Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix des haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. » Bertolt Brecht.
Le 30 novembre nos amis de Radio Campus Lille de l’émission C’est l’heure de l’mettre rendaient hommage à Fidel Castro
Ce mercredi nous rendons hommage à Fidel. Oui, nous, on l’appelle par son prénom. Pas qu’on l’ait connu personnellement. Mais il était un intime. Quand même. C’est intimement que nous l’avons reconnu comme des nôtres, et avec nous des millions de pauvres sur la Terre. Premier élément de compréhension pour qui est né au cœur de l’Empire et fait la grimace : Fidel était aimé, partout, par les pauvres périphériques. Et haï par les riches. Ce qui donne une première indication sur notre démarche.
Intimement, cela signifie que, dans la tourmente des faits, dans la fureur du monde, nous connaissons en Fidel quelque chose de bien plus grand que lui : le combat de toujours pour la dignité humaine, pour un avenir en dehors du profit et de la propriété privée. Cela, et l’on peut ergoter longuement sur Cuba, ce ne sont pas les dirigeants de notre pays, présents, passés ou à venir là, qui l’incarnent.
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Il apparaît futile, pour nous, de défendre un bilan ou de témoigner des avancées concrètes qu’une révolution a produites, pour une petite île agressée et soumise au pire embargo de l’Histoire. Futile, tant l’évidence est à nos yeux criante. Futile car ce n’est même pas seulement Cuba qui est l’héritière et la continuatrice de cette révolution. Ce peut être difficile à entrevoir quand on n’est pas un intime, mais il faut bien qu’on vous le dise : depuis le samedi 26 novembre 2016, c’est toute l’Humanité qui est en deuil, même si une partie d’entre elle ne le sait pas.
Il apparaît mesquin de devoir nous défendre d’un culte de la personnalité, d’une idéalisation, nous, joyeux matérialistes qui savons l’imperfection de toute chose et la faiblesse de chaque homme. Seule l’ignorance peut juger de notre deuil ainsi. Lorsque des nains parlent d’un géant, ils ne peuvent parler que de ses chevilles. Nous ne nous situons pas à ce niveau. Nous connaissons Fidel. Nous mesurons aussi l’ignorance des commentaires.
Nous savons que les amis de Cuba n’ont guère besoin que nous nous justifions. Les enfants de Mandela, ceux du Che, les paysans andins qui ont recouvré la vue, ceux des barrios qui ont appris à lire, écrire et penser, les filles et fils des indépendances durement acquises ; l’Angolais et le Vietnamien, l’Algérien et le Palestinien, tous ignorent la nécessité de justifier de leur deuil. A juste titre.
Fidel est le nom – le prénom car entre nous on se dit tu, pas vrai camarade ? – de tous ceux-là. Ce n’est pas que le Castro cubain du siècle dernier, mais le nom d’une lutte continuelle pour nous sauver de la catastrophe. Qui sait que Fidel, en plus d’être le communiste (ce partageur…), est l’écologiste, le pacifiste, l’humaniste, que nous serons tous demain ?
Ça ricane et ça s’offense, pas vrai ?
C’est l’ennemi bien sûr, et nous n’avons pas l’envie de le convaincre, il y a une syllabe de trop… Ceux-là même qui mettent le monde à feu et à sang, étranglent, affament les peuples, privatisent tout, s’accaparent tout, et dans ce décor meurtrier et sordide, jouent la comédie des grands hommes, et dépeignent notre monde à leur image : des bons, toujours blancs, riches et foncièrement démocratiques, et des méchants, les autres, agités, sauvages et tyranniques. Cette propagande grossière, ce prêt-à-penser qui se croit libre-arbitre, Fidel s’en moque comme d’une superstition ancienne. Et l’Histoire le confirmera.
C’est aussi le proche, c’est la gauche d’ici, assise dans ses habitudes et qui n’a plus de barricades que dans sa symbolique. Celle de braves gens qui veulent du mieux mais qui ne veulent surtout pas voir comment s’en donner les moyens. Et qui, héritiers d’un colonialisme jamais éteint, jugent de loin les va-nu-pieds qui se frottent à l’Empire qu’eux-mêmes tolèrent.
Ceux-là font la moue. Ils prennent leurs distances. Ils ne savent rien de Fidel, mais s’en distinguent. D’où cela vient-il ? De ce qu’on leur a appris ? Mais pourtant… Ces bouches à fiel médiatiques qui salissent Fidel, ne sont-elles pas les mêmes qui salissent nos propres luttes, pourtant tellement moins radicales ? Ne sont-elles pas les mêmes qui qualifient nos chères guerres « d’humanitaires » ? Ne sont-elles pas les mêmes qui nous enjoignent de renoncer, tout le temps, toujours, partout, et pour les siècles des siècles ? Ne sont-elles pas celles qui justifient la casse de nos conquêtes tellement passées, la destruction de la planète, la course folle et fatale vers le précipice ? Ce sont les mêmes. Et qui, quel Quichotte, quel Prométhée les a démenties ? Qui, presque à mains nues, a affronté ce monstre dans le ventre duquel nous sommes trop nombreux à reposer béatement ? Qui a dit que les femmes et les hommes avaient mieux à faire que de se confondre avec la marchandise ?
Fidel.
Et toi, tu savais pas…