Un de nos camarades, travaillant aux États-Unis nous a adressé ce commentaire pour mettre les points sur les i de ce qu’est Biden et sa politique. Une mise au point essentielle alors que certain, se prétendant de gauche ou même communiste se mettent à la remorque du chef de fil du sanguinaire impérialisme américain au service exclusif de ses milliardaires.
Joe Biden, membre du PCF et Insoumis
Récemment, il semble que la cote médiatique du 46ème président américain a surgi pour certains dans la gauche française. Pour Fabien Roussel, secrétaire national du Parti Communiste Français, J. Biden, avec sa politique « révolutionnaire » selon F. Roussel, pourrait recevoir sa carte de membre du Parti et pour J-L Mélenchon de déclarer que la politique sociale, fiscale et économique du président américain se rapprochait du programme de la France insoumise. Pour le moins, cela pose certaines questions quant aux analyses de ces derniers et de leurs cadres.
J. Biden a entamé un plan de relance qui certainement sera le bienvenu pour un grand nombre de travailleurs américains. C’est certainement un plan inédit depuis le « New Deal » de FDR mais un plan qui demeure bien en deçà des transformations implémentées dans les années 30. Si FDR créa la sécurité sociale, les remboursements fédéraux de soins médicaux (Médical/Medicare) et bien d’autres mesures ; si celui-ci mit en œuvre le programme fédéral d’emploi pour des dizaines de millions d’américains, tel n’est pas le cas pour les programmes de J. Biden. L’enchantement international de gauche exprimé sur les mesures du président démocrate semble provenir du fait que ce plan de relance est associé dans les médias à une augmentation des impositions sur les revenus les plus élevés donc des riches ; une notion qui semble antithétique du capitalisme américain mais qui est certes facile à « vendre » a un peuple éreinté par les crises.
Le plan pour la Famille Américaine de 1800 milliards de dollars dont 800 milliards de crédits vers l’imposition fédérale et le plan pour l’infrastructure de $2000 milliards constituent le plan principal de relance de cette administration démocrate (plus $3000 milliards).
Au niveau des impôts sur les grandes fortunes, celui-ci augmente de 2,6% pour les revenus individuels de plus de $453,000 annuellement et $509,000 pour les couples. Cette augmentation est supposée générer $100 milliards de revenus sur 10 ans. La taxe sur les gains en capital double pour les ménages dont les revenus sont supérieurs à $1 million par an. Cette augmentation, elle, est supposée générer $400 milliards de gains sur 10 ans et l’impôt sur les revenus d’entreprises passe de 21% (Trump) à 28% mais reste néanmoins bien inférieur au 35% avant l’élection de D. Trump. Cette dernière augmentation est supposée, quant à elle, générer $2100 milliards sur 10 ans.
Pourquoi ce plan de relance ? Selon Richard Wolff, un économiste marxiste, l’économie américaine se trouve dans une situation catastrophique où la dette nationale, mais aussi les dettes personnelles, des ménages et celles accumulées par les entreprises n’ont jamais été aussi élevées et pour cause, pendant cette année de pandémie, alors que les gens, les entreprises, bref, tout le monde ne savait où se tourner pour survivre, la Réserve Fédérale a activé la planche à billets et a réduit les taux d’intérêt. Bien évidemment, Wolff explique, rien ou très peu fut produit pendant cette année 2020 et très peu a été vendu étant donnée la situation de l’emploi et la croissance du chômage (douzaine de millions ou plus de chômeurs) pendant la pandémie. Tout cet argent produit par la Réserve Fédérale pendant la pandémie a été investi en bourse, avec l’achat de marchandises financières ; ce qui, bien sûr, a augmenté le prix d’actions et autres marchandises financières, à la grande satisfaction des 10% possédant 85% des actions sur le marché financier. En conséquence, les inégalités sociales n’ont fait que s’accroitre.
Face au déclin économique du pays, et suite à la crise de 2008 ainsi qu’en conséquence de la crise sanitaire, en plus de faire face, pour la première fois depuis plus de cinquante ans, à un compétiteur économique et idéologique chinois ; l’administration Biden-Harris n’avait vraiment aucun choix autre que d’introduire ce plan de relance emprunté, il faut le dire, aux quelques progressistes : Bernie Sanders, Alexandria Octavo-Cortes et compagnie.
Soudain, à la surprise de beaucoup, Biden parle comme un populiste de gauche au nom des travailleurs et de leurs familles ; mais selon Wolff, ces efforts médiatiques sont véritablement vides de sens. Le fait est que, dans le contexte pandémique, l’imposition sur les fortunes aurait dû se faire il y a bien longtemps car la question se pose aujourd’hui: comment le gouvernement va-t-il payer pour ces programmes sociaux et d’infrastructure ? N’oublions pas que les revenus issus de l’imposition sur les fortunes restent encore à venir et sont étalés sur les 10 ans qui viennent. Le gouvernement n’a donc d’autre solution aujourd’hui que d’emprunter.
Pendant l’année 2020, les plus riches ont vu leurs impôts réduits par D. Trump pendant une pandémie qui, par nécessité, aurait exigé une imposition plus importante afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire et économique mais de surcroit ces plus riches ont bénéficié de renflouements énormes de la part de la Réserve Fédérale (milliards de dollars destinés à renflouer Wall Street).
De plus, comme nous l’avons mentionné plus haut, l’impôt sur les revenus d’entreprises demeurent relativement faible (28%) par rapport à ce qu’ils étaient avant l’élection de D. Trump (35%). Le gouvernement va donc emprunter à ceux qui ont de l’argent, c’est-à-dire aux grandes entreprises et aux riches. Cela signifie que ceux-ci, au lieu d’être imposés par l’État, non seulement seront éventuellement remboursés mais ils recueilleront les intérêts sur ces prêts. Les riches et les grandes compagnies continueront de s’enrichir et le peuple, en attendant, devra payer des impôts pour rembourser les intérêts sur ces mêmes prêts. Cela évidemment en espérant que le gouvernement percevra les revenus des impôts sur les fortunes pour les 10 années à venir. Il nous est possible d’en douter. Depuis le décès de FDR et la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Wolff explique que les capitalistes et les oligarchies n’ont cessé d’effacer tous les gains issus du New Deal qui ont tant bénéficié aux travailleurs américains. Qui peut croire en toute sincérité que les réformes de ces plans de relance (comme celles du New Deal) ne seront pas abolies par les prochaines administrations ? Les capitalistes pourront-ils cesser d’être capitalistes ? Nous pouvons en douter.
Le fait est que comme d’habitude, le peuple paiera le prix de ce déclin économique et les grandes fortunes continueront de s’enrichir. Et comme d’habitude, les démocrates continueront de masquer les réalités de la crise du capitalisme avec un gant de velours prétendant au bienfait des classes populaires.
Le fait est que Biden, comme FDR à son époque, fait face à une crise inévitable d’un capitalisme aujourd’hui en déclin et le véritable objectif de ces plans de relance n’est pas tant de transformer le social et la situation économique du pays que de sauver le capitalisme de lui-même, de ses propres contradictions et limitations révélées à la lumière, si l’on peut dire, de la crise sanitaire du COVID-19. Si dérive vers « la gauche » il y a, c’est une dérive bien molle et certainement destinée à maintenir l’ordre capitaliste moribond plutôt que d’instituer une transformation sociale, économique et politique telle que des naïfs de gauche semblent le croire en France. C’est un compromis du capital qui veut assurer ses lendemains.
N’oublions pas que J. Biden a signé un budget militaire de $753 milliards, soit une augmentation de 1,7% sur le budget de D. Trump. L’impérialisme américain transcende l’exécutif et l’administration de J. Biden continue exactement dans la lignée des administrations précédentes avec une rhétorique de guerre froide agressive envers la Chine, la Russie et toute autre nation refusant de s’aligner et servir les intérêts américains. L’asservissement de l’administration Biden à Wall Street ainsi qu’au complexe militaro-industriel ne peut disparaître dans les mensonges de l’aile démocrate du parti Capitaliste, cette aile qui bat plutôt de son vide. De l’Afghanistan (privatisation de la guerre) à l’Ukraine en passant par Haïti, la Colombie et Cuba et tant d’autres, d’AFRICOM au Commandement Indopacifique en passant par l’OTAN, l’impérialisme américain persiste sans entrave et l’administration Biden-Harris, aussi corrompue que les administrations précédentes, est aujourd’hui son représentant en chef.
Ne serait-ce que pour ces dernières raisons, il semble absolument incompréhensible, pour ne pas dire honteux, que le secrétaire national du Parti Communiste Français et le chef de file de la France Insoumise puissent exprimer un enthousiasme si sonore vis-à-vis du président américain. J. Biden lui-même avait averti le peuple et le monde en affirmant avant les élections (2019) alors qu’il s’adressait à ses donateurs de fortunes à l’hôtel Carlyle à Manhattan, que si élu, « rien ne changerait fondamentalement ». Comment un soi-disant communiste et un insoumis peuvent-ils se faire porte-parole du capitalisme et de l’impérialisme américain ?