C’est à cette étrange injonction que renvoient les procédures de la fondation Courage qui est, comme on le sait, l’organisme chargé de récolter des fonds pour Wikileaks.
Créée en 2013, elle est elle-même une émanation de Wikileaks ou, plus précisément de la Wau Holland Stiftung, fondation allemande à l’origine des deux projets. Pour faire un don à la fondation Courage donc à Wikileaks, chacun peut le vérifier sur internet la procédure est simple :
– tapez sur google : « donate courage »-
en choisissant le premier lien, vous tombez sur le site de la fondation et de sa page « dons ». À la fin de la page cliquez sur :
« If you’d like to make a donation to the WikiLeaks official Legal Defence Fund, please follow this link » (cliquez sur « this link »)
– Le site vous renvoie alors à « defend wikileaks (run by courage) ».
– Cliquez sur « bank transfert worlwide » pour voir l’adresse de virement et vous tombez sur l’adresse suivante :
Bank: Chase Bank
Name of Account: COURAGE CORP
Account number: 000000938731689
BIC/Swift code: CHASUS33
Routing number (IBAN): 021000021
Subject / Reference: Courage Foundation
Bank Address: Chase Bank, 270 Park Avenue, New York, NY 10017, USA
Recipient address: Courage Foundation, 201 Varick St., P.O. Box #766, New York, NY 10014, USA
Première remarque : il y a de quoi s’étonner que les dons devant aider à la défense de Julian Assange soient récoltés sur le sol de l’État qui lui veut le plus de mal, en l’occurrence les USA.
Deuxième remarque : étrange que des défenseurs d’Assange, sans doute attachés plus que d’autres à la protection des lanceurs d’alerte et de leurs partisans choisissent un pays où le plus vraisemblable est que leur courrier et leurs dons seront des mieux contrôlés par les grandes oreilles de divers organismes.Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Lorsqu’on regarde quels autres organismes sont abrités au 201 Varick Street à New York, quartier de Manhattan, on trouve aussi le… Homeland Security Department,
Un organisme fondé par George W. Bush dans la foulée des attentats du 11 septembre.
Un bureau de poste étant aussi situé dans le même bâtiment, on peut imaginer que la fondation Courage est représentée par une simple boîte aux lettres, indépendante du « prestigieux » organisme qui siège à la même adresse.
Néanmoins, quelle organisation à la démarche hostile ou, du moins, critique envers l’impérialisme US trouverait seyant d’avoir sa boîte aux lettres à des endroits équivalents à, par exemple, la place Beauvau où se situe le ministère de l’Intérieur en France ?
Continuons.
Aujourd’hui, une manifestation importante vient d’avoir lieu à Bruxelles. Carta Academica, organisation regroupant plusieurs universitaires belges engagés, a remis au Palais des Académies à Bruxelles un Academic Honoris Causa aux lanceurs d’alerte Julian Assange, Chelsea Manning, Edward Snowden ainsi qu’à Sarah Harisson.
Cette dernière, sans doute la moins connue, était une proche collaboratrice d’Assange à Wikileaks, présentée par le Washington Post comme son ex-petite amie, et qui a joué un rôle clef dans le soutien à la démarche de Snowden et à son exil en Russie. Sarah Harisson aura donc reçu cette distinction, comme les autres, in absentia, étant donné que sa dernière apparition publique remonte, d’après nous, à décembre 2016. Des journalistes allemands nous ont assuré l’avoir vue en Allemagne.
Elle a fondé et aurait présidé la fondation Courage jusqu’en 2018. On espère très sincèrement pour elle qu’elle se porte bien et qu’elle va donner prochainement au moins des signes de vie. Si par chance elle réapparaît, on aimerait également pouvoir lui poser la question de la pertinence d’une pareille adresse pour envoyer des dons.
Personnellement, parmi les raisons de mon engagement dans la défense d’Assange il y a sa dénonciation courageuse des agissements de ce M. Soros et ses liens troubles avec Mme Clinton en 2016. Pour rappel, M. Soros se vantait lui-même sur CNN, en 2014, d’avoir contribué au coup d’État en Ukraine, coup d’État qui a amené au pouvoir la junte fasciste à Kiev, grave menace pour la paix mondiale. Après avoir dénoncé la main droite de l’impérialisme (guerre en Irak et en Afghanistan des néocons, les tortures, Guantanamo), Assange montrait ainsi, par ce beau geste en 2016, les autres turpitudes de sa main « gauche » (les guerres de Mme Clinton en Libye, en Ukraine). Il a montré ainsi toute sa mesure. Un sans faute.
Or le plus étrange est qu’Assange, dont on doute, vu son incapacité à s’exprimer lors des dernières audiences, qu’il ait toutes ses facultés pour contrôler sa défense, est visiblement toujours défendu, en grande partie, par des réseaux avec lesquels il avait pourtant choisi de rompre. J’entends ceux liés, peu ou prou, à l’Open Society de George Soros. Notamment le Center for Investigative Journalism financé principalement par l’Open Society (Soros) où siègent Joseph Farell (de Wikileaks) ainsi qu’Andy Müller-Maghun, personnage clef de la fondation Wau Holland, à l’origine du projet Wikileaks.
On savait déjà que la porte-parole de Julian Assange, Renata Avila, présidait une association (la Fundacion Ciudadania Inteligente) financée à la fois par l’Open Society et la National Endowment for Democracy, fondée par feu Ronald Reagan.
On connaissait déjà, par la journaliste Lucy Komissar, le paradoxe détonnant que les principaux cabinets d’avocats d’Assange sont impliqués dans la défense des intérêts US dans le monde (y compris l’affaire Browder-Magnitsky).
Désormais, certains nous disent que pour aider Wikileaks et la cause des lanceurs d’alerte, il faut envoyer nos dons… aux États-Unis.
Donc, pardon mais, au risque de passer pour un esprit chagrin et un infâme diviseur, je ne marche pas. Même si Julian Assange ne s’était pas rendu compte des dangers des incursions massives de Soros dans la vie d’États souverains, il faudrait certes le défendre au nom des principes du journalisme. Contre ceux qui l’attaquent. Mais je crains qu’il ne faille aussi défendre sa propre lucidité, dont il a fait preuve en 2016. Contre ceux qui prétendent le défendre.
J’attends, je l’avoue, sans impatience la sortie du livre de Branco sur Assange. Je m’attends aux poncifs habituels et aux discours convenus et répétés en boucle sur la défense nécessaire de la liberté d’expression. Le titre, à lui tout seul, me paraît déjà mauvais : « Assange l’anti-souverain ». On peut certes insister sur son aspect anar sympathique, irrespectueux de tout pouvoir. Et l’on n’aurait pas tort, cela fait partie du personnage. Mais il ne faut pas oublier que ce qui est mis à mal par cette persécution d’un journaliste et cette mascarade de défense qui l’entoure, c’est notre droit à tous de savoir ce qui se passe dans nos prétendues démocraties. Et d’y exercer de nouveau nos droits. Nos droits de peuple souverain.
Ce n’est pas Soros et ses partisans qui nous apporteront à coup de biftons et de réseautage leur vision bien spéciale de la démocratie. C’est à nous-mêmes de la reconquérir. C’est pourquoi nous voulons non seulement la libération d’Assange mais aussi que la vérité éclate sur toute cette affaire.
Aymeric Monville, auteur de « Julian Assange en danger de mort » , avec les éléments fournis par Monika Karbowska pour WikiJustice Julian Assange, 29 janvier 2020.