Le débat sur le projet de loi dite d’adaptation de la Cour pénale internationale en droit français, voté à l’unanimité par le Sénat le 10 juin 2008, devrait venir à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale au cours de la session actuelle.
Parce que ce projet fixe un délai de prescription pour les crimes de guerre, si le vote de l’assemblée nationale en faisait de une loi, cette loi ferait de la France un refuge pour tous les criminels de guerre en retraite:
il leur permettrait en effet de finir leurs jours en toute tranquillité dans notre pays, protégés par ses lois, pourvu seulement qu’ils aient su se mettre à l’abri des poursuites judiciaires pendant le délai de prescription et qu’au bout de ce délai, ils se soient installés dans notre pays ( car d’autres pays, dont certains sont nos voisins, ne prescrivent pas les crimes de guerre ): cette perspective est déshonorante pour la patrie des plus nombreux philosophes des Lumières, des Droits de l’Homme et du Citoyen. Quel que soit le délai de prescription, qui peut accepter cela ?
Le PRCF a dit sa solidarité avec la lutte engagée par le Collectif Maquis de Corrèze pour obtenir que l’imprescriptibilité des crimes de guerre soit enfin inscrite dans les lois françaises : le Collectif Maquis de Corrèze s’est adressé aux députés et sénateurs pour qu’ils cessent de céder aux magouilles par lesquelles certains s’efforcent d’obtenir que nos lois protègent les criminels de guerre.
Il n’est pas le seul : les membres des Comités du Mouvement de la Paix réunis en forum à Tulle à la fin de mois de mai dernier ont signé unanimement une pétition revendiquant le vote d’une loi constatant que les crimes de guerre, quelle que soit la date ou le lieu où ils ont été commis, sont imprescriptibles ; cette pétition contient un argument proprement pacifiste et très juste : chaque prescription appliquée à un crime de guerre est une décision de renoncer à condamner ceux qui l’ont commis, et ce renoncement entrave encore un peu plus la lutte pour mettre aux guerres une fin définitive.
Il faut d’urgence faire encore davantage, et que nul ne se laisse berner pas les allégations selon lesquelles la prescription serait un principe fondamental de notre droit, indispensable à nos lois : ces allégations ne manquent pas, mais elles sont fausses, comme le démontrait le député Paul Coste-Floret le 16 décembre 1 964 dans le rapport lu devant l’Assemblée nationale pour faire voter la loi constatant que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles ; de plus, elles sont incompatibles avec la justice et incompatibles avec la démocratie, comme npous le démontrerons bientôt.
En vérité, il est de droit en France, depuis que notre pays a ratifié la convention des Nations Unies du 26 novembre 1 968, de poursuivre les criminels de toutes les guerres depuis la deuxième guerre mondiale : c’est à ce droit de poursuivre les criminels de toutes les guerres que mettrait fin le projet de loi d’adaptation en droit français de la Cour pénale internationale si le gouvernement obtenait que le vote de l’assemblée nationale en fasse une loi sans en rien modifier.
Voici comment s’est établi en France le droit actuel de poursuivre les criminels de toutes les guerres depuis la deuxième guerre mondiale:
Lorsque celle-ci finissait, la très grande majorité de nos compatriotes, parmi lesquels la quasi totalité des membres de notre peuple, revendiquait que les criminels de guerre soient poursuivis, jugés et condamnés jusqu’à ce que le dernier d’entre eux ait accompli sa peine ; cette revendication s’est développée comme la continuation dans les conditions de la guerre antifasciste du rejet de la guerre provoqué dans notre peuple par le massacre sans précédent que fut la première guerre mondiale : le mouvement populaire faisait ainsi pression sur tous ceux qui participent concrètement à l’élaboration des lois ; les associations de juristes démocrates, alors constituées, se distinguaient de tous les juristes réactionnaires par ce qu’ils revendiquaient que les institutions judiciaires prennent en compte les mouvements des peuples comme sources du droit.
Dès 1 943, le général De Gaulle avait engagé la France dans cette même direction en signant les conventions interalliées qui constituaient et mettaient en fonction le Tribunal militaire international de Nuremberg : ces conventions définissaient les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, et donnaient au Tribunal militaire international la mission de poursuivre, de juger et de condamner leurs auteurs sans limiter la durée des poursuites ni le délai de mise des peines à exécution, c’est-à-dire sans fixer de délai de prescription ; il faut dire que les principaux rédacteurs de ces conventions étaient des juristes anglais et américains, et que le rapport du député Paul Coste-Floret déjà cité nous apprend que dans leurs pays, le droit commun ne prescrit pas les crimes …
La convention des Nations Unies adoptée le 26 novembre 1 968 déclare les crimes de guerre imprescriptibles, en fondant son argumentation sur les conventions interalliées : de cette manière, elle explicite le sens que revêt l’absence de délai de prescription dans le texte des conventions interalliées, et valide explicitement en droit international la décision d’imprescriptibilité que signifie cette absence.
Le gouvernement français a ratifié cette convention des Nations unies : selon la constitution en vigueur en France, il a ainsi placé cette convention dans la troisième des sources du droit auxquelles les tribunaux français doivent se référer pour dire le droit ( les deux autres étant les lois et la jurisprudence ) : la conséquence, c’est qu’il est de droit, comme déjà dit, de poursuivre en France les criminels de toutes les guerres depuis la deuxième guerre mondiale.
Protégeons ce droit contre le projet de loi par lequel la réaction veut le détruire : que tous interviennent dans ce sens dès à présent, avant la fin de l’actuelle session parlementaire, par pétitions auprès de tous les députés, afin que ne soit pas votée la prescription des crimes de guerre, que son délai soit ou non de trente ans, et afin que soit votée une loi constatant que les crimes de guerre, quels que soient la date et le lieu où ils ont été commis, sont imprescriptibles.