Chaque jour apporte son lot de signes flagrants, si disparates soient-ils à première vue, d’une décomposition morale vertigineuse de la société capitaliste.
On voudrait ainsi « stariser » Bernard Tapie qui, si l’on excepte le moment solaire que fut, pour la ville socialement sinistrée qu’était et que reste Marseille, la victoire de l’O.M. en Coupe d’Europe, s’est surtout signalé par sa capacité à dépecer les entreprises en difficultés pour s’engraisser sur leur dos, à incarner le tournant patronal, pardon, « entrepreneurial » assumé de la Mitterrandie et à piller les finances publiques en exploitant ses relations à géométrie variable avec la social-démocratie puis, avec le douteux Sarkozy. La mort d’un humain ne réjouit jamais personne, surtout quand il lutte courageusement contre un cancer, mais de là à faire un héros populaire d’un chevalier d’industrie qui n’a jamais servi que son ego, il y a une distance que, espérons-le, même les amis du club marseillais, sauront ne pas franchir.
On apprend par ailleurs que M. Dominique Strauss-Kahn, également connu pour d’autres performances, serait aussi un champion avéré de l’évasion fiscale. Pas mal pour un « militant socialiste » (pauvre Jaurès!) qui briguait il y a peu la présidence de la République et qui, en tant que ministre des finances de Jospin, fut quelque temps chargé de veiller aux finances publiques avant d’être nommé par Sarko – encore lui ! – à la direction du FMI. Un homme d’une rare générosité que ce DSK qui, d’ailleurs, relayait sans états d’âme, quand il était ministre aux côtés de Mmes Voynet et Buffet (sans oublier ce grand « communiste moderne » désormais converti au macronisme qu’était Jean-Claude Gayssot), appliquait sans états d’âme l’austérité aux services publics qu’il privatisait à tour de bras tout en bloquant les salaires et en préparant le passage au sacro-saint euro au nom de l’ « orthodoxie budgétaire » commanditée par Berlin. Bref, faites ce que je dis, pas ce que je fais!
Dernière nouvelle, pire encore que les précédentes, et qui cingle au visage les pères-la-pudeur de la droite intégriste soi-disant catholique, plus de trois cent mille personnes, alors mineures, auraient subi des agressions sexuelles de la part de ministres du culte depuis les années 1950 selon le rapport terrifiant qu’une commission dédiée vient de consacrer aux prédations commises par des clercs dans le silence des sacristie. Loin de nous l’idée d’amalgamer mesquinement la masse des croyants à ces turpitudes destructives, car tous les communistes connaissent d’admirables prêtres ouvriers qui, comme notre regretté camarade Désiré Marle, ouvrier sidérurgiste lensois, ont voué leur vie au service de la classe ouvrière et des exploités: à leur endroit, et sans délaisser une seconde la défense de la laïcité, nous militants franchement communistes du PRCF continuons de pratiquer la « main tendue aux travailleurs catholiques » (et aux autres travailleurs croyants) chère au si calomnié Maurice Thorez. Il n’empêche, quand les Zemmour et Cie, quand la droite catho admiratrice de Fillon – un assoiffé pathologique de pouvoir et d’argent! – présentent la France cléricale d’hier comme le douillet pays du bien-vivre, comment ces messieurs qui passent leur temps à fustiger les communistes athées et les Arabo-Musulmans font-ils pour ne pas crever de honte quand ils vont à confesse se refaire pour pas cher une bonne confiance ? Ou quand ils soutiennent le très jésuitique ami Macron qui diminue de 40% les indemnités des chômeurs? Ou quand, sans doute au nom de Jésus crucifié, ils demandent en fait, à l’encontre du pape actuel qui prend parti pour les migrants, que l’on ne fasse rien pour sauver de la noyade en mer les milliers de frères humains qui tentent de fuir la misère et les guerres fomentées par leurs régimes impérialistes bien-aimés? Je ne suis certes pas un lecteur quotidien de la Bible mais il y est dit qu’un certain Moïse aurait « brisé le Veau d’or », que tel ouvrier charpentier – qui finit crucifié par le pouvoir romain à l’instar des compagnons de Spartacus – aurait « chassé les marchands du temple ». Il y est dit aussi, si mes lointains souvenirs du catéchisme ne sont pas trompeurs, qu’ « il est plus aisé au chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’il n’est facile au riche d’entrer dans le royaume des cieux » et que l’on ne « peut à la fois servir Dieu et Mammon » (c’est-à-dire l’Argent). Mais sans doute que pour nous, communistes, « l’Evangile c’est de l’hébreu », comme eût dit Brassens, et que l’électorat « catholique » de droite qui s’apprête à soutenir Pécresse, Bertrand, Macron ou Ciotti, qui surenchérissent pour retarder le plus possible l’âge de la retraite (65 comme Macron ou Bertrand, ou 67, comme Edouard Philippe?), appauvrir les chômeurs (pardon: « revaloriser la valeur-travail ») et tuer les hommes au boulot, a mieux compris que nous les Evangiles… Quant à nous marxistes, nous continuons d’associer la première devise qui concluait le Manifeste du Parti communiste, « tous les hommes sont frères« , de celle que lui préférèrent finalement Engels et Marx, « prolétaires de tous les pays unissez-vous« : car c’est en appliquant jusqu’au bout la deuxième devise, c’est-à-dire en menant le combat de classe anticapitaliste et en détrônant les monstres d’hypocrite cruauté qui le dirigent, que, pour du bon, pourra enfin prendre corps, par l’avènement d’une société sans classe, la première devise, clairement chrétienne, de cette Ligue des Justes qui donna naissance au premier Parti communiste de l’histoire moderne.