(En forme de voeux à toutes et à tous pour l’année 2011… et pour les suivantes.)
Cher Stéphane Hessel,
Je n’ai pas le privilège d’avoir passé les 90 ans mais je m’en approche et c’est investi de cette proximité que je me permets de m’adresser à vous. Je suis de ceux qui reconnaissent en vous l’homme dont la stature et l’ouverture aux autres incitent au respect. Je ne suis pourtant pas en accord total avec votre appel.
Indignez-vous, dites-vous aux jeunes générations. Je le leur demande aussi. Ce sont des mots que je me souviens avoir dits à mes enfants, en particulier lorsque nous parlions du sort fait aux Palestiniens, sort injuste que vous évoquez souvent avec beaucoup de force et de conviction.
Indignez-vous !
L’indignation suffira-t-elle ? Nous permettra-t-elle de sortir de cette société exécrée ?
L’indignation, me semble-t-il, ne peut être qu’une étape, certes importante, indispensable, mais non suffisante. Si j’avais votre notoriété, j’aimerais pouvoir proclamer à tous ceux, jeunes et moins jeunes, qui ne supportent pas l’injustice profonde que le système nous impose, indignez-vous mais n’en restez pas là : révoltez-vous !
Vous avez sans doute lu ces informations qui finissent par filtrer malgré le mur de la désinformation. Elles révèlent ce qu’on supposait depuis longtemps, à savoir que de très larges couches de populations estiment qu’elles vivaient mieux dans des régimes nés de la révolte.
Un récent rapport de l’ONU notamment et, comble des combles, une enquête menée par l’Institut pour l’enquête sur les crimes du communisme et la mémoire des exilés roumains révèle qu’on ne trouve que 7% des personnes interrogées pour dire qu’elles ont « souffert » du communisme -comment pourrait-on arriver à 0%-. Aucun des peuples des pays de l’ancien camp socialiste préfère le capitalisme dans lequel ils sont aujourd’hui contraints de vivre. Les Roumains regrettent à 64% la vie sous Ceausescu.
On est assez loin des « progrès » qui, pour vous, seraient à porter au crédit de « la destruction de l’empire soviétique » et « la chute du mur de Berlin ». Depuis, les peuples sont au contraire en pleine régression. Vous prônez « une rupture radicale » pour sortir de la crise dans laquelle, écrivez-vous, l’Occident a entraîné le monde. L’Occident ? Quel Occident ?
Que pourrait être cette rupture radicale si à « Indignez-vous ! » on n’ajoutait pas « Révoltez-vous ! » jusqu’à révolutionner le monde.
Révoltons-nous en 2011… et toutes les années que nous vivrons, cher Stéphane Hessel, dans ce XXIème siècle qui sera ce que les jeunes en feront.
Très cordialement.
Gaston PELLET
Post scriptum – Stéphane Hessel n’ayant pas répondu à cette lettre adressée à son éditeur le 29 décembre, je me permets de lui ajouter la réflexion complémentaire que j’ai inscrite sur le blog de ce même éditeur parmi les nombreux commentaires :
Oui, révoltons-nous !
L’insurrection (avec Martine Aubry !!!) pacifique et la non-violence sont des illusions trompeuses. Les Palestiniens, à qui vous accordez votre compassion, en savent quelque chose. Les Algériens l’avaient bien compris et les Résistants antifascistes de la dernière guerre mondiale aussi, ceux des maquis s’entend, c’est-à-dire ceux qui pratiquaient déjà le « terrorisme » alors que pour vous, résistant de Londres, ce type d’action est inacceptable. Les peuples opprimés de la planète et de nos « démocraties » qui ne finissent pas de s’indigner dans la rue, n’accepteront pas toujours la défaite.
L’indignation fait bon ménage avec l’inaction.