Communiqué du P.R.C.F. et des Jeunes pour la Renaissance Communiste en France.
C’est avec une immense tristesse que nous apprenons la mort de Jean Ferrat.
Jean, « on ne se connaît pas, mais on sait qui vous êtes ! », comme vous le chantiez dans « Mon Palais » ; si bien que tous les communistes fidèles à leur idéal, tous les républicains qui ont chanté « Ma France » avec vous, sans abandonner notre pays aux xénophobes et aux autophobes de la fausse gauche, ont aujourd’hui le sentiment de perdre un membre de leur famille : la grande famille aujourd’hui si désunie, par la faute de la « mutation », des communistes, mais aussi la famille plus grande encore des progressistes et des amoureux de la langue et de la chanson françaises.
Jean, vous êtes et vous restez le fils de déporté, sauvé de la mort par des résistants communistes, qui a chanté « Nuit et brouillard » à une époque où il était mal vu de parler du génocide juif au risque de pointer la responsabilité écrasante des bourgeois collabos de Vichy.
Vous êtes et vous resterez le militant, même si vous n’étiez pas « carté », qui fut censuré pour avoir écrit les mutins du « Potemkine » et célébré la Révolution russe, pour avoir magnifié la victoire du peuple vietnamien sur l’impérialisme US en clouant au pilori le « Figaro », nostalgique du régime fasciste de Saigon… Et cela nos « libres médias » qui pleurnichent aujourd’hui mais qui ne passent jamais rien de vous, ne vous l’ont jamais pardonné !
Vous êtes et resterez l’homme qui sut unir l’amour, -ni fade bluette ni désir bestial, à la lutte pour la révolution en prolongeant le chant d’Aragon et d’Elsa et en célébrant « Ma Môme », cette ouvrière qui « n’pose pas pour les magasines » et qui « fait l’amour en secret »…
Vous êtes aussi, revenons-y, le patriote qui n’a cessé de chanter la « France des travailleurs », celle « dont Monsieur Thiers a dit : « qu’on la fusille ! » et qui « répond toujours du nom de Robespierre » ! Oui le patriote qui a chanté le paysan qui quitte « la Montagne » et qui, au cœur de l’Ardèche populaire, avez toujours défendu, fidèle à Rabelais, le bien-vivre et le bien-manger de nos terroirs moqués par les bobos. Et cela vous avait même conduit en 97 à signer le Manifeste pour sortir la France de l’Europe de Maastricht qu’avait lancé la première Coordination communiste.
Vous êtes également le grand défenseur de la francophonie qui, en créant mais aussi en prenant position et en affrontant le « tout-anglais » patronal qui menace aujourd’hui de mort notre langue et notre chanson, avez assumé une position de résistance linguistique qui vous a conduit à signer le Manifeste progressiste pour la défense de la langue française lancé par Georges Hage, Léon Landini et Georges Gastaud.
Certes les militants de la Renaissance communiste, -et ils vous l’ont dit en toute franchise, comme on le doit à un camarade de combat-, n’ont pas apprécié que vous ayez quelque temps participé au concert de condamnation de l’URSS : il apparaît en effet clairement aujourd’hui que, si tout n’était pas rose dans ce pays assiégé de toutes parts pendant des décennies, le « bilan » de la restauration du capitalisme favorisée par Gorby et applaudi par Hue, est tragique pour les communistes, pour les antifascistes, pour tous les peuples du monde aux prises avec la re-mondialisation d’un capitalisme délesté du contrepoids que constituait le camp socialiste. Mais à la différence de certains « communistes officiels », qui créditèrent le fascisant « livre noir du communisme » à l’invitation de l’anticommuniste Cavada, personne n’oubliera que vous avez ce soir-là pointé avec panache les crimes sans nombre du capitalisme. De même que dans votre chanson « Camarade », consacrée au « Printemps de Prague », vous vous efforciez, -peut-être sans mesurer à quel point les rapports de forces mondiaux rendaient difficile la tâche du PC tchèque-, de produire une critique communiste de ce qui n’allait pas à l’est, « au nom de l’idéal qui nous faisait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui ». Et vous n’avez jamais, contrairement à d’autres qui hurlaient avec les loups « lâché » Cuba socialiste qui passe aujourd’hui le témoin révolutionnaire hérité de Spartacus, Robespierre et Lénine, aux peuples latino-américains en rébellion continentale contre l’Empire états-unien.
Bref, vous mourez et vous nous laissez seuls, ami Jean. Seuls ? Non, car ce soir même, dans cette nuit contre-révolutionnaire où le capital se croit maître à jamais alors que sa crise s’aggrave, dans cette France strangulée par Sarko-MEDEF et par l’Europe du capital, des milliers de gens de bien, de travailleurs honnêtes, vont sortir les disques vinyle et les CD pour faire écouter aux jeunes générations émerveillées « Ma France », « Un jour viendra » et « La porte à gauche »… cette chanson qui cingle toujours au visage ceux qui, en 81, ont grimpé sur le dos du peuple de gauche pour faire une politique de droite en croyant à jamais enterrer l’espoir.
Ah qu’il vienne enfin le Temps des cerises, où le chant généreux de Jean Ferrat passera plus souvent sur les ondes que le cri sourd des corbeaux du capital, de son Europe de malheur et de son anglicisation dictatoriale de nos langues, de nos oreilles et de nos cerveaux !
Je sais, on dira que c’est des sottises
Que mon utopie n’est plus de saison
Que d’autres ont chanté le temps des cerises
Mais qu’ils ont depuis changé d’opinion
Moi si j’ai connu des années funeste
Et mes cerisiers des printemps pourris
Je n’ai pas voulu retourner ma veste
Ni me résigner comme un homme aigrit