Après l’agression haineuse contre Mélenchon dans l’émission « Des paroles et des actes » (on peut penser ce qu’on veut de ce candidat mais on peut au moins attendre un minimum de courtoisie du « service public » à l’égard de ses invités !), l’émission de dimanche soir présentée par le fringant Delahousse fut un sommet de manip idéologique, de pluralisme biaisé et d’appel à la haine anti-CGT.
En apparence, ce JT était fort peu politique puisque plus de la moitié du temps d’antenne a été consacrée aux intempéries et aux malheurs qu’elles apportent. En réalité, le but poursuivi par la rédaction et par les anti-syndicalistes et anticommunistes de combat que sont Pujadas, Nathalie Saint-Crique et autre Lenglet était entièrement de discréditer la grève et la CGT.
D’abord de longues minutes sur les inondations et sur les situations pénibles endurées par les gens à cette occasion. Situation que l’auteur de ces lignes est loin de sous-estimer puisque « Floréal » a lui-même vécu de près une crue catastrophique de l’Hérault en 1979. Mais situation qui ne fait pas oublier les manifestants matraqués – dont un jeune toujours entre la vie et la mort – ni ceux qui ont été envoyés dans un état grave à l’hosto par des « gentils usagers de la route » excités par les médias et fonçant sur les manifs…
Puis, un peu moins longuement, focale sur les inondations à la RATP et à la SNCF. Gros plan sur les « travailleurs au travail » de ces deux entreprises qui réparent courageusement les dégâts (alors que d’habitude, quand il n’y a pas de grève, nos JT ne disent rien des travailleurs des services publics, notamment de l’EDF, qui réparent les infrastructures par tous les temps et en prenant de lourds risques personnels en cas de catastrophe naturelle). On voit alors le cadre portant casque et chasuble estampillée SNCF – comme le premier ouvrier cheminot venu – donner des explications techniques sur un ton hyper-responsable. Bravo !
Puis on passe enfin au plat de consistance du JT, comme chaque soir : les grèves à la SNCF « qui se maintiennent malgré l’appel du (au choix selon les soirées : premier ministre, PDG de la SNCF, président de la République, présidente de droite de la Région francilienne, ça n’arrête pas…) à cesser le mouvement « par solidarité avec les sinistrés des intempéries ». Mais pourquoi pas à l’inverse, MM. les médiacrates ? Pourquoi ne pas demander au gouvernement, « par solidarité avec les Français inondés », de retirer le projet El Khomri de manière à supprimer la CAUSE de la grève ?
Gros plan ensuite sur ce que dans son livre des années cinquante « Mythologies », le sémiologue Roland Barthes appelait déjà l’ « usager de la grève » et qu’on pourrait redéfinir, histoire de mieux comparer l’ouvrier cégétiste à Daesh (comme l’a fait F.-O. Giesbert toute honte bue), comme l’Otage Permanent des Méchants Gréviculteurs. TOUS les usagers SNCF, d’ordinaire si mal transportés par nos services publics euro-asphyxiés, sont remontés comme des coucous contre les grévistes ; pas un seul interviewé n’est compréhensif, surtout pas cette petite retraitée si bien choisie qui dit qu’elle « comprend » les revendications mais qu’il faut chercher d’autres moyens (en clair, faire grève à la japonaise : donner son salaire au patron mais travailler avec un brassard : Gentil Gréviste Inoffensif ?). Quel autre moyen que la grève, chère Madame, alors que le gouvernement se moque d’une pétition d’1,4 millions de signataires, qu’il matraque les manifs et qu’il contourne les parlementaires à coups de 49/3 ? Quels autres moyens chère Dame, sauf à laisser casser le Code du travail dont vous avez joui durant toute votre vie active à l’abri des méchants syndicats de lutte qui garantissaient vos droits ?
Images suivantes, on aperçoit sur le quai d’une gare parisienne, en gilet rouge s’il vous plait, de gentils cheminots non-grévistes (cadres soucieux de leur carrière ou précaires forcés de faire ça) qui « rassurent » les usagers pendant qu’une bande d’affreux – AUXQUELS ON NE DONNE JAMAIS LA PAROLE – continuent de faire grève. Il n’y avait sûrement personne à la CGT cheminot ou à SUD Rail pour répondre aux questions de France II…
Estocade « pluraliste » apportée par François Hollande qui, dans son style autoritaire mais néanmoins bredouillant – somme les grévistes de s’arrêter avant le sacro-saint euro de football (où l’on va pouvoir enfin admirer les émules du douteux Platini, du frétillant Valbuena et de l’irréprochable Benzema). Mais le même Hollande – qui détient la clé de la tranquillité publique ! – ne somme pas M. Valls (car l’alternative à l’arrêt de la grève n’est jamais présentée !) –de retirer le projet scélérat qui, sur sommation de Bruxelles, inverse la hiérarchie des normes et ouvre la voie au moins-disant social général, entreprise par entreprise et chantage à l’emploi « démocratiquement » à la clé, à propos des conditions de travail et de rémunération des travailleurs salariés (90% des travailleurs français).
Si après tout cela vous n’avez pas encore saisi le message politique inavoué, vous êtes vraiment lourdaud : il y a la France qui souffre (pleurons ensemble !), la France qui l’aide (admirons en chœur !) et enfin, il y a l’anti-France rouge qui accable égoïstement les deux premières (haïssons d’une seule voix !). On veut et on aura Martinez « death or alive » pour parler dans la langue que chérissent ces messieurs du service public « national » de l’audiovisuel. Le « mal français », comme dit la droite « républicaine » du « Point », ce sont les cégétistes et les communistes (savante distribution des tâches entre l’audiovisuel public qui pose l’addition : « 2 + 2 = ? », et la presse écrite tenue par le CAC 40 qui scande, à l’usage des esprits lents et autres mal-comprenants : « 4, 4, 4 », c’est-à-dire en clair : feu roulant sur les « rouges », sur Thorez et Duclos – cf la couverture du Point – et, de manière de plus en plus ouverte, sur le Conseil National de la Résistance qui a pactisé avec eux pour mettre en place le « modèle social français » à l’époque de la Libération).
Après quoi, M. Delahousse peut enfin passer à la grande politique : une minute pour le congrès du PCF (et on défie qui que ce soit d’avoir saisi à travers ladite minute ce qu’a proposé le congrès du PCF). Deux minutes à tout casser sur le rassemblement de Mélenchon et de la France insoumise (dix mille personnes convergeant à Paris en pleine grève des trains, ce n’est rien. Preuve supplémentaire d’insignifiance, aucune d’entre elle ne se plaint des grévistes !) et l’on entend une seule phrase de J.-L. Mélenchon (11% des voix en 2012 tout de même…) déclarant qu’il ne s’engage pas dans la présidentielle pour témoigner mais « pour prendre le pouvoir ». Rien sur son projet politique… mais tremblez dans les chaumines, la révolution jacobine est à nos portes !
Enfin, le triple du temps imparti à Mélenchon et au PCF réunis est attribué à l’illustre François Baroin : nouvelle d’importance galactique, ce « ex-chiraquien » soutiendra Sarko ! Il s’en suit qu’UN individu – dont pas un Français sur 100 n’a retenu le nom – qui envoie UN message à l’AFP a plus de poids pour Delahousse, Pujadas et Cie, que la CGT (1 million et demi d’adhérents) – accusée et vilipendée mais privée de tout droit de réponse – et que les milliers de congressistes rouges, qu’ils soient réunis par le PCF à Aubervilliers (c’est une ville, ça ?) ou par Mélenchon à la si malsonnante Place de Stalingrad…
Après tout cela, ces individus malveillants, intéressés, dénués de dignité professionnelle, viendront expliquer qu’il faut « sauver la démocratie » menacée par « les » populismes, gauche populaire et extrême droite raciste étant savamment amalgamées sous ce vocable infâmant… Alors que jour après jour, les procédés FASCISANTS des petits marquis médiatiques suent la haine de classe « distinguée » et préparent savamment le triomphe « irrésistible » du parti fasciste…
« Il est toujours fécond le ventre qui a enfanté la Bête immonde », disait Brecht. Mais aujourd’hui, la Bête a rasé sa petite moustache et laqué sa grande mèche frontale. Cette Bête ‘modernisée’, il nous faut apprendre à la reconnaître « relookée », tirée à quatre épingles, excitant à mots couverts à la revanche anti-prolétarienne et truffant sa haine du Rouge de globish branché.
Scintillante comme un gibet enguirlandé, prenant la forme de présentateurs sympas et cravatés, elle n’a en réalité qu’une seule mission : toujours et partout, appeler par cent détours à EN FINIR AVEC le « MAL FRANÇAIS » (dixit le Point, plus fort que « Minute ») : LIQUIDER LES ROUGES.