Résolution adoptée par le Comité Politique National du P.R.C.F. (20 février 2011) à propos du débat sur « l’URSS à l’époque de Staline » (paru dans les n° 16, 17 et 18 d’Étincelles)
Le CPN se félicite de la qualité et de la sérénité du débat organisé par ÉtincelleS sur le bilan historique de l’URSS à l’époque de Staline.
Sur cette base, la présente résolution a pour but d’unir le PRCF dans le respect des sensibilités qui se sont exprimées sur cette question; il s’agit à la fois pour le PRCF de combattre fermement la criminalisation du communisme et de montrer qu’il est soucieux de porter la perspective d’avenir du socialisme en partant du principe léniniste de l’ « assimilation critique de l’héritage historique ».
En effet comme le disait Elsa Triolet : « une barricade n’a que deux côtés » ! cela signifie que le PRCF assume TOUTE l’histoire du mouvement communiste international, qu’il la défend sans concession contre le négationnisme anticommuniste dont l’ « antistalinisme » est l’emblème ostentatoire et le prétexte indigent.. Mais en même temps, la solidarité de principe avec notre passé, comme notre solidarité de classe inflexible avec les pays qui continuent de construire le socialisme, ne signifie nullement l’alignement systématique et a priori sur toute décision prise par tel ou tel dirigeant dans le passé comme aujourd’hui. Comme l’écrivait Clara Zetkin, fondatrice de l’Internationale Communiste et envoyée du Komintern au Congrès de Tours: « discipline révolutionnaire et solidarité internationale, ne sont pas synonymes d’obéissance aveugle, d’applaudissements automatiques, de renoncement à un jugement personnel. Plus un militant a conscience de son devoir révolutionnaire, et moins il se considère comme un stipendié, qui du jour au lendemain, sur ordre, cesse d’avoir du caractère et perd toute faculté d’appréhension. ».
Sur ces bases, le CPN observe:
1°) que considérables sont les mérites historiques de l’URSS et de l’ensemble des militants et dirigeants bolcheviks à l’époque où Staline était secrétaire général du PCUS. De grands choix politiques comme la construction du socialisme dans un seul pays, la mise en place et l’exécution de plans quinquennaux audacieux qui firent en quelques décennies de la Russie arriérée des tsars, cette « prison des peuples », un grand pays multinational moderne débarrassé de l’exploitation capitaliste et féodale et du colonialisme, la collectivisation de l’agriculture, la signature du « pacte de non agression » avec l’Allemagne pour diviser le front antisoviétique des « Munichois » ont été validés par l’histoire dans leur principe sinon toujours dans les moyens trop souvent brutaux qui dans des conditions particulièrement difficiles furent mis en œuvre.
Reste que sur le fond les choix stratégiques défendus par Boukharine ou par Trotski contre Staline et la majorité des militants bolcheviks de l’époque eussent conduits à la stagnation et à la défaite rapide du socialisme en URSS.
L’impartialité commande également de réexaminer sans a priori les conceptions théoriques de Staline dans différents domaines.
Aussi le PRCF affirme-t-il clairement que l’URSS était un pays socialiste quand le PCUS était dirigé par Staline, et qu’elle l’est demeurée, malgré des déviations droitières qui sous le prétexte de corriger les erreurs de Staline, furent de plus en plus dommageables, de 1956 à la victoire de la contre-révolution menée par Eltsine et Gorbatchev.
A plus forte raison, le PRCF continuera de rejeter l’infâme amalgame « Staline=Hitler » en rappelant que c’est à Stalingrad, et grâce à l’héroïsme de l’Armée Rouge, de ses soldats venus de toutes les républiques d’URSS et de ses chefs forgés par la Révolution d’Octobre, comme à l’abnégation de ses travailleurs produisant dans les usines surgies des plans quinquennaux un armement de haute qualité, que la bête nazie a pu être terrassée et que la France a pu être libérée, comme même de Gaulle l’a reconnu en 1966 : « A Stalingrad il n’y avait pas trois camps mais deux, et tout honnête homme qui voulait battre Hitler luttait nécessairement dans le même camp que Staline, Joukov, Tchouikov » etc….
Le PRCF combat donc avec détermination toute tentative d’assimiler l’URSS libératrice et l’Allemagne nazie tortionnaire des peuples comme deux « états totalitaires » en faisant abstraction de leur nature de classe diamétralement antagonique; en occultant le soutien des « démocraties occidentales » à Hitler (politique de Munich, espoir que les nazis allaient vite attaquer l’URSS, « choix de la défaite » par les gouvernements bourgeois français, collaboration, etc.) et en passant sous silence le rôle de la social-démocratie occidentale qui n’a cessé de s’allier aux pires réactionnaires et même d’être en première ligne pour combattre les communistes (non intervention en Espagne, « lâche soulagement » de Blum après Munich, soutien de la guerre antisoviétique en Finlande, décret Sérol punissant de mort les communistes français, etc.).
Toute attaque criminalisant l’URSS y compris à l’époque de Staline, doit aussitôt entraîner une riposte cinglante de la part des communistes fidèles à leurs principes, qui face au prétendu « livre noir du communisme » doivent opposer la bibliothèque noire du capitalisme, de l’anticommunisme et de la contre révolution. De même tout dénigrement du bilan positif de la première expérience socialiste de l’histoire doit susciter une riposte foudroyante sur le bilan catastrophique de la destruction contre révolutionnaire du socialisme.
Il est certainement nécessaire de pousser la critique de la manière dont Khrouchtchev et son équipe, prétextant l’indispensable remise en cause du dogmatisme et du culte de la personnalité, ont instrumenté la critique de Staline pour promouvoir des conceptions révisionnistes et droitières en matière idéologique, politique, économique, géostratégique et militaire.
Cela ne signifie pas que cette critique n’était pas nécessaire car le culte de la personnalité et les répressions aveugles furent à certaines périodes une tragique réalité, découlant de mesures policières utilisées pour résoudre les contradictions politiques dans le parti. Mais comme l’avait demandé la direction du PCF en 1956, une telle critique devait se faire sur des bases constructives, à partir d’une réflexion marxiste, en respectant la réalité des conditions historiques de la construction socialiste dans un seul pays, en reconnaissant les mérites de Staline dans cette construction – quelle honte d’avoir débaptisé Stalingrad ! -, sans tomber dans la caricature du nihilisme historique, sans dévaloriser ses apports théoriques (par exemple l’approfondissement de la lutte de classe à l’étape socialiste) et sans nourrir les conceptions social-démocrates et trotskistes.
2°) Reconnaître les mérites de Staline, ne signifie pas que l’analyse marxiste critique du bilan de son action soit assimilable à une déviation droitière ou a un alignement sur des conceptions réformistes..
D’incontestables marxistes, à commencer par Lénine, mais aussi Thorez ou Castro, ont parfois émis des critiques contre Staline, dont l’existence n’exclut pas leurs auteurs du mouvement communiste. La pensée communiste ne saurait se passer de la critique pourvu que celle-ci soit fondée sur la volonté de corriger les erreurs et de faire avancer la cause du communisme.
La principale des critiques politiques vise les méthodes brutales de Staline, et la propension sous sa direction à considérer les opinions divergentes comme des trahisons au risque de diaboliser toute divergence politique au sein du camp communiste et prolétarien et d’en faire un motif de répression.
A l’inverse, la discipline révolutionnaire du parti bolchevik quand Lénine le dirigeait, n’a jamais empêché l’exposé libre des divergences à l’occasion des congrès ou dans la presse du parti.
Il était juste également de critiquer radicalement, la pesante dogmatisation du marxisme et des sciences – notamment l’absurde théorie jdanovienne des « deux sciences » – l’attitude religieuse frisant l’idolâtrie envers « le Parti » et les dirigeants soviétiques (et aussi français à la même époque !) qui prévalut longtemps à partir de la fin des années 1930 dans les partis communistes.
Ce monolithisme de commande ne pouvait conduire à long terme qu’à dépolitiser le parti, qu’à affaiblir l’esprit critique du prolétariat, qu’à cultiver la passivité politique du peuple et la délégation de pouvoir au chef omniscient en oubliant le principe dialectique selon lequel « la contradiction est la racine de toute vie et de tout mouvement ».
Ce culte du monolithisme et du suivisme politique eut des conséquences lourdes, même quand la direction du parti fut exercée par des communistes sincères comme Staline, il est devenu redoutable