Dans une série de ses émissions estivales, France Culture est revenue sur la biographie de Thomas Sankara. Président burkinabé, aux idéaux socialistes, assassiné il y a 35 ans. Dans un coup d’État soutenu par la France impérialiste pour mettre en place un homme à sa main, Compaoré, et remettre le peuple burkinabé sous le joug capitaliste.
Durant 35 ans, l’impunité aura été totale. Jusqu’à ce que le peuple du Burkina, par sa révolte du mouvement du balais citoyen secoue le joug.
L’un des résultats de cette révolte, outre l’éviction de la clique Compaoré sera la tenue d’un procès de l’assassinat de Sankara.
Les complices ou mandants internationaux de cet assassinat coup d’État sont cependant toujours impunis. Le régime Macron continue de soutenir activement ses dictateurs de la FrancçAfrique. Il refuse également la déclassification des archives concernant ce putsch.
Héros des peuples noirs, figure mythique et martyre, il a transformé son pays par une vision humaniste et révolutionnaire. C'est Thomas Sankara, le "Che africain". pic.twitter.com/ovZ4NFCagz
— France Culture (@franceculture) July 23, 2022
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Le procès de l’assassinat de Thomas Sankara
par nos amis du MS21
Le 5 janvier 2021, nous avons publié un texte intitulé « Thomas Sankara : un révolutionnaire ». Après avoir évoqué les faits marquant de sa vie, de ses combats, nous écrivions, en conclusion, que le procès de son assassinat pourrait avoir lieu cette année-là, courant 2021, soit 34 ans après la tuerie ayant provoqué sa mort et celle de ses 12 compagnons le 15 octobre 1987. C’est grâce à la campagne « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique » menée par son épouse Mariam et ses amis, que le gouvernement burkinabé a nommé un juge ’instruction et débloqué la situation restée verrouillée pendant les 27 ans du régime dictatorial de Blaise Compaoré.
Malgré les nombreux obstacles pour éviter la tenue du procès – il fut plusieurs fois repoussé ou interrompu – il a pu s’ouvrir à Ouagadougou le 25 octobre 2021 et s’est achevé le 5 avril 2022 par la condamnation à la perpétuité des trois principaux inculpés : Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando, Gilbert Diendéré.
Reconstitution de la journée du 15 octobre 1987
Le procès a permis de reconstituer le fil des événements. Les accusés sont au nombre de 14 : le médecin ayant signé un faux certificat de décès mentionnant « mort de mort naturelle », les organisateurs du complot, les membres du commando et les militaires présents sur les lieux.
Élysée Ilboudo, l’un des 14 accusés, est un important témoin. Il raconte le déroulement des faits, révèle le mode opératoire, décrit le trajet du commando, étant le chauffeur de l’un des deux véhicules. Malgré quelques trous de mémoire, son récit est assez précis. Mais aux deux questions essentielles , à savoir le rôle de Hyacinthe Kafando, chef de la sécurité de l’ancien président Blaise Compaoré et la présence de Gilbert Diendéré, il ne répond pas, il ne se souvient plus, c’était il y a longtemps, dit-il….Mais d’autres témoins parlent. Le commando est donc bien parti du domicile de Blaise Compaoré, dans deux voitures. Il s’est posté sur les lieux, au Conseil de l’Entente, avant que Thomas Sankara n’arrive et s’installe pour une réunion. Alors qu’il sortait les mains en l’air, sous l’injonction du commando, il fut fauché le premier de plusieurs balles, sans sommation. Puis ce fut au tour des personnes qui étaient réunies avec lui. Gilbert Diendéré qui a tenté de nier sa présence sur les lieux, pourtant confirmée par de nombreux témoins, donnait les ordres. Il envoyait des militaires sécuriser la ville, accueillir des renforts venus de Pô, la garnison des commandos qu’il dirigeait, ou prendre le contrôle des casernes qui auraient pu réagir.
Ce procès est qualifié d’historique et exemplaire
Historique car c’est la première fois qu’un ex-Président africain, Blaise Compaoré, déchu, chassé par son peuple en 2014, est jugé dans son propre pays, par une juridiction militaire. Autre situation inédite : ce procès s’est poursuivi après le coup d’État du 24 janvier 2022. Alors que la justice militaire avait prononcé la reprise du procès, ce sont les avocats de la partie civile qui en ont demandé le report jusqu’au rétablissement de la Constitution, ce qui est intervenu au bout d’une semaine. Un cas d’école en ce qui concerne l’indépendance de la justice.
Exemplaire : La tenue même de ce procès est considérée comme une véritable victoire par ceux qui ont longtemps combattu pour qu’il se tienne. De plus, aucun juge, aucun assesseur, aucun avocat n’a évoqué de pression politique. Force est de reconnaître que la justice burkinabè a réussi à surmonter tous les obstacles et à mener ce procès jusqu’à son terme.
Ce procès est aussi une victoire contre l’impunité
Blaise Compaoré, l’ordonnateur du massacre, n’avait certainement pas prévu cette condamnation. Il était le compagnon de lutte de Thomas Sankara. Il a trahi son meilleur ami. Pendant les 27 années de son gouvernement, de 1987 à 2014, il a empêché l’ouverture de toute investigation. En effet, les juridictions civiles s’étant déclarées incompétentes, la procédure devant les juridictions militaires est restée bloquée jusqu’à l’insurrection populaire de novembre 2014 qui a chassé le dictateur. Celui-ci a été exfiltré par les forces spéciales françaises et depuis il vit réfugié en Côte d’Ivoire où il a acquis la nationalité ivoirienne. Il a refusé de comparaître. Il est peu probable qu’il soit un jour extradé de Côte d’Ivoire car son Président, Alassane Ouattara le soutient. Il est condamné à la prison à vie pour attentat à la sûreté de l’État et complicité d’assassinat.
Hyacinthe Kafando, chef de la garde rapprochée de Blaise Compaoré était le chef du commando du 15 octobre. Après s’être enfui en Côte d’Ivoire, personne ne sait où il se trouve maintenant. Il est condamné à la prison à vie pour attentat à la sûreté de l’État et complicité d’assassinat.
Gilbert Diendéré, général, fidèle bras droit de Blaise Compaoré, est présent au procès puisqu’il purge une peine de 20 ans de prison pour tentative de coup d’État contre le régime de transition en 2015. Il clame son innocence, nie sa présence ce jour là au Conseil de l’Entente. Il est condamné à la prison à vie pour attentat à la sûreté de l’État et complicité d’assassinat.
Nabonsseouindé Ouédraogo et Idrissa Sawadogo, ont été condamnés pour complicité d’attentat à la sûreté de l’État et assassinat, à 20 ans de prison.Elysée Ilboudo est condamné à 11 ans de prison ferme.
Jean Pierre Palm, chef de la gendarmerie après le 15 octobre 1987 et Ouédraogo Tibo ont écopé de 10 ans de prison ferme. Les autres inculpés écopent de peines plus légères de 3 ou 5 ans de prison avec ou sans sursis. Trois sont acquittés.
Une salve d’applaudissements accueille l’énoncé de ce verdict.
Cependant beaucoup reste à faire…
L’hypothèse d’un complot international, n’a cessé de traverser le procès grâce à plusieurs témoignages. Le combat n’est donc pas terminé car le volet extérieur du dossier judiciaire reste ouvert. Très habilement, le juge François Yaméogo a dissocié le volet national du volet international considérant que l’enquête de ce dernier n’a pas pu être menée à bien. Cette dissociation a permis le bon déroulement du procès national laissant le volet international en suspend, mais cela n’a pas empêché des témoignages sur les implications de la Côte d’Ivoire, de la Libye et de la France.
Le président Emmanuel Macron avait promis en novembre 2017, lors d’une visite à Ouagadougou, de déclassifier tous les documents sur l’assassinat de Thomas Sankara et de les mettre à la disposition de la justice burkinabè. Si quelques documents déclassifiés mais peu significatifs, ont été fournis, la promesse n’a pas été tenue. L’enquête devrait donc reprendre, et peut-être passer par une nouvelle commission rogatoire.
Sources :
Monde Diplomatique octobre 2021 page 13 : « Mais qui a assassiné Thomas Sankara »?
Cadtm :http://www.cadtm.org/Retour-sur-le-proces-de-l-assassinat-de-Thomas-Sankara-et-
de-ses-compagnons
http://www.cadtm.org/Eric-Toussaint-parle-de-Thomas
RFI : https://www.rfi.fr/fr/tag/thomas-sankara/