Soixante-dix ans après les tueries, tortures, massacres perpétrés par leurs grands-pères, les jeunes descendants ou parents de fascistes espagnols, sous les traits de leurs fils, petits-fils (voire des épouses dominées de ceux-ci), endoctrinés dans la haine des « rouges », vous crachent au visage, un 13 ou un 14 avril (ce fut un 14 avril que fut proclamée la II République en Espagne), au détour d’une rue encore appelée de « José Antonio » (du nom du fondateur du Fascisme espagnol), dans certains villages de Castille-La Mancha :
« Les rouges ont martyrisé toute ma famille. Mon grand-père, maire de 1940 à 1947 a sauvé de nombreux villageois. Je ne vous permets pas de rire de mes morts ! »
Tel ce jeune descendant de fasciste, ignorant ou voulant ignorer que cela fait soixante-dix ans que les siens « rient » des nôtres, fusillés, enterrés dans des fosses ou, leurs ossements mêlés à la maçonnerie, dans les parois du Mausolée de Franco au Valle de los Caídos. Il ignore, ou veut ignorer que son grand-père, qu’il défend bec et ongles, n’a pas sauvé, bien au contraire, ceux du village qui furent emprisonnés (certains moururent en prison en 1947, ils y moisirent sept ans durant car « ils étaient de gauche, mais ils n’avaient rien fait ». Etre de gauche était déjà un crime suffisant pour les Phalangistes, c’est-à-dire les fascistes amis de José Antonio). Ce grand-père maire de 1940 à 1947 (ou 46, les informations varient selon les sources) n’a pas sauvé non plus les fusillés du 6-3-1941 ou du 2-4-1941 (Mirta Nùñez Díaz-Balart cite leurs noms dans Consejo de Guerra , livre sur les procès expéditifs et les fusillades de 1939 à 1944, à Madrid, au total 2670 personnes ont été recensées) au Cimetière de L’Est de Madrid , aujourd’hui de La Almudena, victimes du fascisme auxquelles nous avons fait un hommage émouvant le 11 avril, nous « rouges », dans ledit cimetière madrilène, afin que leurs noms ne soient pas oubliés . Il n’a pas sauvé non plus les républicains fusillés à Talavera, ou près du ruisseau de Berciana (Toledo, dans la capitale de la région elle-même plusieurs fosses ont été dénombrées), où ils (elles gisent dans des fosses, au bord des routes, sans sépulture.), coupables de leur adhésion à la cause de la légalité républicaine. Ce jeune, inquiet de savoir si nous étions de « La Mémoire Historique » (oui, j’en suis, et très fière, jeune homme), emploie encore ce terme insultant de « rouges », repris avec fierté par Jean Ortiz dans son film Fils de Rouge.
Pour ce jeune descendant ou parent de fascistes, qui n’a qu’une trentaine d’années, mais qui répète, sans douter de leur véracité, les termes mensongers des procès expéditifs qui condamnèrent, il y a soixante-dix ans à mort, à la prison, à l’exil, les républicains espagnols sous les accusations de « Rébellion » et d’ « Aide à la Rébellion », autrement dit exactement pour les délits commis par les auteurs du soulèvement, leurs parents et grands-parents, est « rouge » tout républicain.
Comme lui, dans d’autres lieux de Castille, région par endroits repliée sur elle-même, d’autres réactionnaires du même acabit, vous accusent de ce dont ils souffrent, (c’est une tactique du fascisme) : une haine viscérale envers « ceux qui ne pensent pas comme vous ». « Vous haïssez ceux qui ne pensent pas comme vous » disent-ils, dans leur mauvaise foi congénitale, leur refus total de reconnaître leurs agressions, crimes, humiliations et insultes.
Ces fascistes, car ils le sont sans peut-être le savoir, vous menacent, avant un hommage à faire : « Vous n’allez pas lever des poings et hisser des drapeaux ! (républicains) ».
La haine primaire de la différence les caractérise, et la calomnie est leur instrument de prédilection pour nuire. Ils utilisent le mensonge, la calomnie, la pression morale, dans le but de torturer moralement leur ennemi (l’homme ou la femme de gauche, sincèrement de gauche), quand ils ne peuvent le faire physiquement.
Lydia Falcón et Eva Forest dénoncèrent ces tortures de la fin du franquisme, dont parle dans son livre passionnant Routes, une histoire d’engagements, Acacia Condés.
Le fascisme n’a qu’une « route », et il hait celui qui s’en écarte : la force, la violence, la destruction morale et physique de celui qui lui résiste.
Le fasciste ne « pense » pas, il possède, il domine, il soumet. Le fascisme c’est la domination, le contrôle, le racisme, la xénophobie, c’est-à-dire le contraire de l’amour et de la fraternité.
Le fascisme est toujours tapi au coin de la rue. Attention ! Soyons vigilants, il nous guette. Il fait semblant d’ignorer notre existence pour mieux fondre sur nous comme le jaguar sur sa proie.
Rose-Marie Serrano, Paris, le 6 mai 2009