Eté brûlant, rentrée bouillante : Face au capitalisme menant la Terre et les travailleurs à l’apocalypse, amplifier le combat salutaire pour l’Alternative Rouge et tricolore ! Fadi Kassem secrétaire national du PRCF répond cette semaine aux questions d’Initiative Communiste pour préparer la rentrée sociale et politique.
- partie 1 : « La question environnementale est centrale pour l’avenir de la Terre et des travailleurs »
- partie 2 : Guerre en Ukraine : l’ordre euro-atlantique ou le danger planétaire d’une apocalypse nucléaire
- partie 3 : Réagir face à l’accélération de la fascisation et son anticommunisme décomplexé
- partie 4 : Après la séquence électorale sans issue, construire la victoire des luttes sociales.
INITIATIVE COMMUNISTE– C’est un point essentiel que tu viens de soulever implicitement : les luttes sociales sont toujours vives dans le pays et la séquence électorale qui vient de s’achever ne semble pas en mesure d’y apporter une réelle solution…
FADI KASSEM – C’est le moins que l’on puisse dire ! La séquence électorale à laquelle nous avons assisté a globalement passé sous silence la réalité quotidienne de la lutte des classes, quand bien même Fabien Roussel, « communiste identitaire » ayant multiplié les gages et gestes de bonne volonté pour complaire à la droite réactionnaire[i], Jean-Luc Mélenchon et, à un degré bien moindre de force de frappe, les candidats trotskistes Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, ont tenté de mettre cette question sur le devant de la scène. Mais le « débat » était phagocyté par la propagande pro-ukrainienne et russophobe ainsi que par le traitement obsessionnel, de la part des médias aux ordres, des sujets de prédilection de la droite lepéno-zemmourienne et LR – avec l’appui de la Macronie désireuse d’« affronter » l’extrême droite au second tour de la présidentielle. Cela n’a cependant pas empêché les luttes de s’exprimer, y compris au cours de la campagne[ii]. Car l’ensemble de la droite ainsi que les forces de « gauche » acquises à l’ordre euro-atlantique doivent affronter la question centrale du niveau de vie – et pas seulement du réducteur « pouvoir d’achat » –, qui se pose avec d’autant plus d’acuité en cette période d’inflation galopante. Une inflation qui prend sa source certes dans la guerre en Ukraine – ou plus exactement, du fait des stupides sanctions « occidentales » qui se répercutent sur le prix de l’énergie (l’essence notamment) par exemple –, mais aussi dans la spéculation sur les matières premières qui, déjà en 2008, était à l’origine des « révoltes de la faim » comme en Egypte ou au Sénégal ainsi que dans le ralentissement de la production consécutif à la fin de la période de rattrapage post-confinement.
A cela s’ajoute le rôle maléfique et mortifère de l’UE qu’ignorent globalement les forces établies de droite et de « gauche » : ainsi, « le gouvernement a enfin révélé ce jeudi 21 juillet les contours de sa feuille de route budgétaire, qui sera envoyée prochainement à Bruxelles. Grâce à une croissance moyenne de 1,8 % sur l’ensemble du quinquennat, il assure pouvoir tenir son objectif de revenir sous les 3 % de déficit en 2027. »[iii] Autrement dit, l’euro-austérité comme horizon pour les travailleurs d’ici la prochaine élection présidentielle, ce qui avait d’ailleurs déjà été annoncé au printemps 2021 par la Macronie[iv] et en janvier dernier par le FMI[v] ; mais qui s’en souciait à l’époque, à part le PRCF qui ne cesse de combattre l’infernale Troïka, et pas seulement par des effets de manche en période électorale ? Les contempteurs du PRCF pourront continuer à affirmer que l’on peut construire une « Europe sociale » ou d’autres fadaises de la sorte, la réalité est que l’UE, machine de guerre totalitaire et antisociale au service du Capital, poursuivra son œuvre de destruction de toutes les conquêtes sociales et de tous les services publics (sans compter les libertés démocratiques !) avec l’appui des dirigeants acquis à l’ordre euro-atlantique. D’ailleurs sitôt réélu, Emmanuel Macron, qui avait fait du second tour de la présidentielle un « référendum sur l’Europe »[vi], s’est empressé de rassurer Bruxelles sur ses intentions, poussant la « France insoumise » à affirmer qu’il y avait un « programme caché » de « 80 milliards d’économies »[vii] au soir du premier tour de l’élection législative – dans une tentative désespérée de gagner cette élection.
Mais ce que ne prévoyait pas l’illégitime Macron, c’est le coup de massue au second tour des législatives. Un coup de massue sanctionnant le refus de sa politique euro-destructrice qui s’est déchaînée au cours de son premier mandat et le refus, déjà, de la Première ministre Elisabeth Borne dont la nomination est une véritable provocation pour les travailleurs, elle qui avait détruit la SNCF, EDF-GDF et l’assurance-chômage[viii]. Ce qui ne l’empêche pas, malgré la déroute de la Macronie lors des législatives, de refuser de se soumettre à un vote de confiance auprès des députés et de chercher à appliquer, « quoi qu’il en coûte », la feuille de route euro-austéritaire concoctée par la Troïka et le MEDEF[ix]. Ce second tour a d’ailleurs plongé le pays dans l’ingouvernabilité, comme ne cesse de le dire le PRCF depuis près de 18 mois, du fait de l’abstention massive – notamment de la part des milieux populaires et des jeunes – qui affaiblit la légitimité de tous élus, « Rassemblement national » compris ; il n’en demeure pas moins que l’obtention de 89 sièges de députés par le RN est un nouveau signal d’alerte sur la fascisation galopante, le RN ayant incontestablement réussi à percer chez une partie des milieux populaires – en particulier dans les communes rurales et les petites et moyennes communes urbaines – du fait des atermoiements et des trahisons des partis dits de « gauche » ; cela se ressent d’ailleurs au regard du nombre de victoires de candidats RN face aux candidats NUPES (mais aussi face à des candidats LREM) au second tour de l’élection législative.
A ce sujet, la « Nouvelle union populaire écologique et sociale » (NUPES), assemblage hétéroclite ayant permis la résurrection du Parti « socialiste » (PS), ne peut décemment constituer une alternative radicale crédible pour les travailleurs : le soir même du premier tour de l’élection législative, Olivier Faure – avec lequel Jean-Luc Mélenchon a pris toute une demi-journée pour le convaincre d’accepter l’accord électoral… avant de développer une véritable « bromance – amitié sentimentale » (sic)[x] – ne s’est-il pas empressé de déclarer que la NUPES, qualifiée d’« extrême gauche » (sic) par l’ensemble des forces de droite et les médias aux ordres, n’avait l’intention de sortir ni de l’euro, ni de l’UE, ni de l’OTAN ? Il fallait bien rassurer l’électorat écolo-bobo européiste se retrouvant parfaitement chez EELV ou dans les segments euro-compatibles de la FI (Manon Aubry, Manuel Bompard, Clémentine Autain) et du PCF (Elsa Faucillon, Ian Brossat). Au moins aura-t-elle permis de bloquer Macron… mais au même titre, hélas, que les 89 députés du RN – même si ces derniers voteront un certain nombre de lois, à l’image de la loi honteusement nommée « pour le pouvoir d’achat » (et tandis qu’une grande majorité des députés PS s’est abstenue…)[xi].
Quoi qu’il en soit, le pays est désormais ingouvernable et la « grande explication » entre des travailleurs en colère contre l’ordre établi – y compris les forces supplétives de « gauche » refusant de rompre radicalement avec le bloc euro-atlantique – et l’oligarchie au pouvoir apparaît de plus en plus probable. Et ce ne sont pas les récentes révélations du Monde – une fois les élections passées, naturellement – au sujet des liens entretenus par Macron et la multinationale Uber, pour laquelle Macron a agi en véritable cinquième colonne[xii] – comme il l’a déjà fait pour Amazon par exemple –, qui vont arranger sa situation, quand bien même il continue d’exprimer la même morgue que d’habitude. Une morgue qui traduit cependant, en réalité, la crainte d’une « tempête sociale et politique » qu’Edouard Philippe pressentait lui aussi quand il était Premier ministre et prenant sa source dans le démantèlement de tout ce qui garantit le niveau des travailleurs de France, à commencer par les salaires, les services publics et la Sécurité sociale. Dans le premier cas, l’argent injecté au soutien des forces pronazies du régime de Kiev et les génuflexions devant la Troïka sont autant de revenus en moins pour des travailleurs de moins en moins en mesure de boucler la première quinzaine du mois ; il suffit de voir le prix du litre de diesel, désormais supérieur à celui du sans plomb-éthanol, souvent utilisé par les camionnettes de livraison et par les artisans et travailleurs précaires pour le travail (du moins quand ces derniers en ont un !). Dans le second cas, il suffit de voir l’état calamiteux des structures hospitalières, en particulier des urgences au bord de l’effondrement[xiii], le projet de destruction accélérée de l’Education nationale par le nouveau ministre Pap Ndiaye (qui confirme d’ailleurs la mainmise mortifère de Sciences Po Paris dans ce ministère)[xiv], ou encore la tentative de capitalisation d’EDF par le gouvernement qui utilise le vocable mensonge de « renationalisation » (interdite par l’UE)[xv]. Quant aux retraites et à la Sécurité sociale, le travail de sape mené depuis des décennies ne s’arrêtera pas puisqu’Elisabeth Borne a clairement affirmé, le 6 juillet, que « nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps ».
En somme, tout est réuni pour une rentrée animée… à moins qu’un mouvement de grande ampleur se lève dans les prochaines semaines au cours de l’été. Mais cela dépendra également de l’état des forces dans le camp des travailleurs.
[i] https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/de-la-lutte-finale-a-la-chute-finale-fabien-roussel-ou-le-defi-des-jours-heureux-au-service-de-lintouchable-construction-europeenne-du-capital/
[ii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/mauvaise-nouvelle-pour-macron-pecresse-le-pen-zemmour-cie-en-pleine-presidentielle-la-combativite-populaire-repart-a-la-hausse-en-france/
[iii] https://www.la-croix.com/Economie/Comment-gouvernement-compte-redresser-finances-publiques-2022-07-21-1201225911
[iv] https://www.budget.gouv.fr/files/uploads/extract/2021/PStab_2021_2027/PSTAB_2021.pdf
[v] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/le-fmi-enjoint-la-france-de-reduire-plus-rapidement-ses-depenses-publiques-1382242
[vi] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/le-resultat-du-premier-tour-des-elections-presidentielles-lrvp-de-fadi-kassem-30-video/
[vii] https://www.liberation.fr/checknews/la-majorite-presidentielle-prevoit-elle-vraiment-80-milliards-deuros-deconomies-cachees-comme-laffirme-lfi-20220617_MQYU4ZTLWRB6XFOWKY25QG6N64/
[viii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/contre-le-grand-ebornement-euro-atlantique-des-travailleurs-de-la-republique-et-de-la-france-avec-le-prcf-construire-lalternative-rouge-et-tricolore/
[ix] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/illegitime-et-anti-democratique-borne-refuse-de-se-soumettre-au-vote-de-confiance-pour-continuer-dappliquer-le-programme-dicte-par-ue-medef/
[x] https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-les-legislatives-entre-faure-et-melenchon-une-bromance-inattendue_fr_62b4212ae4b06594c1dfc504
[xi] https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/07/22/projet-de-loi-sur-le-pouvoir-d-achat-ce-que-contient-le-texte-vote-a-l-assemblee_6135736_823448.html
[xii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/explosive-affaire-macron-uber-neoliberalisme-et-capitalisme-monopoliste-detat-sont-les-deux-faces-dune-meme-politique-par-georges-gastaud/
[xiii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/fermeture-des-urgences-casse-de-lhopital-public-la-mise-en-danger-de-la-vie-des-patients-par-manque-de-services-public-conduit-a-des-morts-entretien-avec-christophe-prudhomme-porte-parole-de-l/
[xiv] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/papndiaye-education-nationale-entre-diversion-post-moderniste-et-explosion-materialiste/
[xv] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/entretien-avec-cedric-liechti-cgt-energie-paris-il-ne-sagit-pas-dune-renationalisation-dedf-mais-dune-capitalisation/