par J. Lariflette – Derrière « le syndrome Robinson Crusoé » et son pape Pierre Rhabi se cache d’autres enjeux tout à la fois idéologiques, politiques et aussi industriels, j’ai à l’esprit ce que l’Église européenne et ses évêques français s’évertuent à nous démontrer : « la voie vers l’écologie radieuse relève de la vertueuse Allemagne ». Il s’agit tout à la fois de croire aux vertus des « énergies renouvelables » et aux modèles qui en découlent dans différents domaines aussi variés par exemple que l’alimentation, l’énergie, l’automobile, l’agriculture et le traitement des déchets, voyons brièvement cela.
- Les options énergétiques d’un État, pour être modernes, pardon, efficientes, doivent décliner, comme le professe notre grand voisin : « transition énergétique » et subtil hochet « énergies renouvelables ». L’Allemagne décide d’abandonner ses centrales nucléaires, il lui faut donc, au plus vite trouver des ressources énergétiques alternatives, qu’elle trouve dans de vieilles gamelles avec l’usage renouvelé du charbon, grand pourvoyeur de gaz carbonique, et modernité assumée avec « les énergies renouvelables ». Pour paraphraser J.M. JANCOVICCI : l’humanité, qui vient de quitter avec l’ère des combustibles fossiles, celui des énergies renouvelables, devrait y retourner ! Soleil, vent et traction animale constituèrent durant de nombreux siècles l’essentielles de nos ressources énergétiques avec les faibles rendements que l’on connaît, il faudrait aujourd’hui, y retourner sous prétexte de modernité et de développement durable. Qu’il faille sortir de l’ère des combustibles fossiles est une évidence mais si c’est pour retourner sine die dans celui des « énergies renouvelables », alors un tel mouvement, relèverait, relève d’une simplification tout aussi outrancière qu’opportuniste.
- Outrancière parce que « les énergies renouvelables » les plus en vues, solaire et éolien sont des techniques encore bien immatures techniquement ! Non seulement parce qu’elles sont en termes de consommation environnementale (KW produit par tonnes de ciment, t de métaux, …, d’hectares de foncier consommées) excessivement dispendieuses mais aussi très peu efficaces tant que les possibilités de stockage de l’électricité restent très insuffisantes au regard des besoins objectifs. Opportuniste car on ne décide pas de choix aussi structurants que le sont les options énergétiques sur la base de fantasmes petits bourgeois.
Quelques éléments quantitatifs sur l’énergie qu’il est nécessaire d’envisager pour que le débat public ait un sens. Hâtons-nous de rendre la culture scientifique populaire. Ci-dessous des extraits du cours à l’école des mines de JM. JANCOVICI.
Mais alors pourquoi le machin européen valorise ces « énergies renouvelables » ?
Parce qu’il y a dans le domaine de l’argent à faire bien sûr ! Et là nous retrouvons notre Allemagne tout à la fois industrielle et vertueuse. L’Allemagne industrielle qui vend son savoir faire éolien et solaire au non d’une énergie décarbonée et dénucléarisée donc verte, qu’importe si, notamment les jours sans vent et sans soleil, elle n’a d’autres issues que de faire appel aux centrales à charbon ou/et aux centrales nucléaires de ses voisins. L’Allemagne vend non seulement son savoir faire mais aussi son savoir être, en l’occurrence son modèle environnemental que les européens sont sensés encensés. Pour beaucoup de nos concitoyens, EELV aidant, l’Allemagne est le Graal.
-Bon il y a bien l’automobile, les grosses cylindrées allemandes ne sont tout de même pas des parangons de développement durable, même avec leurs pots catalytiques dont on ne sait pas quoi faire. Qu’à cela ne tienne le pays de Merkel va, après avoir introduit des logiciels menteurs dans les habitacles, devenir l’avant-garde du véhicule électrique. L’exemple est typique de l’idéologie verte, on ne sait pas stocker de grandes quantités d’électricité mais qu’importe on trouvera. En attendant il convient de ne pas aller trop vite dans le domaine car on pourrait être condamné à ne rouler qu’en plein jour et à condition qu’il y ait du vent. Les techniques de stockage de l’électricité fussent elles résolues dans de merveilleuses batteries à venir, il restera à mettre à disposition de ces outils de l’énergie en l’occurrence de l’électricité et revoila le problème de la solution ! Que se passerai-t-il lorsque l’anticyclone centré sur l’Europe la privera de vent ?
-Alors PAC oblige, l’agriculture, un temps reconverti dans les années 80, nous promettait des carburants verts pour nos auto et camions ! Cette visée a heureusement perdu de sa prégnance et aujourd’hui l’agriculture se repense comme ce qu’elle a toujours été, notre garde-manger. N’empêche qu’outre Rhin, il a été tricoté une vision de l’agriculture en lien avec les choix énergétiques du pays, à savoir retrouver des gisements de production électrique pour remplacer le déficit due à la fermeture des centrales nucléaires. Alors l’agriculteur allemand tend à devenir électricien et charcutier. A l’occasion d’un voyage en autocar à Buchenwald, il nous est venu au retour de vouloir compter le nombre de bovins paissant dans les champs entre Weimar et Strasbourg. Nous en dénombrâmes 12 uniquement ! Comment se fait-il ?
– L’Allemagne a développé en campagne tout à la fois de gigantesques parc solaires, d’énormes essaims d’éoliennes et pour rajouter au bucolique, le pays a fait tomber les clôtures de ses pâtures. En effet ces clôtures sont désormais inutiles puisque les bovins sont cantonnés dans de gigantesques fermes qui produisent en stabulation ; laitage, viande et énergie. Les bonnets rouges bretons n’avaient d’évidence pas compris que les prix de leurs charcuteries ne pouvaient concurrencer la multitude de « fermes de milles vaches » parsemant la ruralité germanique. Ces fermes, aux fonctionnements totalement intégrés, produisent en interne grâce à des salariés sous-payés venant de l’Est, des produits carnés sans concurrence possible et cerise sur la bouse méthanisée, de l’électricité pour le réseau public.
–Le traitement des déchets est une autre déclinaison du modèle allemand et de ses choix énergétiques. L’Allemagne ayant fait le choix de ne pas recourir, sur son sol, à l’électricité d’origine nucléaire, il lui faut trouver d’autres gisements comme l’éolien et le solaire intermittents, le charbon, la méthanisation agricole et afin de faire feu de tout bois : le traitement des déchets est sollicité. Dans ce dernier domaine, il pourrait ne pas y avoir de discussions et seulement des options nationales différentes à solliciter, mais le fonctionnent de l’Europe ne participe pas de la diversité d’approches et de solutions.
-Schématiquement et pendant des années au conseil de l’Europe se sont opposé deux modèles de traitement desz déchets : l’un allemand et l’autre français. Dans nos ordures ménagères il y a quelques 50% de matières fermentescibles (reliques de repas, journaux, cartons, …) qui après extraction et traitement en usine peuvent comme les boues de stations d’épurations des eaux revenir apporter de la matière organique à nos sols de grandes cultures (Beauce, Brie, Champagne, …) si appauvris et donc dopés aux intrants issus de la carbochimie. En voici une boucle vertueuse ! et bien que nenni, actuellement l’Europe est en train d’interdire, à travers des directives inspirées par le modèle allemand et leurs relais associatifs (certains Verts, l’association Zéro Waste, …), le retour à la Terre des matières organiques constituants nos déchets. Pour aller à l’essentiel le modèle européen allemand fait alors, la part belle à la combustion des déchets ménagers afin d’en extraire l’énergie perdue par l’arrêt de leurs centrales nucléaires.
A travers ces domaines : l’énergie, l’automobile, l’agriculture et le traitement des déchets ménagers, il est bien sur évident que les choix techniques conditionnent l’empreinte environnementale de nos sociétés mais ces choix ne sont pas que techniques, ils sont aussi politiques dans la mesure où ils contribuent à structurer notre manière d’être collectivement. Ces éléments d’humeur énoncés, il est nécessaire pour réfléchir à l’environnement de manière conséquente, d’évoquer quelques éléments tels que l’entropie et les cycles biogéochimiques.
2.Il n’est d’écologie conséquente que soutenue par des connaissances scientifiques.
-L’économie circulaire que l’actualité politique et législative décline à toutes les sauces, relève d’une recherche d’efficacité dans l’utilisation des ressources. L’utilisation des rejets de certains secteurs comme ressources pour d’autres afin d’éviter des gaspillages ; or, en réduisant cette économie au recyclage, le capitalisme y conjugue un recours utile pour gommer les effets du tout-consommation qui lui est consubstantiel.
-Il ne s’agit pas de mettre fondamentalement en cause cette recherche d’efficacité dans l’utilisation des ressources, mais il convient d’aller au-delà et d’interroger cette notion d’économie circulaire dans une nouvelle perspective de développement.
-La thermodynamique et les équilibres biogéochimiques :
-L’économie de l’offre du capital a besoin de faire croire que les ressources n’ont pas ou peu de limites, et donc que l’accumulation capitaliste peut se poursuivre sans contraintes. L’idée que le recyclage permettrait d’utiliser en boucle les stocks de matières est, dans cette conception, bien utile aux forces dominantes, d’autant plus qu’elles font croire qu’il y a là une opportunité pour l’emploi.
-Mais à en rester là, c’est oublier les lois de la thermodynamique. Consommer une ressource, c’est casser son organisation atomique (exemple : le carbone du pétrole se transforme, notamment, en gaz carbonique dans l’atmosphère) ou disperser la matière. Parallèlement et intimement liée, une partie de l’énergie mobilisée pour extraire, produire et transformer la matière est dissipée sous forme de chaleur, dans un état d’agitation thermique souvent difficilement utilisable. Ces énoncés correspondent au deuxième principe de la thermodynamique et à la notion d’entropie. Il est bien sur possible de remettre en ordre utile les atomes, à condition de pouvoir mobiliser de l’énergie extérieure au « système Terre ». C’est par exemple, ce que la photosynthèse, autorise en utilisant l’énergie solaire, et c’est pourquoi le végétal est une traduction de néguentropie, de création d’ordre.
-Nos existences se déroulent dans un rapport permanent entre deux processus contraires dont le résultat s’exprime dans l’état des cycles biogéochimiques reflétant les tensions de flux et de stocks d’une substance matérielle.
– Actuellement le mode de production industrielle et agricole est basé sur un recours massif aux énergies fossiles carbonées, et c’est ce recours massif qui perturbe les cycles biogéochimiques du carbone et de l’azote. Ces cycles sont primordiaux pour la vie sur Terre, même s’ils ne sont pas les seuls. Le climat, les sols, l’eau, et donc la biodiversité, sont impactés. Il ne s’agit pas de réinterroger que les seules énergies fossiles carbonées mais l’ensemble du modèle économique capitaliste qui est définitivement insoutenable. Le maintien en équilibre et la maîtrise des fluctuations, ou homéostasie, – des principaux cycles biogéochimiques posent objectivement la notion de limite dynamique des ressources, le qualificatif « dynamique » induit que l’intelligence et la créativité humaines peuvent et doivent contribuer à développer les potentiels utilisables. Schématiquement le flux de carbone anthropique et entropique rejeté dans l’atmosphère devrait tendre vers le flux de carbone fixé par photosynthèse et ajouté à celui que les océans peuvent dissoudre.
-Les conceptions doivent être politiques :
–La véritable économie circulaire ne peut être que politique. Actuellement elle ne peut pas faire l’économie d’un recours massif aux énergies nucléaires. Pas pour affirmer, effacer la notion de limite des ressources, mais pour libérer l’évolution des forces productives entravées par le capitalisme, tel est l’enjeu de la satisfaction des besoins des bientôt 10 milliards d’hommes. Les cycles biogéochimiques doivent être entendus comme des communs du développement humain. Ce sera un statut politique à définir, dont le respect sera posé et imposé dans ses dimensions naturelles et sociales et cela dans une vision socialiste en co-construction. La conception circulaire de l’économie de l’énergie et des ressources sera alors réalisée dans toute son ampleur.
-Dans cette approche, l’agronomie sera la science du paysan. Le végétal prendra toute sa place stratégique important mais non exclusive. Ce sera un puits de néguentropie. Le recours massif aux intrants de synthèse tendra à dépérir et l’usage des phytosanitaires sera précautionneux, limité aux besoins de la sécurité alimentaire, autorisé après mise en œuvre d’outils préventifs d’agricultures écologiquement intensives. La pédologie sera la science opérationnelle et le court-circuit du productivisme. Prendre conscience de cette nécessité est un pas vers la construction du socialisme.
-Aucune solution technique ne pourra s’imposer sans que soit en parallèle abandonnée la logique de la production capitaliste. Aucun changement de paradigme en agriculture, sans souveraineté alimentaire, sans juste rémunération des producteurs, et sans rupture avec un productivisme mortifère, trois conditions parfaitement antinomiques des postulats du capitalisme actuel.
-Les ressources doivent être mises au regard des besoins : chauffage, fourniture de fertilisants, carburants, alimentation, valorisations industrielles. Le modèle de développement doit être renversé et dans ce cadre, la notion d’économie circulaire doit prendre toute sa place dans une vision de transformation sociale. Le consumérisme verdi du capital ne peut assumer une économie circulaire. Les territoires quelques soient leur densité de population doivent favoriser les usages au plus près de leur source d’approvisionnement et de fabrication. Le triplet ville-agriculture-industrie doit faire système et cela à condition d’être construit selon le principe de planification. À l’opposé des effacements et dilutions de pouvoir et de maitrise par « la métropolisation » (Loi Notre), le territoire retrouvera avec cette logique d’économie circulaire un avenir durable.
-Il n’y a aucun déterminisme technologique. L’économie circulaire est une des logique d’aménagement lorsque l’enjeu politique majeur réside dans la conquête de la maîtrise sociale de l’économie pour bien vivre en respectant le travail et l’environnement. Nous vivons avec une organisation des rapports sociaux et productifs objectivement destructrice de l’homme et de la nature. Rescapée de cette époque, l’idée de planification reste une idée vive : mais elle est aujourd’hui tout simplement en contradiction totale avec le capitalisme : nous n’avons pas d’autre choix que d’en sortir, le plus tôt sera le mieux.
A travers ces propos il faut mettre en évidence ce qui nous distingue…
-Le développement tel qu’il est conduit actuellement ignore les « limites intérieures et extérieures de la satisfaction des besoins humains ».
—Il faut tout à la fois mettre en évidence la perturbation des cycles biogéochimiques (carbone, azote, …) par les activités humaines et organiser la sortie de l’ère des combustibles fossiles,
–Il faut éviter le catastrophisme, et dénoncer les démarches de récupération, d’instrumentalisation et de culpabilisation de la population,
–Il faut démontrer la nécessité d’une nouvelle logique correspondant à la satisfaction des besoins humains, supposant tout à la fois le développement des forces productives et l’abandon des rapports de production capitalistes.
-En termes d’échiquier politique, plusieurs courants prospèrent en référence à l’environnement. Il y a les intégristes de l’écologisme, pour lesquels la question du capitalisme n’a plus lieu d’être posée, au bénéfice d’une contestation générale du développement. Dans leurs discours on constate l’absence de toute référence aux « rapports de classe », et au capitalisme. Les courants libéraux de l’écologisme affichent, entre refus et récupération, un optimisme sans cesse renouvelé dans l’avenir du capitalisme. S’ils constatent quelques excès à la marge, des solutions techniques adaptées (« innovations » et solutions d’ingénieurs) permettront la poursuite de l’accumulation en verdissement les démarches et enseignes. C’est le capitalisme vert. Autre production idéologique : ce n’est pas le capitalisme, qui est en cause mais « l’ubris technologique » : l’industrie, la science, voire le progrès. Dans le domaine de l’environnement, il convient d’être attentifs à l’influence que ces idées, véhiculées par les médias et les bons sentiments, en effet elles peuvent avoir de l’influence sur nos approches, notamment sur le terrain de la lutte quotidienne. Ni catastrophe, ni désespérance mais une démarche communiste résolument concrète et transformatrice, sachant éviter les victoires à moindre coût en faisant l’économie des luttes, ou en négligeant leur caractère à la fois pratique, idéologique et politique.
-Pour conclure revenons à Karl Marx dans sa célèbre préface à la contribution de la critique de l’Économie politique.
“À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’ils étaient ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel – qu’on peut constater d’une manière scientifiquement rigoureuse – des conditions de production économiques et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout. “
Karl Marx
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