Il a derrière lui les réseaux extrémistes de la « Manif pour tous » ; d’ailleurs, c’est un pratiquant assidu, même s’il bouche ses oreilles quand l’officiant lit le passage de l’Evangile qui affirme qu’ « il est plus facile au chameau de passer par un trou d’épingle qu’au riche d’entrer dans le Royaume des cieux »…
Il a derrière lui toute la banlieue guindée de l’Ouest parisien, ces villes nanties où les villas succèdent aux immeubles de standing, où l’agriculture maraîchère et les usines ont été éradiquées, où l’on ne voit ni un pauvre, ni un chômeur (pardon, un « assisté ») ni un syndicaliste : seulement quelques immigrés vidant les poubelles et priés de se faire oublier. Une élégante banlieue verdoyante et aérée où l’Express (ou l’Obs, mais ça ne vaut pas plus cher) est le journal le plus à gauche, et où le sentiment de l’injustice ne s’éveille que lorsqu’il faut payer quelques impôts (c’est si dur de partager un peu !), que lorsque le percepteur ou l’inspecteur du travail – ces maudits « fonctionnaires » – viennent fourrer leur nez « inquisiteur » dans certains comptes patriotiquement fixés au Luxembourg. Un milieu américanisé où les bulletins municipaux comportent illégalement des pages en anglais, où les primaires de la droite mobilisent une majorité de la population blanche, mâle et quinquagénaire. Ces villes propres sur elles, qui ont toujours tenu Versailles pour la vraie capitale française et où l’on maudit du soir au matin la minable « exception française » héritée de l’affreux Robespierre, des pyromanes communards, du « Moscoutaire » Thorez, du désolant CNR et de l’abominable Mai 68. Des lieux où Giesbert (Franz-Olivier) ne choque personne quand il compare la CGT à Daech et où l’on approuve M. Gattaz quand il déclare, à son arrivée à Pékin, qu’il est heureux de quitter la « France communiste » pour la « Chine libérale ». Des lieux si policés où le « patriotisme » consiste, entre deux délocalisations, trois spéculations et quatre privatisations, à célébrer du soir au matin Frau Germania, Mistress Thatcher et l’Oncle Sam réunis. En longeant les bords de Seine, j’ai ainsi pu voir de mes yeux ces panneaux électoraux publics recouverts d’affiches de Fillon grandeur nature, en posture de cow-boy prêt à dégainer, les affichettes de ses rivaux Juppé ou Le Maire étant, elles, rageusement déchirées…
Son programme ? tout reprendre aux petites gens, casser les très modestes acquis civilisationnels gagnés au prix du sang par notre peuple, retraites, Sécu, statuts publics et conventions collectives, services publics subsistant encore après des décennies de ravage maastrichtien, Code du travail, durée légale du travail, SMIG, indemnités chômage déjà si chichement distribuées et si durement fliquées. Avec en sus l’augmentation générale de la TVA, payée par tous, et, – car une classe égoïste n’est jamais si bien servie que par elle-même, la baisse de l’impôt sur le revenu (le plus juste pourtant, et le plus « re-distributif »), la suppression de l’impôt sur la fortune, le dégrèvement fiscal et social massif du patronat jamais satisfait des cadeaux somptueux que lui a accordé le MEDEF, et j’en passe. Et bien entendu, ce seront les mêmes qui riront de pitié si vous dites devant eux que la lutte des classes n’a jamais été si évidente que de nos jours !
Si ce programme-là passe, la pauvreté explosera, la précarité se généralisera, la vie deviendra encore plus dure, voire infernale, pour, non pas « les plus démunis », comme disent les douairières du PS qui ont enfanté le monstre froid du fillonisme à force de courbettes devant le MEDEF, devant l’UE, devant l’OTAN, devant les banquiers à la Macron, mais pour l’ensemble de la classe travailleuse : que 90% des gens vivent plus mal, ce n’est pas gênant, voyez-vous, pour la « démocratie » telle qu’ils la conçoivent, eux et leurs chiens de garde médiatiques. D’ailleurs cette « démocratie » est parfaitement verrouillée : au second tour, si une candidature franchement insoumise ne vient pas percuter la donne, Fillon affrontera Le Pen qui, comme lui, est en réalité pro-capitaliste, pro-UE et pro-euro (le préalable de sa « sortie concertée de l’euro » avec les 27 pays de l’UE réduit à néant sa démagogie anti-UE), mais qui ne manquera pas, lors du débat de second tour, de poser à l’avocate des petites gens broyés par le programme Fillon. Belle démocratie en effet, que verrouille la carence de la gauche établie, totalement ralliée à la « construction européenne » et qui permettra seulement au peuple français de trancher entre deux candidats de guerre civile et de fascisation (on commence par les jeunes des quartiers-ghettos : « option bleu marine » – ou par la curée de la fonction publique – option bleu étoilée – ?) froidement déterminés à mater définitivement le peuple des Sans Culotte, du Front populaire et de la « Chanson de Craonne ».
Bref, l’Anti-France versaillaise, secondée au besoin par l’Anti-France vichyste en embuscade, l’Anti-France haineuse, arrogante, bouffie de suffisance et de petits rictus méprisants à la Balladur, vient de se choisir un chef pour mener la guerre civile anti-ouvrière et pour réussir ce que Sarkozy n’avait pu qu’entreprendre : araser la France rebelle de Ferrat, la « Doulce France » rêvée par les chansons de geste, la France des Lumières communes, bref, la France tout court, et cela, je vous prie, aux cris de « vive la France » et de « vive la République ! ».
Merveilleux cadeau de départ du PS moribond dont il faut du moins espérer qu’après tout le mal qu’il a fait pendant cinq ans, il ne parvienne pas à maintenir sa domination sur le flanc gauche de la société en brandissant comme d’habitude l’épouvantail de la droite dure et du FN… que sa politique n’a cessé de faire monter !
A nous d’en tirer toutes les conclusions pratiques en rompant l’attentisme électoral pour aller aux luttes, en déployant à la porte des usines notre programme franchement communiste et 100% anti-UE, et en faisant en sorte qu’au soir du 1er tour, le PS maastrichtien ait perdu la mortelle hégémonie sur le camp progressiste que Mitterrand avait conquise sur Marchais le 10 mai 81…
A nous surtout de comprendre à temps, après des décennies de « mutation » réformiste, de « repentance » anti-léniniste et de blablabla « euro-constructif » qui ont affaibli nos défenses immunitaires, que le camp du travail et du progrès ne défera pas l’étau mortel du fillonisme et du lepénisme sans nous réarmer politiquement, syndicalement et idéologiquement.
C’est à quoi travaille notre PRCF que de vrais résistants ne doivent plus tarder à aider concrètement, et pourquoi pas, à rejoindre !
Très bonne analyse il n’y a rien d’autre à dire. Le peuple a intérêt à se réveiller rapidement.