De Sarah Irion
Un “holdup up fiscal sur le mode de la vignette”
“S’ils sont inquiets, c’est légitime parce que la taxe sera lourde”. Michel Rocard, a indiqué le 22 juillet sa volonté de créer une taxe carbone afin d’inciter les gens à moins consommer d’énergies fossiles -gaz, pétrole, charbon- dès le 1er janvier 2010.
“En gros, il s’agit de ça” a déclaré l’ancien premier ministre Michel Rocard sur France Inter, à propos d’un article publié dans Les Echos et qui annonce l’instauration d’une taxe sur les énergies fossiles. Réunie depuis deux semaines, la commission sur la “contribution climat énergie” (CCE) présidée par Michel Rocard prône une “taxe carbone” dès l’année 2010. “On va taxer un certain nombre de comportements, principalement celui qui consiste à utiliser des énergies d’origine fossile” émettrices de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, a précisé l’ancien premier ministre.
A partir du 1er janvier 2010, les ménages vont devoir payer 32 euros pour une tonne de CO2 émise. La commission d’experts veut facturer cette tonne à 100 euros en 2030. La facture s’établira autour de 300 euros par an “pour un peu plus de la moitié des ménages”, a indiqué Michel Rocard. Le gaz, le pétrole, le charbon et l’électricité sont concernés. Malgré l’insistance de l’ancien premier ministre, qui souligne que la taxe carbone n’est “pas une charge destinée à améliorer les finances de l’Etat”, cet impôt nouveau n’est pas le bienvenu pour les Français. La taxe carbone rapporterait ainsi un peu plus de 8 milliards d’euros, utilisés pour dédommager les ménages et les entreprises les plus vulnérables, selon Michel Rocard.
Tout d’abord, on peut s’interroger sur le fait que le gouvernement propose de taxer les usagers, mais pas Total, qui fait pourtant d’énormes bénéfices. Selon la commission, cette entreprise est déjà taxée. Michel Rocard veut que la taxe carbone serve à modifier nos comportements. Il défend son projet en insistant sur le fait qu’ “il est largement prévu de compenser la taxe, mais en terme de pouvoir d’achat, de manière à garder intact le signal prix, l’incitation aux gens à se déplacer moins, à avoir petit à petit des voitures électriques, à mettre des doubles vitres ou à faire des économies sur le chauffage”. Pour les gens obligés de prendre leur voiture tous les jours, il propose la mise en place d’une “allocation forfaitaire” en fonction de l’éloignement. Un “holdup up fiscal sur le mode de la vignette”
De nombreuses personnes aimeraient se déplacer autrement qu’en voiture, mais certains trajets deviennent deux à trois fois plus longs avec les transports en communs. Pourquoi taxer les usagers si ils n’ont pas d’autres moyens de se déplacer ? “Prenez votre vélo !” a proposé Rocard ce matin, à un auditeur de France Inter. Le vélo, pourquoi pas, mais quand on a 50 ou 100 kilomètres à faire et qu’on a 70 ans… Il regrettait juste le fait que le carburant augmentera de 7,7 centimes pour le litre de sans plomb et de 8,5 pour le diesel.
Pour l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, le projet de Contribution climat énergie (CCE), ou taxe carbone, est un “holdup up fiscal sur le mode de la vignette automobile des années 1960-1970?. L’association a annoncé dans un communiqué qu’elle “combattra ces propositions qui, si elles étaient adoptées par le gouvernement, constitueraient le pire des scénarios pour le pouvoir d’achat des consommateurs”. “l’Etat va prélever plusieurs milliards d’euros sur les consommateurs, leur restituera une partie et gardera une part substantielle pour son budget général ou pour baisser les taxes sur les entreprises”, s’inquiète-t-elle.
Pour l’UFC, “la seule voie de passage acceptable est le dispositif du chèque vert, où l’ensemble des recettes fiscales est restitué aux consommateurs, sous forme d’une allocation qui maintient une incitation individuelle tout en tenant compte des disparités des ménages”. Mercredi 29 juillet, Michel Rocard et sa commission d’experts ont remis leur rapport à Christine Lagarde, ministre de l’économie, et Jean-Louis Borloo, ministre du développement durable.
Christine Lagarde a jugé “très élevé” le taux de départ de la contribution climat-énergie, soit 32 euros la tonne de CO2. “Pour induire un changement des comportements, une appropriation et une acceptation par nous tous, il faut trouver le prix le plus juste. Je ne suis pas sûre que ce soit 32 euros, parce que (…) c’est très fort comme signal et ça me paraît très élevé.” Quel que soit le niveau qui sera retenu par le gouvernement, la ministre de l’Economie s’est de nouveau prononcée pour une mesure à prélèvements obligatoires constants. “Il faut qu’en face d’un impôt intelligent on diminue des modes d’imposition qui, eux, sont contraires à l’économie”, a-t-elle déclaré.
Michel Rocard a précisé que “c’est un avis, le gouvernement reste maître de sa décision qu’il prendra au moment de la rédaction du projet de loi de finances 2010?, cet automne.