Pierre Pranchère a écrit :
Le Collectif Maquis de Corrèze vous transmet l’hommage de Pierre Pranchère, député honoraire et secrétaire général du collectif, rendu à Roger Lescure, résistant communiste dès août 1940, combattant à l’organisation spéciale (OS) puis aux francs-tireurs et partisans.
Colonel « Murat », compagnon de la Libération, Commandeur de la légion d’honneur. A reçu, le 4 juin 2009 à Brive les honneurs militaires en présence du sous-préfet de Brive.
4 juin 2009 à Brive.
Michelle et Pierre Eymerie
Jean-Pierre et Claudette Lescure
et toute la famille
Roger Lescure n’est plus, mais il vivra dans nos mémoires et dans nos cœurs. Il est déjà dans le grand livre de l’histoire de la Résistance et de la nation française qui lui a rendu aujourd’hui les honneurs officiels.
Je vous sais gré de m’avoir associé à cet hommage. Avec Roger j’ai partagé une activité militante pour un idéal commun et j’ai découvert et estimé une personnalité hors du commun. Un homme d’une grande culture s’appuyant sur des principes à partir desquels il bâtissait des projets mûrement réfléchis ; puis il allait jusqu’au bout de sa logique avec une énergie incroyable et cela dans tous les domaines de sa vie, une vie pleinement accomplie.
C’est une fidélité aux principes qui fondent la République et la Nation, une fidélité aux principes du communisme qui le conduisent à lutter contre le nazisme et le fascisme. Lorsque les baïonnettes allemandes installent le félon Pétain à Vichy, Roger Lescure, sans une hésitation, entre en Résistance.
L’appel du 18 juin du général de Gaulle à Londres allume la flamme de la Résistance et celui du 10 juillet, de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, proclame /qu’un grand peuple comme/ /le nôtre ne sera pas un peuple d’esclaves/. Il est diffusé en septembre 1940 en Corrèze, jetant les bases de la Résistance.
Le parti communiste se réorganise, dès juillet-août 1940. Germain Auboiroux, Gaby Lhomond-Goudoux et Robert Delord impulsent sa reconstitution. Pierre Georges, le futur colonel Fabien, marque son passage le 19 août 1940 aux grottes de Lamouroux en appelant à « /ramasser des armes qui nous seront utiles un jour/ ». Roger Lescure et Léon Lanot agissent dans leur secteur. À regret, il m’est impossible de citer tous les militants de cette période. Ils sont présent dans les éditions de Maquis de Corrèze et d’autres publications.
Le 21 juin 1941, Roger arrive avec sa famille au Verdanson à Brive. Il prend des responsabilités nouvelles à la demande de Germain Auboiroux et Paul Peyraud. Son hôtel-restaurant devient une base de la clandestinité. C’est la diffusion décisive de la presse clandestine, le travail unitaire fructueux avec Combat en 1942 sous l’impulsion de Maurice Bourdelle, des frères Valéry et d’autres qui débouche, le 11 novembre, sur la manifestation considérable face à l’arrivée des troupes allemandes. C’est la période douloureuse où la France combattante est écartée du débarquement en Afrique du Nord alors que le front Soviétique accueille l’escadrille Normandie.
L’alliance entre le parti communiste et le général de Gaulle est officialisée, le 10 février 1943, à cette occasion, après avoir évoqué la bataille de Stalingrad, il déclare:
« je sais que la France combattante peut compter sur le parti communiste français ».Le temps du Conseil National de la Résistance (C.N.R) arrive, la lutte armée va gagner la France entière. L’arrestation de Roger, le 6 avril 1943, et son internement provoquent une situation tendue au Verdanson où sa femme Léonie fait front courageusement en poursuivant son activité résistante.
Roger Lescure s’évade et entre dans la clandestinité à la mi-septembre. Ses compétences militaires étant connues il est affecté à l’école interrégionale des cadres F.T.P à Fanlac qui renforce son activité.
Au pays de Jacquou le Croquant il forme les futurs officiers F.T.P. Roger coordonne le travail des instructeurs, officiers de l’armée républicaine espagnole, la garde est soviétique. Roger Lescure est dans son milieu internationaliste.
Radio-Moscou et Radio-Londres assurent la liaison avec la coalition antifasciste. C’est dans ce contexte, m’a raconté Roger, que mûrit l’idée de faire déserter des allogènes incorporés de force par les nazis, ce qui fut fait.
Roger Lescure gravit les échelons des responsabilités : commissaire aux opérations militaires en Dordogne avec Roger Ranoux alias Hercule depuis février 1944, le 12 avril il devient commissaire militaire à l’interrégion B des F.T.P en coopération avec Marcel Godefroy alias /Rivière/ délégué de la zone sud, ils organisent la préparation et le déclenchement de l’insurrection nationale.
Les embuscades meurtrières démoralisent les forces allemandes qui parlent de « petite Russie ». En Corrèze /Kléber/, Jean-Jacques Chapou commande en mai 1944 un régiment avec quatre bataillons tactiques. Fin mai les combats commencent au Mont-Mouchet. Le 6 juin, le général de Gaulle, annonce la bataille pour la France, il appelle les français à suivre exactement les consignes des chefs qu’il a qualifiés pour le faire. Les 7 et 8 juin 1944, à l’initiative de l’AS Guéret et des FTP à Tulle, les garnisons allemandes furent attaquées et misent à mal. La terreur barbare de la Das-Reich ne peut ni briser la Résistance, ni la séparer de la population.
Ce que Roger a mis en lumière, c’est le rôle central qu’a joué le commandement régional des F.F.I dans la R5, l’A.S, les F.T.P et l’O.R.A. y siégeaient sous l’autorité de /Rivier,/ Maurice Rousselier met en place en mai ce commandement qui est opérationnel début juin. À partir de la mi-juillet les deux états-majors sont installés, celui de Rivier à Meymac et celui de Roger Lescure, le futur colonel Murat, à Lamazière-Basse.
Les dirigeants de la R.5 conduisent les combats de la Libération. Roger, comme ses compagnons affronte les pires périls. Qu’il me soit permis de rappeler la maîtrise dont il était capable. Le 23 juin, à Lanteuil, il tombe dans une embuscade allemande. En un éclair de seconde sa mitraillette américaine fauche les soldats surpris. Il en réchappe sain et sauf. Malheureusement, Marcelle Buré, sa secrétaire, héroïne de la résistance y laisse la vie.
La R5 s’installe à Limoges libérée et prend des mesures énergiques pour la poursuite de la guerre. Des bataillons partent sur les poches de l’Atlantique et vers l’armée de Lattre de Tassigny. Des régiments sont formés, parmi eux citons le 126ème et le 134ème R.I dont Roger, devenu lieutenant-colonel est commandant en second. Il œuvre pour que le nom d’Oradour-sur-Glane soit attribué à ces deux régiments, au nom de la mémoire et Roger a aussi un lien affectif avec le bourg martyr, lieu de naissance de sa femme Léonie et de sa fille Michelle.
Je souhaite faire une révélation que me confia Roger, mais qu’il ne rendit jamais publique. Il fut reçu par le général de Gaulle en 1945 préalablement à sa nomination dans l’ordre de la Libération, mais Roger en ignorait la raison, les combats insurrectionnels du Limousin furent évoqués, il est connu que le Général de Gaulle exprima sa considération pour la Résistance en Limousin et dans la R.5 et c’est donc en toute connaissance de cause qu’il nomma dans l’ordre de la Libération : Roger Lescure, Marcel Godefroy et Georges Guigouin issus de la Résistance F.T.P. Je crois que cela servira la vérité et contribuera à l’histoire de la Résistance.
Albert Uminski, son ami, avec qui il fonda le Mémorial Corrézien de la Résistance et de la Déportation a repris une idée qui était chère à Roger, unir les cinq compagnons corréziens de la Libération dans une pensée commune : Martial Brigouleix, Martial Bugeac, Roger Lescure, Georges Monéger, Elie Rouby.
Dans la nécrologie publiée par le Collectif Maquis de Corrèze il est fait référence à son activité après la Libération où de grandes conquêtes sociales, économiques et démocratiques, furent mises en œuvre par le gouvernement, sous l’autorité du général de Gaulle.
Telle est, trop résumée, la marche d’un homme d’honneur qui a su unir ses idées d’un monde meilleur et son ardent patriotisme.
Chers Michelle et Pierre, Chers Jean-Pierre et Claudette, j’ai dans ce moment douloureux une pensée pour Lisette, son épouse, dont l’engagement dans la Résistance mérite un grand respect. À vos enfants et petits-enfants, ainsi qu’à l’ensemble de votre famille, je renouvelle mes condoléances et ma profonde sympathie.Soyez fiers de Roger, ensemble nous ferons vivre sa mémoire.
Qui pourrait oublier les jours glorieux du colonel Murat ?