Pôle position 7 décembre 2009
Une réflexion personnelle de Georges Gastaud à propos du sommet de Copenhague
Même si les recherches scientifiques sur les causes du réchauffement climatique sont loin d’être achevées, il est salutaire que les Nations-Unies se réunissent spécialement à Copenhague pour traiter de la sauvegarde écologique de la planète.
Il est vrai que depuis des siècles, « le capitalisme ne crée la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur » (Marx). Depuis longtemps d’ailleurs, le capitalisme ne développe plus qu’en surface les forces productives : entré depuis la fin du 19ème siècle dans sa phase monopoliste, dans laquelle Lénine plaçait le moteur de l’impérialisme moderne, le capitalisme pourrit sur pied depuis plus d’un siècle : derrière la clinquante « modernité » du portable, du baladeur et du clavardage généralisé, casse industrielle et parasitisme financier battent leur plein dans les pays de la Trilatérale impérialiste USA/Japon/U.E. ; des millions de prolétaires y sont réduits au chômage ou aux petit boulots ; dans les pays du Sud, dans les ex-pays socialistes détruits par la contre-révolution, règnent misère de masse et surexploitation. Pendant qu’explose le nombre de milliardaires en dollars, la barre du milliard d’affamés vient d’être franchie en 2009 : champagne bio pour tout le monde ! Ces meurt-la-faim sont les victimes systémiques de la spéculation des « marchés » sur les céréales et de la destruction organisée des cultures vivrières sous l’égide des trusts agroalimentaires comme Monsanto, et des appareils d’Etat à leur dévotion, comme l’Union européenne.
Et partout, avec la crise systémique du capitalisme qui n’en finit pas, des millions de chômeurs supplémentaires viennent chaque mois s’ajouter à la liste des licenciés pour cause de profits insuffisants. Ainsi le libre-échangisme sélectif piloté par les USA (qui savent protéger leur marché intérieur et interdire les importations françaises quand bon leur semble !) est-il en passe d’araser l’industrie indigène des pays du Sud et de l’Est. En France, l’euro-libre-échangisme vient symboliquement d’obtenir coup sur coup la liquidation des usines Amora de Dijon et la fermeture de la maison de Haute-Couture Christian Lacroix ; quant à la casse des usines d’équipement automobile, elle bat son plein : avec la mise à mort programme du « produire en France », il faudra donc importer, et importer encore sur mer, par air et sur route, tout ce qui était auparavant produit sur place et en permettant aux gens de gagner leur vie. C’est le règne absurde du « flux tendu » et du « juste à temps », c’est le yaourt faisant deux fois le tour du monde avant d’atterrir sur les tables, avec derrière lui une impressionnante traînée de C.O.² et de gens jetés à la rue…
Cela n’empêche par M Borloo de poser à l’écologiste distingué dans les médias pendant que son compère Cohn-Bendit parade sur les sarko-médias dans l’espoir d’exploser une « gauche établie » déjà passablement discréditée. Etranges « écolos », dont le premier rêve de faire rouler des camions de vingt-cinq mètres sur nos autoroutes ; quant au second, il a soutenu la constitution européenne et son principe de « concurrence libre et non faussée », synonyme de délocalisation généralisée, donc de transport de marchandises « made in ailleurs » par super-tankers mazoutant les mers et par super-camions enfumant nos bronches. D’ailleurs, si la France tente un jour de taxer la pollution produite par le transport routier, première cause de pollution atmosphérique bien avant nos usines aux deux-tiers délocalisées, la « verte » Europe de Bruxelles lui infligerait aussitôt d’énormes amendes avec le soutien zélé de « Dany le Vert », chantre bien connu de la lutte anti-« protectionniste »… C’est d’ailleurs ce même Cohn-Bendit qui, à l’unisson de Jean-Paul Huchon, président du conseil général francilien, voudrait privatiser et démanteler Electricité de France, comme si l’exigence de sécurité ne commandait pas au contraire de revenir au monopole de l’Etat sur l’énergie nucléaire, quitte à braver pour cela le veto de Bruxelles et à sortir la France de cette prison des peuples qu’est l’Europe du Traité de Lisbonne…
Dans ces conditions, il est rassurant que les travailleurs retrouvent le chemin du combat de classe. Soutien total, donc aux routiers et aux cheminots de France qui, en posant, chacun de son côté (hélas !), le problème des bas salaires et de la dangereuse euro-déréglementation des transports ferroviaires, maritimes, aériens et routiers, peuvent forcer les capitalistes et leur Etat-UMP à mettre la main à la poche, les empêchant ainsi de suivre leur pente « naturelle » : celle du profit immédiat, qui est aussi souvent celle de la plus grande pollution sociale et écologique possible…
Combat déterminé également, contre l’exterminisme,
cette tendance lourde du capitalisme en phase dégénérative, à préférer l’intérêt immédiat de l’oligarchie financière à l’avenir à long terme des êtres vivants en général et de l’humanité en particulier. Soutien aussi à tous ceux qui luttent en France et ailleurs pour démanteler la dictature européenne, cette déclinaison sous-continentale de la monstrueuse mondialisation capitaliste : car là et nulle part ailleurs sont les facteurs structurels de la destruction de la planète.
Aucun soutien en revanche aux bobos anticommunistes d’Europe-Ecologie,
dont le souci premier est de créer sur fonds publics un marché capitaliste du « bio » et de l’écologie, de faire diversion à la question sociale pourtant indissociable du combat écologique, voire d’accompagner idéologiquement la casse industrielle de la France et le déclassement des prolétaires en col bleu et aux idées rouges qui en résulte… alors que les délocalisations sont un facteur exponentiel d’aggravation des pollutions. Mais qu’importe à nos « bourgeois bohèmes » des centre-villes, qui palabrent sur l’écologie tout en vivant largement de la « com », de la « pub », des médias abrutisseurs, de « services » financiers et d’autres « produits de première nécessité », alors que la majorité des humains n’accède toujours pas à l’électricité, à l’eau potable, à l’école et aux soins médicaux …
Quant aux communistes, il leur revient d’en finir avec la « repentance » et l’auto-flagellation perpétuelles auxquelles les ont condamnés depuis des décennies les dirigeants opportunistes qui ont aidé à saborder les partis, les acquis et les Etats ouvriers. Certes l’URSS et les pays socialistes, qui ont dû à la fois, dans un court laps de temps, construire leur industrie et résister aux agressions constantes d’un capitalisme plus développé, sont loin d’avoir toujours porté l’attention nécessaire aux questions écologiques. Notons toutefois qu’il est malhonnête de mettre au compte du « système soviétique » la catastrophe de Tchernobyl : celle-ci résulta au contraire du démantèlement de la planification socialiste par Gorbatchev et de l’irresponsable basculement qui s’ensuivit des centrales nucléaires soviétiques à l’autonomie financière totale au détriment des investissements de sécurité. L’exemple de Cuba, dont les résultats écologiques sont parmi les meilleurs au monde, montre au contraire ce que peut le socialisme quand il met en pratique ses principes humanistes de démocratie populaire et de responsabilité partagée.
Mais surtout, il faut aller au fond du débat : à l’heure où l’exigence de planifier les rapports entre industrie humaine et environnement naturel devient une question vitale, l’issue est moins que jamais à l’irrationalisme, à la mise en accusation de la science et de la technique, à la « décroissance », à l’anti-humanisme comme si « l’Homme » en général, et non l’exploitation capitaliste, était la cause des désastres écologiques . L’heure est au contraire à l’investissement public massif dans la science, et notamment à l’investissement dans la recherche fondamentale. C’est indispensable pour obtenir le progrès du savoir et la nécessaire accélération de la révolution technologique. Ainsi pourra redémarrer l’essor des forces productives repensées à partir des besoins humains et non en fonction du profit d’une poignée de richards prêts à asphyxier la planète pour exhiber leur Rollex. Car à l’époque de la mondialisation des échanges, la propriété privée des grands moyens de production devient un luxe mortel pour l’humanité. Oui la jungle capitaliste du libre-échange sauvage parrainé mondialement par les « socialistes » Pascal Lamy (directeur de l’OMC) et D. Strauss-Kahn (directeur du FMI) mène l’humanité à sa perte en suscitant une « guerre de tous contre tous » insupportable avec à la clé, le gaspillage insoutenable des uns et le sous-développement durable des autres. L’avenir du monde n’est-il pas plutôt à la coopération entre Etats progressistes, comme celle que dessine l’ALBA en Amérique latine ? N’est-il pas plutôt à la planification démocratique du développement, à la gestion collective et coordonnée des ressources humaines et naturelles. D’ailleurs, ni la nature ni a fortiori les hommes ne sont des « ressources » contrairement à ce que voudrait nous faire croire une idéologie capitaliste qui ne valorise choses et gens qu’en les immergeant dans ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste »…
Cette perspective de mondialisation communiste faisant litière de la mondialisation capitaliste appelle plus que jamais, dans un premier temps, une phase historique incompressible de révolution et de construction socialiste impliquant à la fois la souveraineté de chaque peuple et sa coopération égalitaire et planifiée avec tous les autres, comme s’y essaient déjà les pays de l’ALBA. Ainsi et ainsi seulement pourra-t-on progressivement éliminer les contradictions de classe et de nationalité qui déchirent l’humanité pour permettre à l’humanité de mettre vraiment en commun les acquis scientifiques, les savoir-faire, et pour planifier rationnellement et à long terme la production et les échanges dans le respect de « la Terre et du travailleur ».
Ce second âge du socialisme n’aura rien de commun, faut-il le dire, avec l’instauration d’une prétendue « gouvernance » capitaliste mondiale qui aggraverait le mal en soumettant directement toute la planète à la dictature éco- et anthropocidaire de la Trilatérale impérialiste. Tout au contraire, l’issue progressiste aux désordres sociétaux et écologiques créés par le capitalisme en putréfaction, doit être cherchée dans la transition révolutionnaire au communisme, cette société sans classes, sans armes et sans oppression où « le développement de chacun devient la clé du développement de tous » (Marx/Engels). Seule en effet une société communiste pourra pleinement réconcilier l’homme avec la nature en réconciliant enfin Prométhée et ce que l’Indien Evo Morales nomme la Pacha Mama, la Terre-Mère : car l’enjeu profond de la lutte, ô combien finale, qu’engagera tôt ou tard le 21ème siècle entre l’exterminisme capitaliste et un Mouvement communisme international revivifié, sera d’éliminer ou pas, au sein même de la société, « l’état de nature » et la « loi de la jungle » que signifie l’anachronique survivance du système capitaliste en tant qu’il est fondé sur la concurrence aveugle, sur la dictature des marchés et sur l’exploitation du travail d’autrui : l’humanité ne réussira pas en effet à gérer rationnellement ses relations avec la nature, -à coup sûr l’un des axes structurants d’un futur mode de production communiste mondialisé- sans éliminer la domination de l’état de nature au sein même de la société, aujourd’hui présente sous la forme périmée et omni-destructive de la propriété privée des grands moyens de production. De l’issue de ce combat titanesque entre le capitalisme exterministe et la tendance irrépressible des opprimés à lutter pour la société sans classes, dépend l’avenir de l’humanité au 21ème siècle : c’est ce qui donne tout son sens vital et humaniste à la noble devise de Fidel Castro : le socialisme ou la mort !
On mesure donc à quel point est fausse la thèse, récemment défendue en commun sur France-Inter par Cohn-Bendit et par son nouvel ami Mélenchon, à savoir que « l’écologie dessine désormais un intérêt humain universel », sous-entendu, un intérêt « au-dessus des classes » qui transcenderait à la fois l’antagonisme Capital-Travail et la contradiction Impérialisme-Peuples opprimés. Au contraire, la prise en otage écocidaire de l’humanité par le grand capital exterministe impose plus que jamais d’en finir de manière révolutionnaire avec l’anachronique propriété privée des grands moyens de production, avec ce scandale que constitue la privatisation croissante des fruits du travail humain et du savoir scientifique, à une époque où la production et l’échange tendent à s’universaliser. Et symétriquement, la tendance du capitalisme à imposer sa « mauvaise fin » exterministe de l’histoire, celle d’une nouvelle guerre mondiale inter-impérialiste qui signerait l’arrêt de mort de l’humanité ou celle d’une destruction lente de l’humanité par écocide ou par la déshumanisation rampante de toutes les relations sociales, impose à l’humanité pensante, et spécialement au camp des travailleurs, de lutter pour la « bonne fin » de l’histoire : celle d’une collectivisation rationnelle et démocratiquement planifiée des travaux humains : le communisme pour le monde.
Si donc, un peu d’écologisme « bobo » éloigne du combat de classe anticapitaliste, un engagement écologique responsable et conséquent invite au contraire à mettre en chantier, si possible avant que ne s’écoule un nouveau siècle de déprédations capitalistes, une société sans classes, sans saccage de la planète bleue pour le profit de quelques irresponsables, une société révolutionnant la science, le pouvoir politique et les rapports de propriété pour collectiviser au profit de chacun les savoirs et les productions humaines : en un mot, une société communiste.