Olivier Long est artiste plasticien, maître de conférences à Paris 1, auteur de nombreuses affiches d’art créées dans le cadre de plusieurs mouvements sociaux : Loi travail, Parcoursup, Université volante, Gilets jaunes…
Il est aussi l’auteur de l’un des rares ouvrages (Pavés graphiques, Exils Editeur, octobre 2018) qui annonçait le mouvement des Gilets jaunes.
Ce jour, pour la première fois, Facebook vient de censurer une oeuvre d’Olivier. La nature de cette oeuvre n’est certainement pas étrangère à la censure. Olivier a rédigé un billet sur son blog Mediapart. Il est ici :
https://blogs.mediapart.fr/603465/blog/050819/facebook-et-le-fascisme-letat-gazeux
C’est la liberté d’expression des artistes qui est en jeu. Olivier expose actuellement des oeuvres au Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, une exposition sur l’Enfermement.
L’affiche est libre de droit et peut être largement diffusée.
Facebook et le fascisme à l’état gazeux
Au moment où les vacances, la justice et l’opinion tentent de banaliser la mort de Steve Maia Caniço, alors que l’État, la justice et la police se renvoient la responsabilité d’une mort prévisible, j’ai réalisé une affiche concernant la mort de Steve. Cette affiche vient d’être censurée par Facebook.
Au moment où les vacances, la justice et l’opinion tentent de banaliser la mort de Steve, alors que tout le milieu politique, médiatique, judiciaire et policier se renvoie comme une patate chaude un drame qui devait fatalement arriver depuis que l’État joue à l’apprenti-sorcier avec des armes de guerre pour intimider les populations, j’ai réalisé une affiche concernant la mort de Steve Maia Caniço. Cette affiche vient d’être censurée par Facebook qui m’adresse un message expliquant que mon dessin exprime un « contenu qui va à l’encontre des Standards de la communauté Facebook ».
Ceci renvoie évidemment aux discussions qu’a pu avoir Emmanuel Macron avec Mark Zuckerberg, Pdg et co-fondateur de Facebook. Rappelons que le 10 mai 2019, suite à la crise des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron est toujours aveugle et persuadé que cette crise n’est pas le produit de sa politique désastreuse, mais l’effet d’une machination technologique; si le peuple est dans le rue c’est parce que l’algorithme de Facebook a foiré! Il rappelle donc à l’ordre le directeur de Facebook afin qu’il « responsabilise » son réseau social. Ceci signifie pour Facebook l’obligation de « modérer » ses contenus, c’est-à-dire de les hiérarchiser en fonction des attentes du politique et d’une attente supposée de ses utilisateurs.
Quels critères propose aujourd’hui Facebook pour discriminer, c’est-à-dire domestiquer les contenus «acceptables» en ligne ? Ceux d’une « communauté » virtuelle décidée par une entreprise privée, et non pas les simples lois sur la liberté de la presse actuellement en vigueur en France. La date de l’entretien de Macron avec Zuckerberg, son contexte d’urgence, indiquent bien que c’est un calendrier politique et de survie politique qui est à l’origine de ces mesures d’exception et non un réel souci concernant les contenus racistes, antisémites, fascistes, lesbophobes, homophobes, sexistes, transphobes, validistes qui circulent sur internet. L’urgence première c’est de faire taire les critiques faites aux politiques néolibérales quand celles-ci produisent la colère des populations.
Facebook envoie donc maintenant des messages d’intimidations concernant des contenus politiques qui pourraient gêner les dirigeants en place. La menace est double : continuez comme ça et nous allons vous censurer, continuez comme ça et on nous allons vous dénoncer aux administrateurs de site qui sont le bras armé de la surveillance politique! Et Facebook d’introduire son message par ce préambule dont on ne mesure pas l’ironie : « Ce message est purement à titre informatif. Il ne s’agit pas d’une réponse à un contenu que vous avez publié, et cela ne veut pas dire que nous avons supprimé un de vos contenus ». On vous informe qu’on vous surveille, et l’on menace de vous faire simplement disparaître si vous ne vous pliez pas à une injonction d’auto-surveillance et d’autocensure qu’ils exigent de leurs membres pour faire partie du club.
Sans le dire, ces pressions, ces menaces de dénonciation publiques (de quoi? de la liberté possible de chacun?) directement issues de pressions politiques sont des intimidations qui relèvent bien de la « censure ». Elle instaure de soi à soi une ambiance de surveillance permanente. Je rappelle ce que signifie le « cens » dans l’empire romain : c’est une pratique patriarcale qui consistait à dé-nombrer les citoyens pour en hiérarchiser la dignité. N’est-ce pas ce que fait Facebook quand il menace de renvoyer en dernière page des informations et des personnes qu’il juge indésirables pour ses « standards »? De quel droit s’attribue-t-il une fonction judicative et judiciaire? De communauté? il n’y a de communauté qu’humaine. Nous sommes la communauté des vivants et non pas un tas de produits accumulés sur des rayons de supermarché. Et cette communauté des vivants obéit à des lois qui ont été décidées collectivement et non à des standards industriels ou des chartes de fabrication élaborées dans l’antichambre des dictatures.
Pour ceux qui pensent que « les standards de la communauté Facebook » constituent une atteinte aux lois sur la liberté de la presse, la liberté d’opinion et la démocratie, faites circuler ce dessin qu’ils jugent éminemment subversif. (Soit dit en passant, que le préfet d’Harcourt soit jugé pour ses agissement à Nantes relève simplement du droit français, qu’y a-t-il à redire là-dessus?).
Pour ceux qui ne sont pas encore conscients d’un problème actuel : celui de limitation de la liberté d’expression en France, reportez-vous au nombre de commentaires et de recommandations de ce post. Ils mesurent d’une certaine manière à quel point le soucis de la liberté d’expression est une priorité en France en ce bel été 2019.