ÉCOLE: UN PEU DE TENUE RÉPUBLICAINE, MONSIEUR BLANQUER ! – Par Floréal, PRCF
Histoire de faire diversion au sabordage de l’Éducation nationale qu’il organise avec tant d’acharnement, Jean-Michel Blanquer, le ministre qui, dans les salles des profs, pulvérise tous les records d’impopularité établis par l’infâme C. Allègre, s’est fendu d’une déclaration sciemment équivoque sur l’obligation pour les élèves de porter une « tenue républicaine » à l’école. Tartuferie, sexisme inassumé, nouveau et peu discret coup de patte anti-musulman, ignorance des textes réglementaires existants, tentative de faire diversion aux conditions sanitaires souvent lamentables dans lesquelles travaillent élèves et professeurs, déni de réalité face à une contre-réforme du lycée qui broie les disciplines scolaires et le bac national, on ne sait ce qui prédomine dans le « message fort » d’un ministre qui balance plus que jamais entre insignifiance, provocations répétées, incompétence crasse (« jamais nous ne fermerons les écoles »…), et pyromanie sournoise.
Car dans la quasi-totalité des règlements intérieurs d’établissement scolaires, les choses sont claires et on ne peut plus « carrées »: une « tenue DÉCENTE » est exigée de chaque collégien et de chaque lycéen, et les personnels de direction ont l’obligation professionnelle de faire respecter cette obligation aux filles comme aux garçons en trouvant le juste milieu entre laxisme débridé (un lycée n’est pas une plage de la Costa Brava, c’est un lieu d’étude) et puritanisme étouffant.
Quant à la question des insignes religieux, elle est réglée depuis toujours pour les enseignants et autres fonctionnaires, tous tenus de respecter la neutralité religieuse et la laïcité dans la manière dont ils se présentent au public dans le cadre de leurs fonctions. La question a également été réglée pour les élèves par la loi Stasi de 2004: aucun signe ostentatoire religieux ou politique n’est autorisé dans une enceinte scolaire. Dommage hélas que cette disposition ne s’applique toujours pas aux établissements publics d’Alsace-Moselle où l’Etat continue de financer certains cultes et de laisser les prêtres, rabbins et autres pasteurs (mais pas les imams que l’on sache: deux poids, deux mesures!) déambuler dans les lycées PUBLICS en tenue confessionnelle.
Il va sans dire que nous communistes et autres amis de l’égalité républicaine défendons à ce sujet la « république une, laïque et indivisible » appliquant strictement à tous les cultes l’article II de la loi de 1905: « LA RÉPUBLIQUE NE RECONNAIT, NE SUBVENTIONNE NI NE SALARIE AUCUN CULTE ». Ni privilège, donc, ni discrimination pour quelque religion que ce soit sur tout le territoire national, Alsace et D.R.O.M. inclus, la contrepartie de cet article II de la loi de 1905 étant la LIBERTÉ DE CONSCIENCE pour chacun de pratiquer le culte de son choix, de manifester son athéisme (ou de se désintéresser totalement du sujet!) A TITRE PRIVE, c’est-à-dire quand il n’engage ni ne compromet l’État dans ses croyances personnelles (cf l’Article I de la même loi). C’est en ce sens aussi que la République ne saurait reconnaître un quelconque « délit de blasphème » sur son sol*. Pas plus d’ailleurs qu’un « crime de lèse-majesté » que Castaner a pourtant tenté de restaurer en envoyant la maréchaussée réprimer des porteurs de banderoles se gaussant du « Macronavirus »…
En revanche, nous communistes serions prêts à saluer comme une avancée la déclaration fracassante de Blanquer sur la « tenue républicaine à l’école » à une seule condition: que le ministre déclare que son propos était de nature AUTOCRITIQUE; en effet, de « tenue républicaine », le ministre actuel en manque totalement, lui qui a supprimé le bac national terminal et anonyme pour lui substituer un contrôle continu local couronné par « Parcoursup ». En clair, ce ministre a supprimé le principe républicain du bac, premier grade universitaire, décerné par des professeurs publics qui ne connaissent pas les candidats bacheliers (ni favoritisme ni « vengeance sur élève »!), sur la base de sujets nationalement certifiés, avec obligation corrélative pour les Universités de recevoir tous les bacheliers dans la discipline de leur choix. SANS LES TRIER sur des bases sociales et territoriales inavouables, avant d’introduire, comme en Amérique, des droits d’inscription réservant les bancs de la fac aux fils et filles à papa.
Bref, le bac républicain était, dans son principe, le contraire de cet ubuesque contrôle continu local dont les résultats vaudront, pour les facs recruteuses comme pour les employeurs, ce que vaudra la réputation du lycée concerné, et surtout, sa zone d’implantation sociale et territoriale. Comme me le disait récemment en ch’ti un ancien élève du Lensois où j’ai enseigné et fait passer le bac durant quarante années, « avec in bac ‘Spécial bassin minier’, té vas devoir t’accrocher! »…
Ce bac national (dont le moment républicain fort et unique était chaque année le bac philo: un dispositif institutionnel unique en Europe, et dont nous aurions dû être fiers!), clé de voûte de l’articulation républicaine entre secondaire et supérieur, mais aussi garantie de l’égalité formelle des élèves devant l’examen, servait aussi de base à l’architecture républicaine de l’école léguée par la Révolution française, de Le Pelletier de Saint-Fargeau à Gaspard Monge en passant par Condorcet: concours nationaux (CAPES, agrégation…) permettant de recruter des professeurs dotés d’un statut protecteur (les statuts Thorez, puis Le Pors, sans lesquels les hiérarchies pourront fliquer tout à leur aise les enseignants, donc les contenus enseignés…), diplômes nationaux délivrés par l’Université (disposant du « monopole de la collation des grades »); lesquels diplômes servaient à leur tour de base nationale aux conventions collectives du privé pour les grilles salariales.
Bref, destruction tout à la fois de l’Éducation NATIONALE et des garanties indirectes dont sa structuration républicaine, héritée de la Révolution française, était porteuse pour l' »ordre public social », surtout depuis 1945 et les magnifiques réformes sociales dues aux ministres communistes appliquant le programme du CNR: les Maurice Thorez, Marcel Paul, François Billoux et autre Ambroise Croizat, Jacques Duclos présidant alors l’Assemblée nationale : en clair, « fin de partie » pour les garanties salariales et sociales conventionnelles protégeant, branche par branche, les millions de travailleurs du privé de l’arbitraire patronal et du salaire « à la tête du client ». Qui ne voit ainsi le lien manifeste existant entre la casse de l’Education nationale, la démolition du Code du travail (Hollande / El Khomri / Macron…), l’affaiblissement continu du statut des fonctionnaires, l’assèchement en vue du recrutement par concours, la précarisation et la fragilisation galopante des personnels de la fonction publique, le siège éjectable permanent pour ceux qui sont déjà « précaires », et mille autres joyeusetés commandées en amont par l’alignement de notre France en décomposition sur l’anti-modèle européen mâtiné de néolibéralisme anglo-saxon et d’ « ordo-libéralisme » berlinois ?
Cerise virale sur ce gâteau infect, l’introduction à marche forcée de l’anglais comme langue officielle bis – en violation ouverte de la Constitution (article II-a, « la langue de la République est le français« ). Entendons-nous bien à ce sujet : il ne s’agit plus de l’anglais comme d’une « langue à enseigner » parmi d’autres, mais de l’anglais, ou plutôt, du globish, comme LANGUE D’ENSEIGNEMENT BIS, du C.P. à la licence; avec pour effet, non seulement l’obsolescence programmée de la langue de Molière, mais d’énormes discriminations sociolinguistiques pour des élèves dont le problème n°1 est hélas que beaucoup d’entre eux maîtrisent très mal… le français! Et pour cause, combien de milliers d’heures d’enseignement du français ont-ils retirées à chaque élève entrant en sixième et sortant avec le bac, par les « réformes » successives de Haby-Giscard à… Blanquer, en passant par Allègre, Fillon et Cie?
Mais qu’importe à l’heure où l’UE, ignorant le Brexit et désireuse de se mettre à l’heure du CETA, de l’OTAN et du TAFTA (dont on attend le retour avec impatience si le « gentil » Biden est élu?), ne jure plus que par les « traités transatlantiques » broyeurs d’acquis sociaux, de revenus salariaux, de garanties sanitaires, de langues nationales autres que l’anglais, et de souverainetés populaires?
Bref, vous manquez tellement de « tenue républicaine », M. Blanquer, que nous ne comprenons pas pourquoi le mot d’ordre minimal des syndicats enseignants, en lieu et place de leur constant et pathétique appel à l’introuvable « Europe sociale » et à un « dialogue social » totalement bidon, n’est pas pour le moins: BLANQUER DÉMISSION !
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* Ce qui ne signifie pas que nous communistes, encourageons quiconque à pratiquer gratuitement le blasphème. Pas plus que la juste et indispensable défense du droit au divorce n’implique le « devoir » de divorcer ou d’appeler au divorce. Lénine, notamment, est parfaitement clair sur toutes ces questions: un droit « à » n’est pas nécessairement un « appel à ».