« Les Etats-Unis d’Amérique sont une grande démocratie ! » : cet article de foi étant posé, Washington pourra bloquer, voire martyriser des pays entiers (Corée du Nord, Vietnam, Cuba, Chili, Irak, Afghanistan, Syrie… et maintenant le Venezuela), torture à Guantanamo, fermer les yeux sur les massacres à répétition dans les écoles étatsuniennes, laisser pourrir en prison des innocents comme Mumi Abu-Jamal ou Leonard Peltier, saboter l’accord mondial sur le climat, se retirer unilatéralement de l’accord de 87 sur les euromissiles, soumettre le monde entier aux caprices de Wall Street et des marchands de « subprimes », cela n’a aucune importance. Il s’agira en effet de bombes « démocratiques », d’embargos « civilisés », voire, pourquoi pas, de tortures « humanitaires »…
« Israël est une grande démocratie ! ». Ce dogme étant récité comme un mantra, Netanyahou et ses ministres d’extrême droite pourront impunément violer cent résolutions de l’ONU, faire du casse-pipes forain sur les jeunes palestiniens, multiplier les assassinats ciblés de dirigeants de l’OLP à l’étranger, sommer – à Paris même ! – les juifs français d’abandonner leur pays, ça n’a rien de grave : il s’agit, voyez-vous, de violations « démocratiques », de massacres joviaux, d’assassinats bienfaisants… Pas de quoi empêcher Macron d’embrasser « Bibi » entre feux accolades accordées au dictateur égyptien ou au dynaste saoudien assassin de journaliste !
« L’Union européenne est le bastion planétaire des droits de l’homme ! ». Cette assertion étant assenée à grand renfort de drapeaux européens affichés dans chaque classe, les gouvernants européens ont donc le droit imprescriptible d’ignorer le Non français à la constitution européenne, de torpiller le vote britannique rejetant l’UE, d’essorer tous les pays de l’Est et du Sud européens pour que règne le Deutsche-Mark rebaptisé euro, d’interdire toute forme d’alternative socialiste au néolibéralisme, de laisser cent mille Africains se noyer en Méditerranée, de collaborer sans états d’âme avec de francs nostalgiques de Hitler et Mussolini (Kiev, Budapest, Vilnius, Rome, etc.), de laisser ces lascars persécuter les communistes, d’interdire la grève en Grèce, de laisser Madrid incarcérer pour longtemps les élus catalans « coupables » d’avoir organisé un référendum : eh bien l’UE a le droit de faire bien pire encore puisqu’on vous dit que c’est au nom de « l’état de doit » et de la défense de la paix !
« La France est le pays des droits de l’homme !». Le régime en place, qui détient 80% des sièges parlementaires avec 56% d’abstentions au second tour législatif, aura donc quartier libre pour éborgner des manifestants, les mutiler, les gazer, les arrêter préventivement, les interdire de manif sur simple arrêté du préfet, il pourra inscrire ad vitam aeternam l’état d’urgence dans la loi ordinaire, fliquer internet, criminaliser les opinions antisionistes amalgamées au délit d’antisémitisme, dynamiter les acquis sociaux de 45 l’un après l’autre, promener des blindés sur les Champs Elysées, substituer la « souveraineté européenne » à la « souveraineté nationale » prescrite par la Constitution : il n’y a là rien de grave pour Libé et France-Inter puisque, c’est évident, « la France est une grande démocratie ».
Qu’en revanche un président vénézuélien régulièrement et tout récemment réélu défende l’indépendance, le vote souverain et les acquis sociaux de son peuple ; que Cuba réaffirme, à l’issue d’un débat à huit millions de voix son attachement au communisme ; qu’au prix des plus grands sacrifices, l’armée syrienne de conscription chasse de son territoire les djihadistes sanguinaires armés par l’Occident et par les Emirats voisins ; que les Gilets jaunes décident par eux-mêmes qui les représente et qui usurpe leur mouvement et que ces moins que rien aspirent à la démocratie directe et à l’égalité sociale : tout cela relève par essence de la plus odieuse « dictature » et le grand philosophe « libéral » Luc Ferry appelle même aussitôt la « police républicaine » à régler le compte de ces malfrats aux dents jaunes et au gros nez rouge, sans oublier au passage, comme l’a dit Macron, le « boxeur gitan » !
Il est donc de la plus saine hygiène mentale et du plus élémentaire esprit critique que de se départir de ces actes de foi qui, sur la base d’une « essence » démocratique ou « dictatoriale » décernée a priori par l’oligarchie médiatico-politique tel ou tel régime (en fonction de sa docilité envers, non pas « nos valeurs humanistes », mais LEURS VALEURS COTEES EN BOURSE !) , décide superbement de qui, mécaniquement, les pantins des médias d’Etat et les perroquets des médias patronaux appuieront ou démoliront selon les moments et quoi que fassent ces régimes ou individus. Alors, réapprenons le critère de la pratique : mérite d’être qualifié de démocratique tout régime émanant du peuple qui agit pour le peuple, par le peuple et qui, conséquemment, combat ses exploiteurs.
A l’aune de cet imparable critère matérialiste, l’ « illégitimité démocratique » n’est certainement pas du côté de Maduro et il y a lieu de s’interroger, pour le moins, sur la légitimité de Macron !