Collectif Unitaire Républicain de Résistance, d’Initiative et d’Emancipation Linguistique.
Association progressiste et internationaliste de résistance au tout-anglais impérial, le COURRIEL dénonce les déclarations peu responsables d’Eva Joly qui, participant à un congrès de groupements régionalistes et/ou séparatistes réunis à Mouans-Sartoux, a vitupéré la prétendue « volonté hégémonique (sous-entendu : de l’Etat) d’imposer l’unique langue française ».
La candidate d’Europe-Ecologie devrait s’informer plus sérieusement sur la situation de plus en plus contestée et malmenée du français dans notre pays. Enseignes commerciales, presse « féminine », recherche, universités et grandes écoles, grandes entreprises, lycées publics et privés (où la réforme Chatel multiplie les enseignements, -anticonstitutionnels-, des « disciplines non linguistiques » en anglais), pub, chanson, cinéma, armée française (dont certains corps effectuent leurs prises d’armes dans la langue de l’OTAN !), la France vit une situation de BASCULEMENT LINGUISTIQUE scandaleusement antidémocratique (quand donc notre peuple a-t-il été consulté sur l’avenir de sa langue ?). Loin d’être hégémonique, la « langue de la République » (article II de la Constitution) est méthodiquement arrachée à l’avantage du tout-anglais entrepreneurial. Quant à la loi Toubon de 94, elle est systématiquement piétinée par une bonne partie du patronat dans la totale indifférence des pouvoirs publics. Soutenue insidieusement par une partie de la gauche établie, cette politique d’arrachage linguistique est promue dans les faits par l’Union européenne (au nom de la « concurrence libre et non faussée », ce vecteur mondial du tout-anglais), par le gouvernement pro-américain de Sarkozy et par ses inspirateurs du CAC-40 et du MEDEF (on se souvient du « time to change ! » de « France »-Telecom et du « ready for the future » de Lady Parisot). Très logiquement, cette politique qui profite à l’oligarchie mondialisée, nuit gravement aux classes populaires, -travailleurs immigrés inclus-, ainsi qu’aux couches moyennes, dont la langue maternelle ou d’usage est systématiquement dévaluée à l’avantage des « english mother tongue » qui fleurissent illégalement dans les offres d’emploi.
Au lieu de se battre contre la prétendue hégémonie d’Etat du français en arguant de la défense fort légitime des langues régionales, Mme Joly ferait bien de commencer par défendre l’ensemble des langues nationales, français, italien, allemand, espagnol, norvégien, etc. ; car toutes ces langues sont gravement menacées par le totalitarisme linguistique d’une euro-mondialisation pilotée par l’impérialisme américain et ses multiples relais « européens ». Il est facile de se documenter à ce sujet en lisant les travaux du grand linguiste Claude Hagège.
Ainsi, au lieu de dénoncer le méchant Etat jacobin qui imposerait le français (sic), Mme Joly devrait examiner les lois Pécresse et Chatel qui promeuvent illégalement l’anglais à la place du français de la maternelle à l’université en passant par les « disciplines non-linguistiques » du lycée, en violant grossièrement la loi de 1994 qui stipule que « le français est la langue de l’enseignement ». Mme Joly, qui a été juge « au nom du peuple français », serait-elle totalement insensible à ce viol grossier de la loi, de la constitution, de l’état de droit, de la démocratie? En réalité, l’Etat UMP actuel est entièrement inféodé aux groupes de pression qui prônent le tout-anglais ; sans aucun mandat du peuple, le pouvoir sarkozyste promeut la langue unique dans l’enseignement secondaire et supérieur et détruit impitoyablement la langue maternelle de l’immense majorité des citoyens de notre pays et d’une majorité d’ouvriers immigrés issus de l’espace francophone. Circonstance aggravante, ce basculement linguistique dont les preuves sont accablantes pour peu qu’on veuille bien ouvrir les yeux et rompre avec le politiquement correct, est dissimulé aux Français, tout débat sur l’arrachage linguistique de leur langue nationale étant censuré par les médias (pas un média d’importance nationale n’a seulement signalé la manifestation internationale du 18 juin organisée en Paris en présence de nombreuses personnalités pour défendre et promouvoir la langue française !).
Quant à la manière dont Eva Joly oppose les langues régionales au français, -langue commune de la République mais aussi langue de la francophonie internationale parléesur cinq continents-, elle n’a rien d’innocent politiquement : Mme Joly n’a pas hésité en effet à courtiser certaines organisations séparatistes présentes à Mouans-Sartoux qui rêvent de balkaniser le territoire national au nom de l’euro-régionalisation (peut-être peut-on excepter les indépendantistes basques, que l’U.E. ne porte évidemment pas dans son cœur…), Mme Joly, qui se déclare écologiste, devrait pourtant se soucier de défendre la diversité des langues, NATIONALES et régionales, tout aussi fort qu’elle défend la biodiversité : en quoi l’éviction en cours, -de l’allemand en Allemagne, de l’italien en Italie, du français dans les pays francophones-, et tout cela au profit de la langue unique de la finance mondiale dans la totalité des activités « de prestige », serait-elle moins grave pour la « diversité culturelle que la disparition d’une espèce de papillon n’est grave pour l’avenir de la biosphère ?
Courriel ne voit pour sa part aucune contradiction de principe entre la défense du français et la nécessaire promotion des langues régionales pour peu qu’elle s’opère clairement dans le cadre républicain et laïque, et qu’elle ne serve pas de paravent à des politiques euro-séparatistes parfaitement réactionnaires, tant elles sont porteuses de division de la classe ouvrière et du peuple de France. Et pourquoi ne pas également parler des langues de l’immigration ouvrière, arabe, berbère, wolof… qui sont gravement sous-enseignées dans notre pays, y compris dans les localités où existe une forte demande potentielle ? Pourquoi ignorer l’enseignement de l’espéranto qui, par-delà les débats légitimes qu’ils suscite, a le mérite de proposer sa solution à la question de la communication internationale en évitant de favoriser la langue d’un Empire qui domine outrageusement la planète sur les plans économique, politique, médiatique, militaire et culturel ? Et qui ne voit que si le « tout-anglais » parvenait à refouler les langues nationales dans l’espace « domestique » en accaparant tous les domaines de prestige, les langues régionales seraient éradiquées en une ou deux générations (qui peut le plus peut le moins !) ?
La réalité de l’« écologisme » linguistique de parade dont fait montre Eva Joly, c’est que derrière la défense des « faibles », il promeut en réalité la dangereuse et dictatoriale intégration capitaliste européenne, antinomique de toute diversité culturelle, avec sa langue unique qui détruit toutes les cultures nationales et régionales d’Europe (chanson, cinéma, etc.) de la Norvège à l’île de Chypre, comme le dénonçait récemment l’académicien Michel Serres dans un article défendant la « langue du peuple » et appelant à résister aux « collabos de la pub et du fric » (journal Sud-Ouest du 10 mai 2011).
Oui à la langue française, langue de la République, oui aux langues dites régionales, patrimoine de toute la nation, non à leur instrumentation par ceux qui veulent démanteler la république pour mettre en place une Europe supranationale des régions définitivement à la merci de Wall Street, non à l’ennemi principal de toute diversité culturelle qui est, non pas la langue de Césaire, de Félix Leclercq, de Fanon, d’Henri Alleg, etc., mais le totalitarisme planétaire de l’économie, de la pensée, de la politique et de la LANGUE uniques !
POUR LE COURRIEL, le 31 août 2011
- Léon Landini, président d’honneur, ancien officier des Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’œuvre Immigrée (FTP-MOI), officier de la Légion d’honneur
- Georges Gastaud, philosophe
- Matthieu Varnier, chercheur
- Guillaume Beauduin, syndicaliste
- Martine Rafflin, membres du bureau.