Le 75e anniversaire de la RDA mérite d’être célébré par tous les amis de la paix. Il suffit de voir ce qu’il advient de nos jours de la paix en Europe et dans le monde, alors que la RDA a été phagocytée par l’impérialisme allemand et que la fin contre-révolutionnaire de l’URSS a permis à l’hégémonisme américain d’aggraver tous azimuts le danger de guerre nucléaire mondiale, pour mesurer combien l’existence de la RDA et de l’URSS protégeait en réalité, par-delà les délires anticommunistes et antisoviétiques, la paix de l’Europe et la paix du monde. La reproduction à titre documentaire du message de Staline alors adressé aux travailleurs est-allemands est à cet égard d’un grand intérêt géopolitique ACTUEL: plût au Ciel que le dirigeant soviétique se fût trompé à ce sujet car hélas, chacun peut voir aujourd’hui a contrario, maintenant que la RDA, l’URSS et le camp socialiste européen n’existent plus, combien la paix européenne et mondiale ne tient plus qu’à un fil. Décidément, l’anticommunisme et l’antisoviétisme, fussent-ils à retardement, constituent des armes terribles aux mains des ennemis du genre humain. La conclusion est que tous les amis de la paix, y compris non communistes, doivent combattre avec force le négationnisme anticommuniste. Merci en conséquence à Théo Müntzer, notre camarade d’Outre-Rhin, d’avoir rédigé ce texte indispensable.
G.G.
Soixante quinze ans après la fondation du seul État allemand à ne jamais avoir mené de guerre et 35 ans après la chute du mur, une étude de l’Université de Leipzig a montré que sur plus de 3 500 personnes d’Allemagne de l’Est, deux tiers indiquèrent désirer la RDA1. Le 7 octobre marque l’anniversaire de la création du premier état socialiste sur le sol allemand dont la création fut le résultat d’un long procès de démocratisation et de combat pour l’unité de l’Allemagne.
Le 7 octobre 1949, la République démocratique allemande fut créée sur le territoire de la zone d’occupation soviétique. Après la guerre, l’État allemand comme sujet du droit international avait cessé d’exister2 et fut divisé en quatre zones d’occupation. Lors de la conférence de Potsdam (juillet-août 1945), les membres de la coalition antihitlérienne décidèrent de reconstruire un État allemand sur une base démocratique. Il y fut décrété que « Si les efforts du peuple allemand étaient continuellement dirigés pour atteindre cet objectif, il lui serait possible le temps venu de prendre sa place parmi les peuples libres et pacifiques du monde ».3
La conférence de Potsdam décida l’instauration d’un conseil de contrôle allié des quatre zones qui siégea à Berlin, dont les actions devaient avoir comme objectif la démilitarisation complète, la dénazification, la punition des criminels de guerre, la démocratisation ainsi que la démonopolisation, c’est-à-dire « la décentralisation de l’économie allemande avec l’objectif de l’anéantissement de la concentration excessive de la puissance économique, particulièrement en forme de cartels, syndicats, trusts et d’autres organisations monopolistiques ».4 Dans la zone soviétique, des mesures furent prises pour atteindre chacun de ces objectifs. On désarma les fascistes. Les grands capitalistes responsables de la guerre furent expropriés sans compensation en 1946, après les référendums dans les Länder de la zone soviétique lancés par le parti d’unité socialiste (SED), d’autres partis antifascistes et la fédération libre des syndicats allemands (FDGB). En 1946 des parlements furent élus dans les Länder de la zone soviétique. Le SED arriva en tête de ces élections, auxquelles tous les partis antifascistes pouvaient participer. La CDU (chrétiens-démocrates), les socialistes du SED, le LDPD (libéral-démocrates) et VdgB (association paysanne) travaillèrent ensemble dans les parlements et les gouvernements locaux. Les anciens professeurs d’école primaire, jusqu’aux professeurs d’université, et les anciens juristes furent presque entièrement remplacés à cause de leurs rôle funeste sous l’ancien régime; les criminels de guerre furent punis.
À partir de 1945, sous la devise « Junkerland in Bauernhand » (« La terre des Junkers aux paysans »), les grands propriétaires furent expropriés et le sol fut donné à ceux qui le travaillent. Cette mesure historique brisa le joug d’une des classes qui avait le plus soutenu le régime nazi et marqua le début de l’alliance des ouvriers et des paysans d’Allemagne de l’Est. Cette alliance fut un élément essentiel de la RDA, dont la devise des forces armées fut « pour la protection de la puissance des ouvriers et paysans ».
Mais les puissances impérialistes de l’ouest n’honorèrent pas les accords de Potsdam.
Dans les zones de l’ouest il n’y avait pas d’expropriations de masse des responsables de la guerre et le peuple n’eut pas la possibilité de faire un référendum sur l’expropriation. Les élites restèrent en place et les professeurs, ainsi que les juristes, ne furent pas remplacés. Le nombre de criminels de guerre condamnés fut ridicule comparé au nombre de condamnés dans la beaucoup plus petite zone soviétique. Les réseaux des services nazis comme la fameuse Organisation Gehlen furent utilisés par les services des puissances impérialistes. Des terroristes et agents fascistes comme les membres de la KGU furent entraînés pour commettre des attentats dans la zone soviétique et plus tard en RDA.
Les élections se tinrent dans une ambiance anticommuniste propagée par les laquais de la bourgeoisie apeurée par le bouleversement démocratique à l’est et sous le quasi-monopole des médias encore tenus par la bourgeoisie. Malgré cela le parti communiste (KPD) réussit à gagner plus de 10 % des voix dans la plupart des élections à l’ouest de l’année 1946. Mais à l’inverse de la zone soviétique, il n’y eut pas d’alliance antifasciste et les communistes furent mis à l’écart par les partis encore aux mains de la grande bourgeoisie; le parti communiste fut interdit définitivement en 1956.
Toutes les décisions importantes furent prises par Washington qui voulait séparer l’Allemagne avec l’aide de ses hommes de main allemands. Les impérialistes américains créèrent la Bizone américano-britannique en 1946, séparèrent la Ruhr économiquement du reste de l’Allemagne en 1947, créèrent une monnaie séparée pour les zones de l’Ouest et Berlin-Ouest, séparant ainsi le pays et Berlin économiquement et commençant le pillage économique de l’Allemagne de l’Est qui se termina seulement par la construction du mur de protection antifasciste à Berlin en 1961.
Puis les impérialistes créèrent la République fédérale allemande en mai 1949. Voici ce qu’en disait le premier-ministre de la RDA Otto Grotewohl le 12 octobre 1949 :
« L’État séparé créé par les puissances de l’Ouest est l’achèvement de la séparation de l’Allemagne, que les puissances impérialistes de l’Ouest ont poursuivi avec persévérance depuis des années et des jours. La promesse donnée solennellement au peuple allemand a été piétinée par ces puissances afin de mettre en œuvre leur politique impérialiste en Allemagne. »5
Le 7 octobre 1949 les forces démocratiques répondirent à la politique séparatiste menée à l’Ouest depuis 1945 en créant la République démocratique allemande.
Otto Grotewohl expliquait : « La création de ce gouvernement » (celui de la RDA) « est l’expression du fait que les forces démocratiques de notre peuple ne sont pas prêtes à accepter la séparation de notre patrie et l’asservissement de ses parties occidentales, mais qu’elles sont animées d’une volonté de fer de mener avec persévérance la lutte pour le rétablissement de l’unité de l’Allemagne et de sa souveraineté sur une base démocratique et pacifique. » L’Union soviétique qui soutenait les forces démocratiques – et c’est une vérité historique – est la seule puissance à avoir honoré les accords de Potsdam et œuvré pour une Allemagne unifiée, démocratique, souveraine, pacifique et démilitarisée. Pour cela, elle n’a pas posé comme condition que l’Allemagne unifiée soit socialiste, ce qui est de plus en plus souvent nié. Rien n’obligeait les impérialistes à remilitariser l’Allemagne et à créer l’OTAN. Pour les forces progressistes partout dans le monde, la création de la RDA fut un grand évènement. Staline, dans son télégramme au président Pieck et au premier-ministre Grotewohl écrit ceci :
« La fondation de la République démocratique allemande pacifique est un tournant dans l’histoire de l’Europe. Il ne fait aucun doute que l’existence d’une Allemagne démocratique et pacifique avec l’existence d’une Union soviétique pacifique exclut la possibilité de nouvelles guerres en Europe, met fin à l’effusion de sang en Europe et rend impossible l’asservissement des pays européens par les impérialistes mondiaux. L’expérience de la dernière guerre a montré que le peuple allemand et le peuple soviétique ont fait les plus grands sacrifices de cette guerre, que ces deux peuples possèdent les plus grandes potentialités en Europe pour accomplir de grandes actions d’importance mondiale. Si ces deux peuples font preuve de la même détermination à lutter pour la paix avec la même mobilisation de leurs forces qu’ils ont déployés pendant la guerre, on peut assurer la paix en Europe.
Si vous posez ainsi la première pierre d’une Allemagne unie, démocratique et pacifique, vous accomplirez en même temps une grande œuvre pour toute l’Europe en lui garantissant une paix solide. Ne doutez pas qu’en vous engageant dans cette voie et en consolidant la paix, vous trouverez une grande sympathie et un soutien de tous les peuples du monde, y compris des peuples américain, anglais, français, polonais, tchécoslovaque, italien, sans parler du peuple soviétique qui adore la paix. Je vous souhaite de réussir dans cette nouvelle voie glorieuse. Que vive et prospère l’Allemagne unifiée, indépendante, démocratique et pacifique ! »6
Theo Müntzer
Notes :
- https://www.uni-leipzig.de/newsdetail/artikel/befragung-viele-ostdeutsche-fuehlen-sich-von-politischer-teilhabe-ausgeschlossen-2023-06-28 ↩︎
- Staats- und Rechtsgeschichte der DDR, Berlin 1983, S. 29. ↩︎
- Das Potsdamer Abkommen, Dokumentensammlung, Berlin 1979, S. 218. ↩︎
- Das Potsdamer Abkommen, Dokumentensammlung, Berlin 1979, S. 219 sq. ↩︎
- Otto Grotewohl, Im Kampf um eine einige Deutsche Demokratische Republik, Band 1, S. 510. ↩︎
- J. Stalin : « Neues Deutschland », Ausgabe B. Nr. 211, 14. Oktober 1949. ↩︎