Parlant devant les hiérarques religieux du pays et violant de ce fait la LOI (« la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte », art. II de la Loi de séparation de 1905, qui participe du « bloc de constitutionnalité »), l’homme qui se dit président de tous les Français (riches et réactionnaires de préférence…) vient de tancer publiquement ceux qu’il nomme les « radicalisés de la laïcité ».
Notons d’abord que ce vocabulaire est indécent alors que le pays commémore les attentats fanatiques contre Charlie-Hebdo et contre un magasin juif de la RP. Que l’on sache, la laïcité n’a jamais tué personne ; au contraire, la séparation laïque de l’Etat et de toutes les Églises a permis à notre pays, en donnant une forme enfin conséquente au souci de tolérance porté par l’Édit de Nantes, de connaître plus d’un siècle de paix civile en transférant les affiliations religieuses (ou irréligieuses) dans la sphère privée. Et ce sont au contraire les CLÉRICAUX de toutes les religions (en entendant par ce mot, non pas les croyants qui respectent le principe « l’État chez lui, les Églises chez elles », mais ceux qui veulent que leurs dogmes privés régissent la vie commune) qui n’ont cessé, depuis des décennies, de semer la mort en France et dans le monde entier. Employer contre les défenseurs conséquents de la laïcité le même mot, « radicalisation », que celui qui vise ordinairement les fanatiques religieux, c’est donc – et je pèse mes mots – une ignominie, tant par rapport à ce que sont les militants laïques défenseurs de la pensée libre, que par rapport aux victimes des frères Kouachi, de M. Merah et de leurs monstrueux émules.
Pis encore, il faut voir les propos du chef de l’État comme un ballon d’essai. Conformément à la méthode thatchérienne chère à Macron (qui, comme Sarkozy, « percute » l’auditoire avec des propos arrogants pour caler le débat sur les positions réactionnaires les plus radicales…), on peut s’attendre à ce que l’insulte anti-laïque proférée par Macron n’ait d’autre but que de préparer un « toilettage », en réalité, un reniement, de la loi de séparation. En lieu et place d’une laïcité claire et nette, fondée sur le respect du droit séparant le religieux du politique, on aurait la prétendue « laïcité ouverte » : c’est-à-dire le « dialogue avec les religions » tel qu’il se pratique chez nos sacro-saints « voisins européens », de l’Allemagne, où un parti clérical, l’Union chrétienne-démocrate, est au pouvoir, à la Grande-Bretagne, où la Reine est aussi le chef de l’Église anglicane, en passant par l’Italie, où les crucifix continuent d’orner les tribunaux.
Sauf que le peuple français a voté et qu’en 2005, il a refusé la Constitution européenne qui instituait ce « dialogue avec les Églises », qui officialisait le drapeau européen (grossièrement clérical puisqu’il symbolise le drap marial orné des douze étoiles apostoliques), l’Ode à la Joie (Schiller évoque bel et bien Dieu dans le prétendu « hymne européen » cher à Macron). Et même Sarkozy, qui avec l’appoint du PS avait violé le vote des Français en faisant passer par la voie parlementaire le Traité de Lisbonne substitutif à feu l’euro-constitution, avait alors reculé sur la question de l’hymne et du drapeau européens que Sir Emmanuel a rétablis depuis en s’asseyant sur le vote des Français.
Sauf que dans les sondages les plus récents, 50% des Français, et une proportion écrasante de jeunes, se disent « sans religion » et qu’une large majorité d’entre eux, croyants compris, en a assez que les dirigeants politiques eurocrates et les hiérarques religieux archi-minoritaires dans le pays continuent de polluer la vie publique avec ces questions pour mieux faire diversion à la casse de l’emploi, du social et de la souveraineté nationale.
Les propos de Macron sont d’autant plus redoutables que la « sherpa » de Macron en matière de laïcité, la « sociologue » Dominique Schnapper, chargée par Macron de présider un « conseil des sages de la laïcité à l’Éducation nationale », vient d’expliquer sur France-Info que « séparation de l’État et des Églises » signifiait en réalité « dialogue » avec les religions. Grossière violation de la loi, car comment peut-on « dialoguer » avec une religion, que la loi fait obligation à l’État de « ne pas reconnaître » ? Bref, avec Macron, soutenu sur ce point par un arc clérical qui va de Le Pen à Valls en passant par Collomb et Wauquiez, « ça craint » pour la loi de séparation que portèrent ensemble en 1905 Briand, Clémenceau et Jaurès. On apprend du reste que chemin faisant, Macron va bientôt se rendre à Rome pour recevoir, comme l’avait fait Sarkozy, le titre dérisoire de « chanoine du Latran », jadis dévolu ès qualités aux rois de France, à l’époque où celle-ci se disait « fille aînée de l’Église »…
Ainsi va la macronie : déni de l’État de droit et de la loi, fait du prince (car le président est censé protéger la constitution et faire exécuter la loi, non la contourner ou la violer), sur fond de coup d’État ANTIsocial permanent. Et la laïcité et ce n’est pas le seul domaine de ces violations du droit constitutionnel puisqu’en matière de Francophonie, Macron n’a cessé de contourner l’article II de la Constitution (« la langue de la République est le français ») et la loi Toubon d’août 1994, le dernier exemple en date étant le « One planet’s Summit » organisé par Macron à Paris, après que Cazeneuve et Hidalgo aient cautionné l’affichage sur la Tour Eiffel du ridicule slogan olympique « Made for sharing ». Ne parlons pas des innombrables références de Macron à la « souveraineté européenne » alors que la Constitution, si malaxée qu’elle soit par l’allégeance de notre étrange « parlement » aux directives européennes, ne connaît que la souveraineté de la nation.
Bref, il faut être de la dernière naïveté pour voir en Macron un président ordinaire, sinon « normal » : à l’heure de l’euro-dissolution, planifiée par le MEDEF, de la République française, censément « sociale, souveraine, laïque, indivisible et démocratique » (au titre de la constitution) dans l’acide de la « construction » euro-atlantique, le monarque présidentiel installé à coup de milliards par l’oligarchie médiatico-financière hexagonale et mondiale n’est plus là pour exécuter la loi mais bien pour exécuter… son pays.
Faudra-t-il s’étonner alors si, devant ce coup d’État permanent dont les salariés victimes des récentes ordonnances paient déjà le prix chez PSA, les gens de « rien », « paresseux », « fainéants », « extrêmes » et « jaloux » de la France d’en bas, finissent par se souvenir du préambule de la Constitution républicaine de l’An I, qui disposait que « lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour toute portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » ?
Avis à la gauche politico-syndicale établie qui, avec un bel ensemble, nous a appelés à voter Macron en mai dernier, légitimant ainsi ce personnage liberticide alors présenté comme un rempart vivant à la fascisation…