Jeudi 7 mai 2009
Il parait que, depuis cette semaine, la campagne des européennes est lancée après les meetings de Nicolas Sarkozy et de Martine Aubry.
J’observe avec amusement et consternation les positionnements des différents courants.
Tous veulent changer l’Europe ou changer d’Europe.
La nuance est dans la queue de la cerise mais c’est bien le diable s’il n’existe pas une réglementation européenne sur le calibrage des queues de cerises. En tout cas, pas de quoi soulever l’enthousiasme électoral ! Et cela pour plein de raisons.
Que voulez-vous que je vous dise ? L’Europe n’a pas de fondement existentiel. Nous ne savons d’ailleurs pas où elle commence et où elle s’arrête. Pour qu’elle soit, il faudrait que les citoyens qui la composent aient le sentiment d’y appartenir et donc d’y exercer leur souveraineté, leur liberté de choix. Or, cette souveraineté, en même temps que la démocratie, en Europe plus qu’ailleurs, ne s’exercent que dans le cadre des Nations et de l’Etat dont chacune se dote comme expression et garantie de l’intérêt général. Et si le sentiment de délitement de l’Etat a progressé au cours de ces dernières années dans la conscience populaire, c’est parce que les forces politiques et leurs dirigeants ont travaillé à l’effacement progressif des Nations et éloigné ainsi des peuples les lieux et pouvoirs de décision.
Il n’existe pas de peuple européen. Ce n’est pas en raison du fait que l’Europe compte 450 millions d’habitants. Les chinois sont 1,3 milliards. Ils se sentent chinois appartenant à une même Nation qui vient des profondeurs d’une histoire de plusieurs millénaires. Il en est de même du peuple américain des Etats-Unis, dont la constitution en Nation est plus récente mais l’unité fondée.
Il n’en est rien des 27 peuples de l’Union européenne. Non seulement rien ne fonde leur communion, mais tout y est organisé pour qu’ils soient en concurrence.
L’Union européenne s’affirme comme un espace de libre échange, de « concurrence libre et non faussée ».
Les Etats-Unis défendent l’intérêt des Etats qui les composent. En Europe, le dumping social, fiscal oppose les peuples les uns aux autres. La direction allemande de Continental oppose aux salariés français de Clairoix les bas salaires des roumains.
Dans ces conditions, nous pouvons toujours gloser sur l’Europe sociale. Elle est une incantation électorale.
Le Parlement européen, de surcroît, est une farce. Qu’est-ce donc qu’un Parlement qui ne dispose d’aucun pouvoir d’initiative parlementaire ? Qu’est-ce qu’un exécutif partagé entre Chefs d’Etat et une commission de personnalités nommées qui dispose du vrai pouvoir ? Où sont la démocratie, la souveraineté, le droit des peuples à décider de leur sort ?
Il s’agit, au contraire, d’une structuration pour tuer démocratie et souveraineté populaires et laisser au capital et aux affairistes le soin de diriger ce vaste espace européen inséré dans la mondialisation capitaliste.
Qui, d’ailleurs, dans la crise actuelle du capital intervient pour sauver ce qui peut l’être ? L’Europe ? Pas du tout. Il a fallu que nous soyons au bord du gouffre pour que M. Trichet, président de la banque centrale européenne, daigne enfin et sous la pression baisser les taux d’intérêt.
Ce sont les Etats qui ont mis en place les plans de sauvetage et de relance à coup de milliards d’€ versés injustement aux fauteurs de crise, les banques et les grandes entreprises. Mais en l’occurrence, l’Europe n’a servi à rien, pas même à cela.
Il n’y a donc d’issue que dans la réaffirmation des Nations, condition indispensable pour que les unes et les autres puissent coopérer sainement et avantageusement, non pour que les unes écrasent les autres, mais pour que s’exerce leur complémentarité.
Tout le reste ne fait que conforter une domination d’empire du capital et de la finance.
Par Patrice Carvalho publié dans : POLITIQUE NATIONALE