Notre sœur la France, un poème de Yannis Ritsos
Notre sœur la France,
notre sœur bien-aimée la France,
nous t’écrivons rapidement deux mots sur le genou,
deux mots tout simples comme notre amour,
comme sont le pain, la lumière, le sel et notre cœur.
Tout simples. Cela ne nous irait pas devant toi de porter nos cravates,
nous avons chemise et poitrine déboutonnées,
nous avons notre orgueil déboutonné de haut en bas,
et notre rêve est déchiré, seul dans le vent,
et notre âme n’est pas rasée
de la barbe des partisans qui se sont retranchés,
à cheval sur la mort – en haut des rochers de la gloire.
Notre sœur, dans le sang nous te donnons la main,
pour te serrer la main ensanglantée.
Toi au moins, tu n’es pas une étrangère. Tu es la nôtre.
Et quand tes partisans libéraient ton Paris,
nous criions dans les rues: « Notre Paris est libéré! »
Des drapeaux plein le ciel, Athènes saluait
ton armée accrochant aux balcons l’espoir tricolore,
et sur les bancs de notre Kaissariani nous écrivions:
« Vive notre France libre! »
Et là-haut sur le Pinde et à Liakoura,
dans les fumées, les cliquetis, et dans la poudre, ces nuits
où le vent apportait les volutes enflammées et les cendres des villages qui brûlaient,
les partisans là-haut gravaient, dans le bois des chênes sauvages et dans la crosse de leurs fusils,
ton nom tout à côté de celui de la Liberté.
Toi au moins tu n’es pas une étrangère. Tu es la nôtre.