Eté brûlant, rentrée bouillante : Face au capitalisme menant la Terre et les travailleurs à l’apocalypse, amplifier le combat salutaire pour l’Alternative Rouge et tricolore ! Fadi Kassem répond cette semaine aux questions d’Initiative Communiste pour préparer la rentrée sociale et politique.
- partie 1 : « La question environnementale est centrale pour l’avenir de la Terre et des travailleurs »
- partie 2 : Guerre en Ukraine : l’ordre euro-atlantique ou le danger planétaire d’une apocalypse nucléaire
INITIATIVE COMMUNISTE– A propos d’apocalypse, tu faisais allusion dans la première question à la guerre en Ukraine : pourquoi, selon-toi, illustre-t-elle le danger planétaire d’une apocalypse nucléaire dont serait responsable l’ordre euro-atlantique ?
FADI KASSEM – Signalons d’abord que, contrairement aux dires des médias aux ordres et faux experts aveuglés par leur russophobie crasse, la Russie ne mène pas une guerre d’extermination du peuple et des travailleurs d’Ukraine ; et si cela était le cas, après cinq mois de guerre, le bilan humain serait autrement plus lourd. Le PRCF a d’ailleurs clairement affiché sa solidarité avec les travailleurs et les communistes d’Ukraine, victimes du régime pro-fasciste installé à Kiev à la suite, rappelons-le, d’un coup d’Etat opéré en février 2014 (avec, bien évidemment, l’appui financier des Etats-Unis) baptisé « révolution Maïdan », pseudo « révolution » au sein de laquelle grenouillaient déjà joyeusement tous les groupes néo-nazis nostalgiques de Stepan Bandera (véritable effigie nationaliste glorifiée depuis des années en Ukraine[i]) et du Troisième Reich comme le bataillon Azov, Pravyi Sektor ou Svoboda. De la même manière, le PRCF, sans appuyer pour le moins du monde le régime bourgeois et contre-révolutionnaire de Vladimir Poutine, comprend les raisons de l’intervention russe en Ukraine qui a souhaité mettre un frein à une extension indéfinie de l’OTAN, malgré la « promesse » occidentale de ne pas élargir celle-ci après la chute de l’URSS – ce que les archives montrent de manière indiscutable[ii]. Nous avons cependant exprimé nos craintes sur de potentielles conséquences « inconsidérées » et « disproportionnées », parmi lesquelles l’élargissement de l’OTAN programmé pour la Suède et la Finlande. Mais aussi, de manière plus désastreuse, le risque d’une guerre nucléaire à laquelle poussent les états-majors fanatisés de l’ordre euro-atlantique : Patrick Sanders, nouveau chef d’état-major de l’armée britannique, « estime nécessaire de préparer une troisième guerre mondiale » et, pour cela, juge qu’« il y a urgence à bâtir une armée capable de vaincre la Russie »[iii] ! A ce sujet, le Royaume-Uni renforce sa coopération militaire, à l’image du bloc AUKUS (Australie, Royaume-Uni et Etats-Unis) qui s’est manifesté lors de l’échec de la vente de sous-marins français à l’Australie en septembre dernier[iv] ; quant à Macron – qui a vite pardonné la « trahison »[v] –, tout en faisant du Pacifique l’axe stratégique de la diplomatie française, il accélère la vassalisation de la France dans le cadre de l’OTAN et entraîne la pays dans un dangereux aventurisme illustré par l’envoi d’une flotte en mer de Chine en février 2021.
Pour mieux saisir cette escalade funeste, il faut élargir la question de la guerre en Ukraine à celle du combat des Etats-Unis et de leurs supplétifs – France atlantisée en tête, hélas – pour préserver et renforcer un hégémonisme impérialiste agressif, visant à élargir sa sphère d’influence au monde entier en ne cessant de provoquer et de déstabiliser les pays considérés « ennemis » : Cuba socialiste, Venezuela bolivarien, Nicaragua sandiniste, Syrie, Iran, Biélorussie, Corée du Nord, etc. Et bien entendu, au-delà de la Russie, la Chine est la principale cible de l’impérialisme états-unien, comme l’a clairement affirmé Jo Biden – dans la continuité de George W. Bush, Barack Obama et Donald Trump – à peine élu à la Maison Blanche en déclarant que la Chine et la Russie étaient les principaux « ennemis »[vi]. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si les Etats-Unis multiplient les provocations, y compris en inventant des fausses informations (une spécialité de longue date), comme dans le Xinjiang, à Taïwan, à Hong Kong ou, évidemment, à Kiev où, signalons-le, « la famille Biden, et notamment le fils du président américain, a des intérêts directs dans la principale entreprise gazière ukrainienne Burisma. Hunter Biden en ayant été l’un des administrateurs nommés immédiatement après le putsch d’euro Maïdan, et ce au moins jusqu’en 2019. »[vii] Et pour cela, rien de mieux que d’élargir l’OTAN à tous les pays demandeurs – ce qui a été fait à l’est de l’Europe depuis la chute de l’URSS malgré, répétons-le, les « promesses » « occidentales » faites au liquidateur Gorbatchev[viii] – ou de se porter en « défenseur des libertés » auprès de pays ou de populations « menacés » par des régimes réellement ou prétendus « autoritaires » : la Yougoslavie, l’Irak ou la Libye ont déjà testé les joies du combat états-unien pour la « défense des libertés », fût-ce à chaque fois au prix de mensonges dont les gesticulations du faucon Colin Powell à l’ONU en février 2003 sont l’illustration la plus spectaculaire.
Car ce que craignent les Etats-Unis et leurs supplétifs, c’est le progressif basculement du monde vers l’axe indo-pacifique, qui ferait de l’espace russo-indo-chinois, organisé au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et auquel seraient bien reliés le Proche-Orient et l’Afrique, le nouveau centre du monde[ix]. La guerre en Ukraine en offre d’ailleurs une spectaculaire démonstration : alors que les médias aux ordres proclament que la « communauté internationale » unanime condamne l’intervention russe, l’analyse d’une simple carte permet de montrer les nombreuses voix dissidentes en Afrique (dont celles de l’Afrique du Sud, du Cameroun, du Maroc, de l’Algérie ou de l’Angola) et en Asie, avec notamment le refus symbolique de l’Inde – pourtant partie prenante du Dialogue quadrilatéral (Quad) instauré par Trump avec également le Japon et l’Australie afin d’encercler la Chine – de condamner la Russie, à défaut de la soutenir. Et même lorsque les pays condamnent l’intervention, seuls les plus farouches atlantistes – Europe, Colombie, Japon, Australie, Costa Rica ou encore Taïwan – ont exigé des ripostes, contrairement à l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Turquie ou même Israël, pourtant alignés sur Washington[x]. Biden a d’ailleurs été clair lors du sommet de Djeddah du 16 juillet dernier, en présence des dirigeants de neuf pays arabes (dont l’Arabie saoudite, la Jordanie et l’Egypte) : « Nous ne partirons pas (de la région) et ne laisserons pas la Russie, la Chine et l’Iran combler le vide »[xi]. C’est que Biden n’a pas apprécié l’intégration de l’Iran à l’OCS en septembre 2021, s’ajoutant aux adhésions du Pakistan et de l’Inde en 2017.
Cette crainte légitime explique la radicalisation du camp euro-atlantique sous l’impulsion des Etats-Unis face à l’émergence d’un bloc anti-hégémonique, non homogène et au sein duquel existent des contradictions. Car les Etats-Unis ont mal vécu les échecs en Irak, en Syrie et en Afghanistan – où les talibans fanatiques ont reconquis le pouvoir il y a près d’un an – et s’inquiètent de la prise de distance accélérée de certains de leurs alliés dans le cadre de la guerre en Ukraine : ainsi, face aux sanctions économiques imposées par le camp euro-atlantique, la Russie fortement accru ses exportations de mazout « à destination de la Chine, de l’Inde et de plusieurs pays africains et du Moyen-Orient qui bénéficient d’ailleurs de prix réduits. Parmi ces zones géographiques privilégiées, l’Arabie saoudite se distingue. Le premier exportateur mondial de pétrole a ainsi plus que doublé ses importations de fioul russe au deuxième trimestre 2022, d’après les chiffres de Reuters. »[xii] Parallèlement, la « nouvelle vague rouge » en Amérique latine, symbolisée par l’arrivée au pouvoir de Gustavo Petro en Colombie, le pays le plus atlantiste du continent, montre la persistance d’un puissant front anti-impérialiste en Amérique latine : les Etats-Unis l’ont d’ailleurs constaté en juin dernier à l’occasion du « Sommet des Amériques [qui a] multipli[é] les désistements. D’abord le Mexique, puis les pays des Caraïbes, le Honduras et le Guatemala. »[xiii] Enfin, il faut suivre avec attention ce qui se passe en Inde, qui a acquis des systèmes de défense anti-aériens « S-400 » auprès de la Russie mais que le congrès américain a refusé de sanctionner par crainte de voir New Delhi basculer dans le camp indo-pacifique[xiv] ; cependant, l’Inde n’est pas encore prête à rompre avec les Etats-Unis, comme l’atteste sa participation récente au premier sommet « I2UI » réunissant ces derniers, Israël et les Emirats arabes unis – qui s’étaient abstenus de condamner l’intervention russe en Ukraine – afin de renforcer la coopération énergétique et alimentaire[xv].
Il n’en demeure pas moins que l’affaiblissement des Etats-Unis et la peur de voir le centre de gravité du monde, centré sur l’espace euro-atlantique depuis cinq siècles, basculer vers l’axe indo-pacifique se traduisent par la radicalisation de l’impérialisme états-unien et de ses supplétifs, au point de menacer de faire basculer le monde dans l’apocalypse nucléaire en prenant le prétexte de l’intervention russe en Ukraine.
[i] https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/ukraine-le-colabo-des-nazis-stepan-bandera-honore-a-kiev-avec-la-complicite-de-lunion-europeenne-qui-refuse-de-voter-la-resolution-condamnant-le-nazisme-a-lonu/ ; https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/ukraine-doit-cesser-de-glorifier-des-gens-comme-stepan-bandera-ou-roman-choukhevytch/
[ii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/quand-les-archives-americaines-confirment-quil-avait-ete-promis-a-la-russie-que-lotan-ne-setendrait-pas-a-lest-en-ukraine-les-preuves/
[iii] https://www.lindependant.fr/2022/06/19/guerre-en-ukraine-le-chef-de-larmee-britannique-estime-necessaire-de-preparer-une-troisieme-guerre-mondiale-il-y-a-urgence-a-batir-une-armee-capable-de-vaincre-la-russie-10376187.php
[iv] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/pour-restaurer-la-souverainete-et-lindependance-militaire-de-la-france-avec-fadi-kassem-portons-lalternative-rougetricolore-fk2022/
[v] https://www.initiative-communiste.fr/articles/billet-rouge-2/sous-marins-atlantiques-par-floral-prcf/
[vi] https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/international-biden-pas-mieux-que-trump/
[vii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/billet-rouge-2/a-louest-rien-de-bien-nouveau/
[viii] https://histoireetsociete.com/2022/02/20/les-medias-ont-trouve-un-document-garantissant-la-non-extension-de-lotan-a-lest/
[ix] https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/vers-le-grand-basculement-geopolitique-locs-contre-lencerclement-indo-pacifique/
[x] https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/24/cartographier-les-reactions-a-linvasion-de-lukraine/
[xi] https://www.iris-france.org/168827-quelles-lecons-tirer-de-la-visite-de-joe-biden-en-arabie-saoudite/
[xii] https://www.bfmtv.com/economie/international/l-arabie-saoudite-continue-d-importer-massivement-du-fioul-russe_AV-202207190499.html
[xiii] https://information.tv5monde.com/info/sommet-des-ameriques-les-etats-unis-ne-font-plus-la-pluie-et-le-beau-temps-459589
[xiv] https://www.aa.com.tr/fr/monde/la-chambre-des-repr%C3%A9sentants-des-%C3%A9tats-unis-envisage-dexempter-linde-des-sanctions-caatsa-/2638133
[xv] https://atalayar.com/fr/content/les-etats-unis-linde-israel-et-les-eau-renforcent-leur-collaboration-dans-les-secteurs-de