Dans les conditions de l’époque et alors que tant de gens se reniaient et faisaient l’autruche, Léon Landini – devenu depuis président du PRCF – résistant FTP-MOI faisait preuve d’une belle lucidité. www.initiative-communiste.fr reproduit, ci-après, la tribune parue dans « la presse nouvelle » en 1990 à l’occasion des fêtes de la Libération. Certains passages de ce texte, visionnaires, sont toujours d’une brulante actualité.
Nous sommes inquiets !
Dire en quelques lignes, ce que représente pour nous, anciens FTP-MOI, cet anniversaire me paraît une gageure, tant fut grande notre joie.
Pourtant cette libération nous a coûté fort cher et trop de visages près de nous n’ont pas trouvé assez de joie pour que les sillons s’effacent.
Trop d’hommes et de femmes gardent dans leurs yeux le voile de leur triste jeunesse.
Trop de familles ont encore l’absence au cœur et les mots sont fades pour dire que nos frères, nos amis, nos camardes sont morts.
Aujourd’hui, en ce 46e anniversaire de la libération, nous célébrons également notre victoire. Notre victoire, c’est à dire l’écrasement du fascisme et du nazisme, sa capitulation sans conditions signée à Berlin et non je ne sais quel armistice, inventé par les nostalgiques de la trahison et les refaiseurs d’histoire.
Les immigrés, parmi lesquels beaucoup de Juifs, ont payé un tribut considérable à la libération de notre pays.
Il n’est pas un village, pas une ville, pas une prison, pas un charnier, pas une plaque qui ne rappellent un nom » difficile à prononcer ».
Pourtant, 46 ans après, nous sommes inquiets devant l’avenir et comment pourrait-il en être autrement, lorsque l’on apprend quasi quotidiennement que des sépultures juives ont été profanées, que des néo-nazis célèbrent le 100e anniversaire d’Hitler, et que bénéficiant d’un appui médiatique sans précédent, on peut voir et entendre, un soit-disant « homme politique » vomir à longueur d’ondes son racisme, sa xénophobie, son antisémitisme.
Images que nous pensions à jamais révolues et qui malheureusement font partie de notre vie de chaque jour.
Inquiets, nous le sommes devant la situation créée par l’unification de Allemagne, ce que vient de consacrer l’accord conclu entre Kohl et Gorbatchev. Cet accord va à contre-courant de ce que sont en droit d’espérer tous ceux qui ont agi pour la paix en Europe et dans le monde.
Inquiets parce qu’à l’évidence un géant allemand domine désormais l’Europe. Il ne sert à rien de se leurrer avec les mots. Soyons réalistes ! Le marché unique de 93, la charte sociale européenne, rien ne saurait masquer que nous vivons dans une Europe Allemande, où la puissance économique de Bonn affirme son hégémonie industrielle et financière écrasante.
Inquiets parce que cette Allemagne va entrer dans le pacte militaire de l’OTAN avec l’accord de l’Union Soviétique, pays qui a payé la victoire sur le nazisme par 26 millions de morts. Aucun accord financier ne saurait compenser les dangers potentiels pour la sécurité de l’Europe et pour l’intangibilité de ses frontières. L’histoire ne se répète pas, mais un pays qui domine économiquement ne peut pas ne pas vouloir dicter un jour sa loi politique et militaire.
Inquiets parce que, contrairement à toutes les déclarations officielles, la volonté des peuples de RFA et de RDA n’est pas respectée. Les sondages effectuées dans ces pays soulignent avec un très fort pourcentage le refus de l’intégration dans l’OTAN et le désir qu’aucune arme atomique ne stationne sur leur sol. Or on passe outre sa libre expression qu’un référendum aurait permise.
Enfin pour la France, les garanties me semblent insuffisantes pour son indépendance, pour sa liberté.
Pourquoi un renforcement de l’OTAN? (alors que le pacte de Varsovie de fait n’existe plus) sinon pour aggraver demain les tensions et obtenir par la force ce qui n’aurait pu être obtenu autrement.
Ce que je souhaite, c’est la Paix, l’amitié de la France avec le peuple allemand et soviétique, cela appelle le respect de chaque souveraineté, la dissolution simultanée des blocs militaires et un désarmement équilibré, pour qu’il n’y ait plus d’armes nucléaires en l’an 2000. Cela appelle des échanges économiques, sociaux, culturels avec les pays de l’Europe de l’Ouest et de l’Est, avec des avantages mutuels et non une ruée vers de nouveaux marchés à exploiter pour le seul profit.
Ce que je vois, c’est une France officielle, fataliste, acceptant par avance son rôle subordonné à une Europe Allemande. Va-t-elle en venir, comme autrefois Napoléon III à l’égard de Bismarck, à la politique des pourboires ?
La sécurité, ce sont les peuples qui la créent. Tous ceux qui ont la France au coeur doivent regarder lucidement la réalité en face et quelles que soient leurs opinions, s’unir sur l’essentiel, l’indépendance nationale et la paix.
Léon Landini, ancien du bataillon FTP-MOI Carmagnole-Liberté – La Presse Nouvelle, septembre 1990
Inquiet,je le suis comme Léon Landini quand je vois Hollande le candidat du « changement c’est maintenant » poursuivre comme Président dans le sillon de Sarkozy. L’électeur de gauche ne s’y retrouve plus et s’abstient ou vote FN. 1981 et les 15% de Georges Marchais auront-ils signé la fin du mouvement communiste en France? D’alternances de Droite et de social-démocratie ,on assiste à une montée prévisible de l’extrême-droite « boostée » par l’UE du capital qui, si l’on y prend garde glissera vers une fascisation rampante…