, cohérence théorique contre cohérence théorique tout en prenant appui sur les avancées scientifiques bouleversantes de notre temps, la nouvelle hégémonie cultuelle progressiste qu’il faut de toute urgence reconstruire et confronter à l’hégémonie réactionnaire qui a précédé, accompagné et suivi la contre-révolution planétaire des années 1990.
un large mouvement syndical de classe:
face au pseudo syndicalisme rose pâle, institutionnalisé, voire carrément jaune, qui a provisoirement pris le dessus dans le mouvement ouvrier suite à la décomposition du Mouvement communiste international, face à la victoire temporaire des thèses (contre-)réformistes dans le mouvement ouvrier organisé, le dynamisme de la Fédération syndicale mondiale (FSM) anticapitaliste et anti-impérialiste est de fort belle venue. Alors que la crise mondiale du capitalisme ne peut que susciter de grandes luttes dont on a vu les prémices dans les immenses grèves ouvrières et paysannes à direction communiste de l’Inde, il faut tout faire pour que se développent et se coordonnent nationalement, continentalement et mondialement les nouveaux syndicats de classe et de masse en voie d’affiliation ou de réaffiliation à la FSM; ils doivent le faire en rupture ouverte avec les mots d’ordre mensongers du contre-réformisme proposant hypocritement de « sauver le capitalisme de lui-même » ou de « construire l’Europe sociale » comme le fait, notamment, la Confédération Européenne des Syndicats pilotée par le jaune français Laurent Berger tout en appelant les syndicats à soutenir l’effort belliciste de l’OTAN au nom d’une « union sacrée » délétère avec les forces de mort du grand capital.
un large mouvement communiste international, une renaissance de l’Internationale communiste et de la Jeunesse communiste internationale.
Il est lamentable que le Mouvement communiste international, dont le mot d’ordre fondateur a toujours été « Prolétaires de tous les pays unissez-vous!« , soit quasiment le seul à ne pas disposer d’une organisation internationale à l’heure où les forces du capital, de la réaction, de l’intégrisme, du réformisme et du contre-réformisme, voire du fascisme, se dotent de puissants moyens organisationnels continentaux et mondiaux.
Ce délabrement du MCI est le résultat non encore surmonté de la dissolution du Komintern en 1943, mais aussi et surtout de décennies de révisionnisme anti-léniniste, de gauchisme maoïste (notamment de la théorie fausse du « social-impérialisme soviétique » qui permit l’alliance antisoviétique et antivietnamienne sans principe de la Chine maoïste et de la Maison-Blanche…), de l’eurocommunisme droitier et social-démocrate, de subordination à la social-démocratie mondiale ou à la funeste « construction » européenne, bref, de toutes les déviations de droite et de gauche qui ont conduit trop de partis communistes, tantôt au dévoiement politique, tantôt à la liquidation pure et simple, tantôt à l’isolement national, tantôt à la fusion avec des forces trotskistes, « altermondialistes », « alter-européistes » et autres réformistes.
Or, non seulement la construction du front large anti-exterministe, anti-hégémoniste, antifasciste et anti-impérialiste ne contredit pas l’exigence d’une renaissance communiste nationale et internationale, mais cette renaissance du Mouvement communiste international et, quand les conditions en seront créées, de l’Internationale communiste et de la JC internationale, est une nécessité vitale pour que ces fronts larges se construisent victorieusement et sur des bases justes. Contrairement à ce que prônent certains sectaires et/ou certains révisionnistes de droite, il n’y a pas d’opposition de principe entre la construction de larges fronts destinés à isoler l’ennemi principal, et la reconstitution des Partis d’avant-garde dans chaque pays et de l’internationalisme communiste organisé à l’échelle du monde. Par ex., l’absence d’une coordination communiste organisée a facilité les manœuvres impérialistes destinées à dévoyer le potentiel populaire des « printemps arabes » et à les instrumentaliser au bénéfice des forces de destruction de la Syrie, de la Libye, de l’Egypte et de l’Ouest africain. Cette même carence organisationnelle et idéologique internationale a de même laissé les mains libres au « Parti de la Gauche Européenne », cet appendice de l’Internationale social-démocrate de la Commission européenne, pour désarmer idéologiquement durant des décennies le mouvement ouvrier politique et syndical d’une large partie de l’Europe occidentale…
Pour que renaissent le MCI, et le jour venu, l’Internationale communiste, il faut évidemment impulser largement à l’échelle internationale et dans toutes les langues nationales possibles la recherche scientifique marxiste-léniniste et dia-matérialiste sur la théorie politique, sur l’analyse historique des succès et des défaites du mouvement communiste mondial, sur l’analyse socio-économique du capitalisme-impérialisme et du socialisme-communisme de nouvelle génération, sur la philosophie marxiste et sur la dialectique matérialiste, sans parler de la bataille idéologique constante à mener contre les campagnes mondiales conduites en permanence par les forces réactionnaires, anticommunistes et bellicistes.
Il convient aussi de se battre idéologiquement sur deux fronts, à la fois contre le révisionnisme de droite, qui nie ou minimise le rôle dirigeant de la classe ouvrière et du prolétariat dans la transformation sociale, qui dénigre le bilan de la première expérience socialiste de l’histoire et qui, parallèlement, idéalise la « construction européenne », accepte de facto l’OTAN, rabat en permanence les communistes vers une alliance en position subalterne avec la social-démocratie ancienne ou « moderne ». Il faut aussi argumenter en permanence contre le sectarisme, le dogmatisme et le gauchisme qui isolent le prolétariat et les communistes en occultant la dialectique vertueuse qui peut et doit exister entre la construction de partis communistes marxistes, léninistes et prolétariens et la mise en place de larges fronts nationaux et mondiaux dont ces partis doivent devenir l’aile marchante sans s’isoler et en travaillant à devenir les forces dirigeantes desdits fronts.
Il faut aussi naturellement lier en profondeur les partis communistes aux luttes prolétariennes, paysannes et étudiantes ainsi qu’au renouveau du syndicalisme de classe. De même il faut refuser l’opposition, pratiquée par la fausse gauche, entre le combat social, qui reste l’axe principal de l’intervention militante, et les luttes « sociétales » pour l’égalité entre les sexes, contre les racismes et toutes les formes de discrimination. Il convient de montrer à tout moment l’unité entre ces luttes « sociétales » et l’action générale pour l’émancipation sociale en se souvenant, d’une part, de l’action d’avant-garde de Clara Zetkin pour associer le féminisme prolétarien au socialisme et à l’anti-impérialisme, d’autre part de la juste thèse de Jean Jaurès affirmant que « l’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale« . En réalité, la lutte des classes est le combat le plus universel qui soit puisque, en abolissant l’exploitation de classe et l’oppression impérialiste, elle crée les bases objectives et pratiques du développement plénier et solidaire de chaque peuple et de chaque individu.
Enfin il faut en permanence mettre en œuvre ce que l’on pourrait appeler les « travaux pratiques » de la renaissance communiste et pour cela, il faut défendre en permanence Cuba socialiste et les pays de l’ALBA, combattre le négationnisme anticommuniste et antisoviétique, refuser la criminalisation du communisme qui va de pair avec la banalisation galopante des fascistes (notamment en Europe de l’Est), et bien entendu, participer à toutes les luttes anti-impérialistes, notamment aux campagnes de solidarité avec le peuple palestinien, ainsi qu’à toutes les luttes anticoloniales se déroulant dans les pays anciennement colonisés et néo-colonisés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.
Bref, il existe de vastes domaines pour développer et combiner les multiples fronts indispensables et, du même mouvement, pour faire du prolétariat le coeur du mouvement historique pour sauver l’humanité. Celle-ci est aujourd’hui en très grave danger existentiel et son ennemi structurel est le maintien artificiel et de plus en plus violent de l’obsolète mode de production capitaliste parvenu au stade de l’impérialisme, de l’hégémonisme et de l’exterminisme.
Nous ne pouvons ici que soumettre les présentes thèses à la discussion générale des marxistes, des communistes, des syndicalistes de classe, et plus largement de tous les citoyens et citoyennes épris de paix, de reconstruction environnementale, de renaissance républicaine, d’affranchissement général des êtres humains et de défense de l’avenir de la vie sur Terre.