Pôle position du 17 juillet 2010
Défendons l’héritage politique et linguistique de notre pays !
Par Georges Gastaud, auteur de « Lettre ouverte aux ‘bons Français’ qui assassinent la France »
Depuis quelques mois, Lady Martine Aubry tente de lancer sur le marché des « idées » politiques le concept américain de « care » (un mot anglais imprononçable qui signifie « soin », « sollicitude » ou mieux, « prévenance » en bon français : car les mots ne manquent pas dans la langue de Molière dès lors qu’on a la ferme résolution de respecter sa langue maternelle, de ne pas snober le bon peuple ignare qui la parle et de ne pas faire allégeance à l’Empire anglo-saxon jusque dans le vocabulaire) ; manifestement plus fascinée par Obama et par la Comtesse de Ségur que par Jaurès et Rousseau, l’héritière de Jacques Delors propose même de substituer aux trois plus beaux mot de la langue française, « liberté, égalité, fraternité », l’horrible devise « liberté, égalité, « care » », tellement plus douce aux oreilles des dames patronnesses des beaux quartiers…
Bien entendu, une partie de la gauche « alternative », soi-disant critique envers le PS, -par ex. « Alternatives économiques », se porte aussitôt à la rescousse d’Aubry au nom de la « supériorité » de l’anglais, des vertus du système politique américain (que les 80 millions de personnes hyper-pauvres qui survivent dans le pays le plus riche du monde n’ont manifestement pas encore bien comprises…) et de la nécessité de sortir les Français de leur « égoïsme » congénital. Pour le parti « socialiste », ce n’est pas un coup d’essai, car dans son livre « De battre ma gauche s’est arrêté » (et mon cerveau de travailler…), le président du CR d’Ile-de-France, le peu charismatique Huchon déclarait ouvertement qu’il se sentait plus à l’aise dans les pays scandinaves et anglo-saxons que dans la région capitale de la France. Hélas, nos concitoyens franciliens ne sont guère rancuniers envers qui les insulte…
Outre l’insane attentat contre la phonétique de notre langue,
déjà si maltraitée par les partisans patronaux du tout-anglais et par les ministres de « Sarko l’Américain », l’importation sauvage du vocabulaire compassionnel US dans le débat politique français n’a rien d’innocent : ceux qui massacrent les « signifiants » d’une langue savent parfaitement qu’ils en détruisent du même coup les « signifiés », c’est-à-dire les concepts, reflets des pratiques collectives d’un peuple et de l’histoire collective d’une nation. En France, depuis 1789, le peuple s’était habitué non pas à quémander des « soins » auprès des « bons patrons » prévenants, non pas à demander humblement à un gentil Etat « Providence » la faveur de ne pas mourir de faim, non pas une charité privée consentie par les riches aux « bons » pauvres-non-syndiqués-qui-vont-à-la-messe-et-savent-rester-à-leur-place, mais à EXIGER des DROITS politiques. Fi du paternalisme des anciens rois décapités par un peuple régicide non repenti, la « fraternité » républicaine tournée contre les « aristocrates » résumait dans un esprit égalitaire le devoir de solidarité liant les citoyens d’une même nation (« il n’y a de citoyens en République que les républicains », rappelait Saint-Just). Quant à notre hymne national né au cœur des guerres révolutionnaires, il proclame non pas « Deutschland über alles » (« l’Allemagne par-dessus tout ») ni « God save the Queen » (Dieu sauve la reine !), mais ces horreurs si peu « care » : « Contre nous de la tyrannie », « l’Etendard sanglant est levé » (eh oui, il s’agit du drapeau rouge, rien moins !) et « Aux armes citoyens ». Certes il y a loin entre les mots et les choses et nul ne prétend que la France ne soit pas restée, malgré la Commune, le Front populaire, la Résistance, le CNR et mai 1968, un pays tristement capitaliste : mais « l’exception française » est là AUSSI, avec ses traditions de lutte, sa culture de la grève et du « tous ensemble », sa jeunesse frondeuse dont l’inconscient reste marqué par Gavroche, par Che Guevara… et par la lutte anti-CPE, ses services publics, sa laïcité institutionnelle, ses acquis sociaux construits par les ministres communistes de 1945… sans oublier notre magnifique langue française, avec sa littérature de feu et sa chanson contestataire (Brassens, Ferré, Ferrat, Greco, et même à certains égards, Renaud, Brel, Higelin, Perret…) qui sont autant de points d’appui pour la résistance populaire… et autant de « verrous » à faire sauter pour le MEDEF et pour sa politique d’ « intégration européenne » visant à dissoudre la France dans l’Empire germano-américain du capital comme on dissout un sucre dans une tasse d’acide.
D’où « l’autophobie » nationale typique de la classe dominante en général et de l’UMPS en particulier :
il faut en finir avec tout ce qui est « hexagonal », « franco-français », « franchouillard », « gaulois », comme si les mots « gauloiserie » et « franchise » n’étaient pas parmi les plus fiers et joyeux de notre idiome condamné à mort par nos « élites ». C’est ainsi que dans la dernière période, un quarteron de pseudo-intellectuel a relancé le projet giscardien de modifier les paroles soi-disant trop guerrières de la Marseillaise et notamment le fameux refrain « aux armes, citoyens ! »… Cela est-il étranger au fait que ce refrain est de plus en, non pas chanté, mais crié dans les manifs populaires face à un régime sarkozyste honni et face à une construction européenne que le peuple a massivement sanctionnée chaque fois qu’il lui fut loisible de se prononcer par référendum. L’idée mûrit d’ailleurs dans les consciences que Sarko-MEDEF est illégitime (une élection à 52% des voix ne confère pas à l’élu le droit de démolir toutes les bases sociales, politiques, linguistiques et constitutionnelles sur lesquelles est bâtie, bien ou mal, une nation !). De plus en plus on revoit fleurir dans les tracts cet article de notre première constitution républicaine (1793) que le PRCF était bien seul à rappeler dès le 7 mai 2007 : « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour toute portion du peuple le plus inviolable des droits et le plus indispensable des devoirs ». Alors vite, vite, éliminons de la Marseillaise cet appel aux armes citoyennes qui fit tomber les rois, les Empereurs et les dictateurs fascistes en 1793, 1830, 1848, 1871 et 1945…
Moralité : les vrais anticapitalistes qui continuent par routine, comme si nous étions en 14
(à l’heure où la grande bourgeoisie française misait à fond sur le nationalisme) et non en 2010 (où, tout en jouant sur le racisme, l’impérialisme français archi-réactionnaire démonte la nation pour mondialiser ses profits et déclasser massivement le prolétariat de France) devraient enfin se préoccuper de combattre le néo-colonisation linguistique de la France qui vise à discriminer les classes populaires, immigrés francophones compris, à humilier notre peuple pour briser en lui l’esprit frondeur en remplaçant la conscience de classe par un succédané « américain » de l’antique bondieuserie (1). C’est d’ailleurs le 14 juillet 1935, il y a exactement 70 ans, qu’au meeting du stade Buffalo, J. Duclos a donné ses assises idéologiques au Front populaire et à la future Résistance antifasciste en associant le drapeau rouge au drapeau tricolore et la Marseillaise à l’Internationale (initialement écrite par Pottier… sur l’air de la Marseillaise !). Alors n’abandonnons pas la langue française, la Marseillaise, la devise républicaine et la France elle-même aux réactionnaires de l’UMPS qui détruisent notre pays et ses acquis, ni à Marine Le Pen qui se fixe pour « tchallendge » d’éliminer les « banksters »… et de porter à 65 ans tout de suite l’âge « indicatif » de la retraite. Exigeons que Lady Aubry s’affirme clairement pour la retraite à taux plein à 60 ans (maxi) pour tous au lieu d’amuser le tapis avec ses petites saloperies linguistiques. Défendons notre langue, notre culture, nos acquis sociaux, notre indépendance nationale, notre « produire en France » en rompant avec la sacro-sainte construction européenne, quitte à affronter le grand capital et à rouvrir à notre pays la voie du socialisme et de la révolution sociale.