Lettre ouverte aux chercheurs protestataires de FLOREAL, billetiste du POLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE (PRCF), le 26 mai 2016, journée nationale de lutte pour le sauvetage du Code du Travail
Chers scientifiques protestataires,
Militants franchement communistes, trois raisons majeures font que nous soutenons votre récent appel à rejeter l’austérité budgétaire infligée à la Recherche :
· Une raison patriotique de fond : car en effet, un pays qui mégote sur sa Recherche, et notamment sur sa Recherche fondamentale, se suicide. Et il n’y a pas que dans ce domaine que la classe dominante « suicide » notre France dont l’industrie, l’agriculture, les services publics, la protection sociale, l’Education nationale, l’Université et la langue elle-même – sacrifiée au business-Globish – sont détruits sur l’autel de la « construction européenne » et au Pacte transatlantiques voués au tout-profit.
· Un choix philosophique existentiel : la science est indispensable à l’essor des « Lumières communes » qui sont au cœur de tout projet politique émancipateur ; ceux qui précarisent la Recherche ne peuvent favoriser à terme que… l’ignorance, le « retour du religieux » dans ses formes les plus archaïques, la remontée inquiétante de l’esprit magique, la prolifération des préjugés et la destruction de la laïcité, base de la liberté de conscience ;
· Un motif d’efficacité anticapitaliste : pour combattre le grand capital qui pille notre pays et pour résister à l’euro-austérité qui vous frappe aussi, comme tous les services publics*, il faut de toute urgence que tous les secteurs du monde du travail – dont les chercheurs sont partie intégrante – s’unissent dans l’action : ouvriers, employés, enseignants, étudiants, ingénieurs, chercheurs, mais aussi paysans et artisans, doivent agir « tous ensemble et en même temps », faute de quoi nous ne ferons pas le poids face aux euro-casseurs de notre pays. Il est absurde et inefficace que chaque secteur agressé par l’euro-austérité néolibérale appelle à la solidarité nationale… « chacun pour sa peau » et « successivement ». Vaincre ensemble ou perdre séparément, il n’y a pas d’autre choix pour le camp populaire dont, qu’ils le sachent ou pas, la masse des chercheurs fait partie.
C’est pourquoi, chers scientifiques protestataires, nous vous suggérons d’aller plus loin dans votre engagement salutaire pour sauver la recherche publique. La science ne pourra se sauver seule en ignorant l’immense mobiisation des travailleurs contre la casse du Code du travail, qui est commanditée par Bruxelles (circulaire Travail du 15 juillet 2015, qui frappe aussi la Belgique et l’Italie) et dont le but est la baisse du prétendu « coût » du travail (quand les accords se feront entreprise par entreprise, comme le veulent la CFDT et le MEDEF, ce sera rapidement la fin de la durée légale du travail, de la majoration des HS, la sous-enchère permanente sur les salaires et les conditions de travail…). Dans ces conditions, les chercheurs peuvent-ils presser le contribuable français, salarié dans 80 % des cas, de financer la science si en sens inverse, ils restent indifférent aux appels de la CLASSE OUVRIERE quand, matraquée de toutes parts, elle engage la lutte pour l’intérêt et pour la dignité de tout notre peuple ? Peut-on séparer le sort des jeunes doctorants de celui de millions de jeunes précarisés et sous-payés, qui sont mis dans l’incapacité de fonder une famille ?
Par ailleurs, il faut soulever une question subsidiaire. Il y a quelques années, certains d’entre vous dénonçaient à juste raison la précarisation des chercheurs en arborant – en plein cœur de Paris, capitale de la France et source de la Francophonie internationale – une étrange banderole ainsi rédigée : « ACADEMIC PRIDE ! ». Chers scientifiques protestataires, si vous voulez parler à notre peuple, obtenir son soutien chaleureux, isoler les gouvernants qui vous, et qui nous frappent sans pitié (austérité, précarité, insécurité…), ne faut-il pas – dans votre action et dans vos travaux, respecter un peu plus la langue française, « langue de la République » selon l’article II de la Constitution, « langue de l’enseignement et de la Recherche » au titre de la loi Toubon, unanimement votée par le Parlement en 1994 ? Rappelons que la France est devenue le foyer mondial des Lumières quand, au 17ème siècle, René Descartes a publié son Discours de la méthode (suivi de sa Géométrie, de sa Mécanique et de son Optique) en français – et non en latin ! – pour être compris de tout honnête homme et, ajoutait-il, de toute honnête femme ? N’est-il pas navrant que désormais, la majorité des travaux scientifiques français soient directement et illégalement publiés en anglais, souvent sans aucune version française disponible, si bien que – outre l’affront fait à notre langue et à son rayonnement international – ces publications, par nature difficiles à lire pour le commun des mortels, deviennent totalement inaccessibles au lecteur francophone qui pourtant, finance les recherches par le biais de l’impôt ? Ce choix linguistique SUICIDAIRE, qui selon certains chercheurs français de haut vol menace l’originalité et l’autonomie de notre recherche et fait d’elle un appendice de la recherche états-unienne, ne constitue-t-il pas un déni de démocratie et un manque de respect évident pour notre langue, pour le peuple français et pour les Francophones du monde entier ?
Ces questions légitimes étant posées, empressons-nous de dire qu’il s’agit là à nos yeux de ce que Mao nommait naguère les « contradictions au sein du peuple ».
Et que donc, nous soutenons votre protestation, tout en vous demandant AUSSI de réfléchir à nos questions. Dans l’intérêt bien compris de votre mouvement et du succès de nos RESISTANCES COMMUNES et du grand « tous ensemble et en même temps » qui germe dans notre vieux pays révolutionnaire.