Eduard Bernstein issu en 1850 d’une famille juive de la petite bourgeoisie (libérale politiquement et religieusement) après de courtes études jusque l’âge de 16 ans il travaille comme employé de banque jusqu’à son exil en suisse en 1878 et les 6 dernières années de sa carrière professionnelle se déroule à la banque Rothschild. Il devient un homme politique et théoricien socialiste allemand, Il meurt en 1932 (6 mois avant l’avènement de Hitler), militant de la social-démocratie d’Allemagne (SPD).
Eduard Bernstein fut membre du SPD issu de la 2° internationale dès 1872. En 1878, il s’exile en suisse à Zurich sous la pression des lois anti social-démocrate de Bismarck. Il publia jusqu’en 1890 le Sozialdemokrat, organe non officiel du parti SPD (pendant cette période Kautsky tentera de l’initier au marxisme). Chassé de Suisse il s’exile à Londres en 1888, où il rencontre Friedrich Engels il a alors 38 ans, Engels lui confie alors des travaux de mise en forme de certaines notes de K. Marx alors qu’il ne fut jamais marxiste et il deviendra a la mort de celui-ci son exécuteur testamentaire. De retour en Allemagne en 1901 car depuis les années 90 les interdictions qui frappaient les socialistes sont levées par Guillaume II. Il fut membre du parlement allemand de 1902 à 1928. Membre du Parti social-démocrate indépendant (USPD parti non marxiste) puis il retourna en 1919 au SPD.
A son crédit nous noterons son opposition à l’union sacrée en 1914 et également son désaccord dans l’assassinat de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht en 1919 tuerie organisée par les sociaux-traites sous la direction des dirigeants Noske, Scheidemann, et Hebert
La période historique : Dans les années fin du 19° Siècle et début du 20° la classe ouvrière Allemande semblait la plus avancée dans la lutte contre le capitalisme, la croissance du mouvement syndical et politique est alors la plus importante de tous les états pour aboutir en 1912 à avoir la plus grosse représentation parlementaire au Reichstag. En deux décennies nous observons que le nombre des syndiqués passe de 350000 en 1892 à 680000 en 1900 et 2 millions et demi en 1913. Parallèlement le SPD voit son influence croitre dans les mêmes proportions jusqu’à la guerre de 1914 qui déchire cette social-démocratie sur le sujet de « l’union sacrée » également sur les problèmes liés a la politique de Guillaume2 concernant la phase impérialiste de l’Allemagne (colonisations signalons à ce sujet que l’opposition du SPD leur fit perdre les élections Allemande en 1907 ramenant à 43 députés leur représentation alors qu’elle était précédemment de 80 ce qui prouve que la politique d’annexions colonialiste était partagée par les travailleurs).
Cependant la croissance du SPD s’accompagne par un affaiblissement idéologique de son appareil pourtant remarquablement organisé. Il semble que dans ce mouvement les travailleurs et surtout leurs cadres acceptent de plus en plus le régime capitaliste et désirent moins le renverser que l’amender.
A cet instant le capitalisme est lui également en mutation, il termine sa phase d’accumulation primitive et aborde sa phase de concentration avec en Allemagne le développement de cartels et de trusts, liés très tôt avec les banques
Le révisionisme du marxisme (curieusement nommé ainsi, alors que Bernstein n’a jamais été marxiste), n’est en fait qu’une attaque en règle, anti dialectique marxiste.
Bernstein a lancé vers la fin des années 1890 un vaste débat contre le marxisme (appelé le Bernsteindebatte). Ses articles furent ensuite recueillis dans un livre, et rapidement traduit en français « Les prémices du socialisme ». Il y prônait l’abandon de ce qu’il nomme : la théorie marxiste de la catastrophe au vu de l’évolution du capitalisme de son époque, qui, soit disant, ne mènerait pas à la déroute du système par la chute incessante du taux de profit, mais accroitrait la socialisation des richesses?
Encore qu’il soit nécessaire de préciser de quelle sorte de socialisation il s’agit et au bénéfice de qui ? Car dans un Etat capitaliste toute tentative se socialisation ne peut etre que précaire ou illusoire, cela se limite le plus fréquemment par des nationalisations partielles sans aucune socialisation dans les rapports de production !
En développant son révisionnisme Bernstein ouvre « la boite a pandore » qui va permettre le déferlement du mouvement réformiste dans le mouvement ouvrier, cela donnera naissance à des querelles fratricides et la naissance de nombreuses organisations antagonistes
Il affirme qu’il n’y avait donc pas lieu de compter sur une issue révolutionnaire. Il demandait en conséquence à ce que le mouvement socialiste s’engage sur une voie réformiste en comptant sur les progrès graduels que lui auraient apportés l’action parlementaire d’un côté, et l’action syndicale, de l’autre.
Pour étayer sa position il s’appuie sur la politique de Bismarck qui prétendait qu’il valait mieux accorder quelques miettes aux ouvriers plutôt que d’encourir les risques d’une révolution ! Par consequent il ne serai pas utile de lutter puisque les lois sociales sont attribuées par l’Etat
Il eut le soutien des syndicats allemands, de quelques théoriciens proches du marxisme tel (Georges Sorel) ainsi que des non marxistes tels (Tomáš Masaryk, Francesco Saverio Merlino, etc.) , La pratique de ces syndicats en Allemagne est toujours influencée, jusqu’à notre époque, par cette vision, chez nous les syndicats réformistes tels la CFDT et autres ont repris cette pratique
Il essuya l’opposition farouche de leaders ou théoriciens social-démocrate, en particulier de Karl Kautsky (qui par la suite rejoignit certaines thèses réformistes et s’opposa à Lénine concernant la révolution bolchevick d’octobre ou il préconisait une période d’Etat bourgeois avant une prise de pouvoir communiste) Egalement se sont opposés a Bernstein les révolutionnaires de l’époque tels Rosa Luxemburg, Antonio Labriola, Plekhanov, ainsi que Lénine.
______________________________________
Quels sont les points principaux des positions révisionnistes de Bernstein ?
1/ Les thèses marxistes sont critiquées par cette partie de la social-démocratie qui se range sous la domination du capitalisme. Les critiques portent principalement sur :
A/ A propos des crises du capitalisme Bernstein confond la théorie de Marx concernant la concentration capitaliste et ce qui se pratique en Allemagne avec la politique des « cartels qui sont des associations de plusieurs entreprises parfois fabriquant des produits différents » ce qui lui permet de rester sur des positions hors des luttes de classes et la nécessité de prise de pouvoir de l’Etat par la classe ouvrière
IL n’est pas aisé de réduire a quelques lignes les explications concernant les crises économiques du capitalisme, cependant ces crises qui sont des moments de ruptures dans les formes des rapports sociaux d’exploitation du capitalisme, sont occasionnées essentiellement par :
– Soit des moments de surproduction déséquilibrant l’offre et la demande des produits. Ces déséquilibres pouvant être ressentis au niveau national ou international.
– Soit avec la baisse des taux de profit qui peuvent être occasionnés par une chute du profit dût aux couts des salaires par rapport aux prix de vente, soit aussi les couts des crédits pouvant atteindre les possibilités de financements des entreprises.
Ces crises sont répétitives elles sont la résultante des contradictions fondamentales du capitalisme et les méthodes pour en sortir sont de différentes natures suivant le type de crise, ce peut être par une transformation des règles dans les rapports sociaux de production ou par des moyens impérialistes de domination par accaparement de ressources énergétiques, minières ou autres, IL y a risque de déboucher dans ces périodes sur des guerres locales ou mondiales.
Bernstein et les réformistes pensent que les crises a contrario de Marx ne sont pas cycliques mais fortuites et que pour y apporter des solutions il suffit d’aménager, d’améliorer, d’humaniser le capitalisme ! C’est compter sans la voracité de celui-ci dont la règle est le profit maximum tout de suite sans attendre demain ! Les réformistes sont dans l’erreur lorsqu’ils pensent que la baisse du taux tendanciel du profit mènerait pacifiquement d’une façon mécanique au socialisme, c’est la thèse notamment de Kautsky ; Les économistes du PCF ont une démarche similaire lorsqu’ils proposent des aménagements tendant à un assagissement des excès du capital. C’est également les efforts économiques et politiques de l’idéologie capitaliste qui entrainent les masses populaires (surtout les classes moyennes) vers le capitalisme populaire avec toutes les formes de capitalisation (SICAV, Retraites par capitalisation etc.)
C’est la négation de la nécessaire transformation révolutionnaire de la société capitaliste, au profit d’une transformation graduelle de cette société.
Concernant la crise actuelle : Cette crise est de nature légèrement différente des précédentes elle est toujours due à la baisse tendancielle du taux de profit mais particulièrement dans le domaine financier apporté par la mutation de l’internationalisation du capital bancaire et du caractère des échanges par informatique qui ont aggravé les risques de bulles financières dont le contenu n’est pas avéré ou sur des bases de valeurs boursières surcotées. Cette crise s’accompagne d’un appauvrissement des ressources énergétiques (pétrole), elle donne lieu à toute l’agitation guerrière autour du moyen orient
B/ Bernstein critique l’influence de la dialectique de Hegel qui imprègne le marxisme et qui induirait des constructions spéculatives dans la politique marxiste, ainsi il en serait, d’après lui, de l’association des termes : socialisme et révolution alors qu’il affirme que ce sont deux concepts d’origines et de natures différentes. Cette affirmation mène tout droit au réformisme alors que le passage d’un Etat capitaliste à un Etat socialiste est en lui-même une situation révolutionnaire même si ce passage se fait pacifiquement (notons d’ailleurs que la violence arrive toujours du fait des partisans du capitalisme)
C/ Bernstein prône alors la stratégie réformiste fondée sur l’utilisation du suffrage universel pour un passage graduel au socialisme. IL préconise l’extension du secteur coopératif.
__________________
Le révisionnisme de Bernstein, ses positions contre-révolutionnaires, sa stratégie réformiste, nous amènent à montrer qu’elles sont à l’ origine de toutes les déviations droitières jusque nos jours ; nous les retrouvons dans la ligne politique du PS bien entendu, mais également dans les dérives du PCF, dérives amorcées et mises en œuvre il y a plusieurs décennies, (pas seulement depuis le congrès de Martigues). Nous touchons là aux différentes politiques menées notamment depuis la fin de la 2eme guerre mondiale avec la mise à l’écart des anciens de la résistance qui désiraient poursuivre la socialisation de notre pays, de la mise en cause de la dictature du prolétariat, par l’équipe de Marchais etc. Pour aboutir au vague et triste programme du front de gauche qui proclame « l’humain d’abord » donc contre toute transformation révolutionnaire de la société capitaliste considérée comme la fin de l’histoire humaine !
Il y a pourtant la nécessité d’abattre le capitalisme et son droit inaliénable de propriété privée des moyens de productions et d’échanges qui l’accompagne.
Nous avons observé durant ces dernières décennies l’évolution de la classe ouvrière, son élévation de niveau de vie mais aussi sa baisse de pouvoir d’achat durant les années Sarkozy qui depuis 5 ans matraque toutes les conquêtes sociales. Parallement nous avons observé la formation d’une classe de l’aristocratie ouvrière comprenant l’embourgeoisement des cadres et des salariés des partis, syndicats, organisations ouvrières, etc. Nous avons vu la diversification des couches sociales avec la formation d’une classe constituée de couches moyennes qui sont devenues plus nombreuses avec la mutation économique et technologique et nous savons que ces couches sont moins sensibles à l’avènement d’une société socialiste.
Ce sont ces constats qui amènent le PCF et les autre partis de gauche à pratiquer des politiques plus ou moins réformistes ou sociale-libérales,
Mais alors n’y a-t-il plus d’espoir pour une humanité débarrassée du monstre capitalisme ? Ces formations politiques ont-elles le droit de dériver sans cesse vers leur fraction droitière ? NON car il s’agît alors d’une véritable trahison de la classe ouvrière qui reste tout de même la partie la plus importante du salariat (environ 6 millions sur une trentaine de millions de salariés) ou l’on retrouve la plus grande partie des sans-emploi et de la misère qui accompagne !
Oui, les expériences de socialisme du 20° siècle n’ont pas été parfaites, loin s’en faut ! Mais l’idéologie de la bourgeoisie se sert des défauts pour organiser un repoussoir avec l’aide de philosophes tels BHL et autres suppôts du capital et nos dirigeants se complaisent à accepter le rôle de cette idéologie dominante ! Pour aboutir aujourd’hui à servir de marche pieds, de tremplin à des individus qui ont pour objectifs de faire disparaitre un parti communiste (qui devrai être marxiste et être le cœur de la défense des ouvriers, des petits salariés, le cœur des possibilités de transformations radicales de la société). La confusion est grande et elle est entretenue en ce qui concerne le front de gauche et la candidature de Mélenchon avec un programme vide de solution acceptable par les travailleurs, ne répondant pas par exemple au grave problème posé par l’Europe du capital et de sa monnaie unique, ne prenant pas de positions offensives contre les guerres coloniales récentes et les risque de guerre mondiale nucléaire.
Gageons que le résultat des présidentielles montrera encore que nos travailleurs préfèreront rester chez eux ou partir à la pèche plutôt que de cautionner une telle politique mortifère, certains autres cautionneront malheureusement le FN.
Cette manœuvre est destinée à transformer d’une part ce qui reste du PCF en aile du parti social-démocrate parti de gauche, d’autre part elle est destinée, sous couvert d’union, à accréditer toujours plus le réformisme si bien initié par Bernstein.
M. Mélinand Unitecommuniste.org (janv. 2012)