L’œuvre indispensable de Michel Clouscard, dont l’audience ne cesse de croître sur les ruines de la postmodernité, s’enrichit d’un précieux contrepoint pour la première fois, voici l’homme raconté dans le quotidien singulier de son existence, au fil d’un récit qui s’émancipe des codes conventionnels de la biographie. Celui-ci ne se réduit pas à l’empilement d’anecdotes censées donner de la chair et du sang au « morne empire du concept ». Il nous fait accéder à la parole d’un philosophe ensituation, qui, à l’instar de Rousseau, le seul antécédent en lequel Clouscard se soit reconnu, suspend sa vie au vrai, et retrouve, au plus intime de la psyché, les pulsations multimillénaires de la praxis collective.
Michel Clouscard, ses thèses, son personnage, furent brocardés et marginalisés par les milieux intellectuels dominants, dont François de Negroni croque un portrait féroce. Ses façons de vivre ou de penser s’opposaient trop radicalement aux injonctions permissives de l’époque et aux idéologues célébrés du désir. Nul n’aura mené une critique plus sévère du libéralisme libertaire. Cependant, à maints détails savoureux, tout au long du livre, on s’aperçoit qu’avec Clouscard, le droit au bonheur, pour autant qu’il ne soit pas imposé en devoir, demeure la détermination révolutionnaire décisive.