On ne saurait exiger d’un être ce que, par nature ou par destination, il ne saurait donner d’aucune façon. Bien sot serait donc le « marxiste » qui reprocherait à feu le Pape François de n’avoir été ni un fer de lance de la laïcité, ni un militant de choc du matérialisme scientifique…
De même serait-il peu intelligent de reprocher au défunt cardinal argentin Bergoglio, allias François, d’avoir plus que traîné les pieds pour abroger des règles liturgiques ou ecclésiales que nombre de cathos européens jugent périmées à propos du traitement réservé par l’Eglise au mariage homo ou au diaconat des femmes…
Des marxistes plus au fait des réalités culturelles et des rapports de forces de notre temps devront plutôt savoir gré à François d’avoir défendu le droit à l’accueil des personnes contraintes à l’émigration, quitte pour cela à affronter des « chrétiens » qui, tels le vice-président président américain J.D. Vance, traitent tout immigré mexicain comme un criminel potentiel!
Bravo aussi à François d’avoir appelé au « courage de la paix » les belligérants du conflit dit russo-ukrainien, eux dont le tropisme principal, notamment du côté du « catholique » Macron, est l’escalade et la marche décomplexée vers la guerre mondiale…
Merci aussi à ce Pape qui n’avait pas pris par hasard le nom de Francisco (en référence à saint François d’Assise, l’apôtre des pauvres par excellence) d’avoir mis en garde contre le néolibéralisme débridé et fauteur de misère. Cela au pays de Javier Milei, cette Argentine où le chef du Vatican avait renoncé à remettre les pieds!
Enfin bravo à François d’avoir condamné le massacre de masse commis à Gaza par Israël et par ses fournisseurs d’armes occidentaux, les « cathos » Biden et Vance en tête. Ou encore d’avoir défendu les derniers chrétiens d’Irak et de Syrie contre les bandes intégristes massacreuses que le bloc euro-atlantique osait présenter il y a peu comme des « combattants de la liberté »!
Étant donné les rapports de forces internes à l’Eglise, dans laquelle semblent prédominer comme en beaucoup d’institutions la réaction la plus bornée, ce serait donc sectarisme que de ne pas saluer ce qu’il faut bien nommer une forme d’esprit de résistance chez le défunt pontife. Les multiples luttes que les amis de la Théologie de la Libération ont menées en Amérique latine aux côtés des marxistes (je pense par ex. à mon défunt camarade Philippe Toulemonde, prêtre-ouvrier lensois et militant CGT parti en Colombie vivre la vie des favelas) auront sans doute joué un rôle dans ces évolutions historiques du reste fragiles…
Le Conclave qui va se réunir pour élire le successeur de François va sûrement faire l’objet de pressions de la part des faucons qui grouillent des deux côtés de l’Atlantique. La « fumée blanche » qui sortira de s cheminées de St-Pierre de Rome risque donc fort d’être une fumée noire de contrefaçon. En tous les cas, le résultat de cette élection en dira long sur l’état du monde et de ses rapports de forces idéologiques…
En attendant ce dénouement, et alors que l’humanité est à la fois menacée de mort par l’exterminisme euro-atlantique et par l’ecocide résultant de la course au profit maximal, comment ne pas adresser, en ces jours de Pâques censés célébrer la Renaissance*, à tous les hommes de bonne volonté croyants ou incroyants ce message inspirant qui, selon Kant, devrait nous unir en frères :
« toute guerre d’extermination susceptible d’aboutir au grand cimetière de l’espèce humaine doit catégoriquement être proscrite ainsi que tous les moyens susceptibles d’y conduire ».
* Rappel : Pâques signifie pour les chrétiens la résurrection du Christ et cette fête ne coïncide pas par hasard avec le Renouveau de la nature…