« Soyez libre d’être égoïste » ; « Soyez libre d’être con » ; « Soyez libre d’être mégalo ». De telles affirmations prêteraient à sourire et au mépris si elles étaient cantonnées à la sphère privée. Mais voilà : Naturalia, désireux de lutter contre les « diktats alimentaires » dont sont accusés – à raison parfois – les tenants de l’alimentation biologique, a lancé une campagne publicitaire pour « bousculer les consciences ». Et pour cela, Naturalia, stigmatisant à son tour, prend le risque de verser dans la confusion en usant du second degré pour utiliser la rhétorique de l’idéologie « libérale » et celle des forces réactionnaires croyant dans l’homme providentiel – à l’image d’un Zemmour estimant que la France, par essence, est « comme cela ». Mieux : comme s’il était impossible de manger bio et d’être égoïste, con et/ou mégalo. Car c’est oublier que l’égoïsme est au cœur de l’idéologie libérale, comme l’affirma fièrement Mandeville dans sa Fable des abeilles en 1714 : « Soyez aussi avide, égoïste, dépensier pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens »
Plus inquiétante est la reprise, bien qu’au deuxième degré, de la fausse rhétorique d’être « libre d’être con ». Oxymore terrifiante au moment où l’inculture progresse dangereusement dans le pays, les termes de culture et de connaissances disparaissant des exigences attendues au sein de l’Éducation nationale. D’autant plus terrifiante que l’obscurantisme est démultiplié depuis des années, ce que le succès du documentaire confusionniste « Hold Up » a démontré à grande échelle[1]. Un obscurantisme qui va de pair avec les attaques croissantes contre les enseignants et les universitaires dits « de gauche » accusés d’« islamo-gauchisme », oubliant au passage que l’islamisme doit beaucoup aux forces néoconservatrices ayant, au nom des « libertés » (là encore, un mot source de grande confusion), combattu le communisme.
Cette confusion émane tout d’abord des deux faces de la même pièce capitaliste, européiste et atlantiste. D’une part, la Macronie et ses satellites divers et variés vidant de leur substance les concepts et le vocabulaire, au point que l’économiste Jean-Paul Fitoussi, pourtant peu suspect de philo-communisme, s’alarme que « l’appauvrissement du langage conduit à la dégradation de la démocratie » et prépare un nouveau totalitarisme dans son ouvrage Comme on nous parle. L’emprise de la novlangue sur nos sociétés. Ainsi, que Macron soit encore présenté par la presse aux ordres et par l’extrême droite comme « de gauche », « progressiste », etc., alors que rarement la Réaction aura autant progressé en quelques années, laminant ce qu’il reste de « social-démocratie », est une immense supercherie. Une supercherie accrue par le lancement du journal Franc-Tireur par le servile Christophe Barbier, lui qui n’hésitait pas à affirmer, reprenant ainsi l’antienne d’extrême droite, que c’est la Chambre Front populaire qui avait donné les pleins pouvoir à Pétain en 1940… et ce, alors que les communistes étaient clandestins depuis leur interdiction prononcée par le sinistre Daladier en septembre 1939. Une véritable insulte à la mémoire du président du PRCF, Léon Landini, FTP-MOI au sein de la section Carmagnole, décoré de la médaille de la Résistance, et du vice-président Pierre Pranchère, FTP-F médaillé de la Résistance. Car non content de reprendre le nom des résistants communistes, Barbier s’entoure de francs néocons comme Caroline Fourest ou Raphaël Enthoven, pour qui Le Pen est préférable à Mélenchon et Trump à Chavez.
Usant du même procédé d’appropriation révisionniste de l’histoire, Michel Onfray a déjà lancé sa revue confusionniste Front populaire. Pour le prétendu « philosophe », désireux de rassembler « ceux qui défendent un retour de la politique française, et qui sont des souverainistes de droite et de gauche », le Front populaire est « ce moment dans l’Histoire de France qui, pour faire avancer la cause du peuple, n’a pas eu besoin de guillotine, de tribunal révolutionnaire, de lois sur les suspects ou de colonnes militaires génocidaires ». Car il est bien connu que le Front populaire opéra dans une ambiance bon enfant, l’extrême droite et le patronat de l’époque n’ayant nullement combattu le Front populaire et n’ayant pas fait « le choix de la défaite » (Annie Lacroix-Riz) en privilégiant Hitler et la fin de la République… Et convertissant ses interlocuteurs à son anti-jacobinisme et son anticommunisme exacerbés, Onfray se délecte de voir Zemmour, dont la culture parcellaire et instrumentalisée surpasse ses concurrents incultes des forces réactionnaires et « sociales-démocrates », vociférer contre « les Jacobins [qui] étaient une bande de tyranneaux » ayant combattu l’aristocratie d’Ancien Régime. Quant à Onfray, admirateur de Proudhon, il peut, au nom du « Front populaire », affirmer clairement en septembre 2020 : « il faut un discours qui libère le travail, qui libère les énergies du travail ! Il y a plein de gens qui ont envie de travailler mais on leur dit “ah mais le code du travail ne le permet pas !’’ ». Sans doute le « capitalisme populaire » prôné par le grand admirateur de Proudhon qui voue une haine symétrique à Marx et Engels…
Tant de confusions n’auraient toutefois été possibles sans la confusion (pour ne pas dire la perdition) idéologique et politique frappant les partis de gauche– le PS et EELV, clairement à droite, ne sont pas concernés par le présent propos, eux qui approuvent, comme le RN, les faux « LR » et la Macronie, l’infâme résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019 assimilant communisme et nazisme. Cette confusion est démultipliée par le candidat PCF Fabien Roussel capable de réclamer la prison pour les évadés fiscaux… et de travailler avec les grandes fortunes, ces gens « intelligents » qui ont « créé » et « inventé » – faut-il ainsi comprendre l’hommage rendu à Bernard Tapie ? ; capable de vouloir nationaliser les banques… tout en refusant catégoriquement de sortir de l’UE qui interdit les nationalisations ; capable de vouloir sortir de l’OTAN… tout en estimant que Joe Biden peut prendre sa carte au Parti communiste. Et surtout, capable de véhiculer la rhétorique d’extrême droite sur les réfugiés ou de parader auprès des syndicats factieux de la police comme Alliance. Et que dire de membres de la France de moins en moins « insoumise » comme Manon Aubry, affirmant le 9 mai 2020 que Robert Schuman est à l’origine de l’Europe de la coopération et de la solidarité !
Cette situation dramatique ne peut que motiver la reconstruction d’un vrai Parti communiste sur des bases clairement marxistes-léninistes, ce à quoi s’emploie le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) qui cherche à travailler avec d’autres formations communistes. Mais la réciproque est-elle valable ? Bien que se réclamant d’un communisme pur et dur, l’Association nationale des communistes (ANC) a ainsi organisé sa Fête les 2 et 3 octobre 2021, se gardant bien d’inviter et même d’informer le PRCF… contrairement au NPA qui eut même droit à un stand. Cela n’empêchera pas l’ANC d’affirmer, toute honte bue, vouloir « rassembler les communistes » et, pour cela, en privilégiant les trotskistes dont le dernier ouvrage publié par les éditions Delga, Le vol de Piatakov – un témoignage accablant sur la trahison de Trotski envers l’URSS que prétend défendre l’ANC – créera, à n’en pas douter, de redoutables étincelles.
Le meilleur rempart contre les confusions demeure la clarté idéologique, politique, syndicale et intellectuelle. Le PRCF s’y emploie tous les jours contre les confusionnistes de tous bords, dont l’attitude constitue un dangereux carburant pour la fascisation galopante.
[1]https://www.initiative-communiste.fr/articles/billet-rouge-2/hold-up-un-coup-epais-dans-leau-ou-comment-cacher-lessentiel-en-pretendant-tout-reveler/