À l’heure maastrichtienne de l’« économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » et où toute défense de l’idée de frontières vous classe aussitôt parmi les ringards xénophobes, la cascade de quarantaines qu’entraîne la lutte contre le Coronavirus fait figure de rappel sinistre à la réalité.
Non, il n’est pas vrai que l’être, que la matière, que la société et l’histoire soient parfaitement fluides et continus : de même que l’espace fluide de la géométrie euclidienne est scandé par des entités physiques discrètes, atomes ou particules, voire « boucles » de la théorie quantique à boucles, de même que l’évolution biologique est rythmée par des sauts qualitatifs et des révolutions, de même la nature sociale est à la fois une et discrète, composée qu’elle est d’une multitude de peuples, segmentés et distribués en langues et en cultures diverses. Tant pis pour les utopistes totalitaires du Grand Marché capitaliste mondial unifié et intégralement « dé-segmenté »…
De même n’est- il écrit nulle part que l’état fluide, liquide ou gazeux, dans lequel les corps perdent à la fois leur singularité, leur solidité et donc, leurs solidarités construites, seraient meilleurs en eux-mêmes que l’affirmation de parties délimitées s’articulant entre elles et formant des corps composés, organismes, nations et autres classes sociales internationalisées.
À qui, à quelles classes profite-t-elle ou telle forme de fluidité et/ou de discontinuité de l’espace social ? Telle est la vraie question !
Quoi qu’il en soit, le déni de réalité n’a jamais changé en profondeur la nature des choses. La chute du Mur de Berlin a – malheureusement pour l’humanité – balayé la première expérience socialiste de l’histoire, mais se sont aussitôt disséminés une multitude de murs séparant odieusement le monde des dominants du monde dominé, Palestiniens séparés des Israéliens, Latinos bloqués à la frontière texane, migrants africains refusés par la belle Europe et voués à la noyade en Méditerranée.
Brutalement, les prédations d’un virus asiatique venu de l’ « atelier du monde » viennent rappeler que les « quatre libertés » absolutisées par le Traité de Maastricht -libre circulation des capitaux, de la main d’œuvre, des nouvelles et des marchandises- sont en réalité une menace pour l’humanité quand elles ne sont pas pour le moins encadrées par la coopération d’États libres et souverains, si possible socialistes, planifiant rationnellement leurs échanges dans l’intérêt de TOUS les humains.