EN SORTIR POUR MIEUX Y RESTER ? – Par Floréal, PRCF. 19.09.2020
Le député insoumis E. Coquerelle (qu’on a connu mieux inspiré…) a récemment déclaré que la France doit tout à la fois rester dans l’UE et… sortir des traités européens.
Fabien Roussel, du PCF-PGE, venait lui aussi de critiquer durement l’UE (qui veut parier qu’elle va devenir de plus en plus indéfendable?); mais le secrétaire national du PCF-PGE s’est bien gardé de dire dans la foulée qu’il faudrait sortir au plus tôt de l’UE si l’on ne veut pas… « y rester », à tous les sens que comporte cette expression. Et pour cause: si le PCF appelait franchement à sortir de l’UE, comme le ferait un parti révolutionnaire, il lui faudrait aussitôt quitter le Parti de la Gauche Européenne (PGE), un parti supranational que Pierre Laurent, président du Conseil national du PCF, a longtemps présidé. Car ce n’est un secret pour personne, Bruxelles cesserait du jour au lendemain de subventionner le PGE (et par son entremise, les partis nationaux qui le composent?) si ce « parti européen » et ses filiales nationales commettaient l’imprudence… financière de remettre en cause frontalement la sacro-sainte UE.
Notons que c’est cette imprudence que commet en permanence le PRCF depuis sa fondation (2004) en appelant au Frexit progressiste, mais faut-il vraiment préciser que notre organisation franchement communiste et 100% anti-UE n’est pas près de recevoir des subventions de l’État français, et encore moins, de l’Empire européen…
Cependant, au PRCF, nous applaudirons toujours sportivement toute critique progressiste un peu dure de l’UE, surtout quand elle émanera de dirigeants de gauche dont certains ont voté Oui à Maastricht et dont d’autres nous expliquent depuis cinq lustres que la « construction européenne » est en soi une bonne chose, voire le comble de l’ « internationalisme »: selon eux, il conviendrait seulement de « réorienter dans un sens progressiste » l’euro (ce clone austéritaire du Mark) et la BCE, ce gendarme du capital financier. « Ré-orientons » aussi, tant que nous y sommes, l’OTAN, dont feu Enrico Berlinguer, père de l’ « eurocommunisme », nous expliquait jadis sans rire – il riait d’ailleurs fort peu! – que la présence de l’Italie dans Alliance atlantique constituerait une « garantie » démocratique pour le futur socialisme transalpin !!!
Toutefois, sauf dans le cas un peu atypique de l’Immaculée Conception, des générations d’anatomistes et la logique la plus élémentaire s’additionnent pour nous certifier qu’une femme ne peut être à la fois vierge et enceinte, qu’une porte ouverte est rarement fermée et qu’en conséquence on voit mal comment on pourrait demeurer dans l’UE tout en quittant les traités qui lui confèrent l’existence. Car concrètement, l’UE n’est pas autre chose que la construction juridico-politique que définissent lesdits traités (notamment l’article qui dispose de manière totalitaire que l’UE est une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée »: ce qui prohibe d’avance, faut-il le dire, toute espèce de socialisme, fût-il rosâtrement « keynésien »…).
Bref, ceux qui disent qu’ils sortiront des traités européens mais qu’ils resteront dans l’UE ressemblent à un « géomètre » qui viendrait nous dire qu’il adore les cercles, mais qu’il ne peut pas « blairer » les figures dont tous les points de circonférence sont équidistants d’un même point nommé centre… À moins qu’on ne compare ces acrobates de la logique aux ténors d’opéra qui chantent sur scène à s’en faire péter la glotte: « Parrrrrtons, parrrrrrtons »… tout en restant sur place! D’autres, à l’extrême gauche, voire dans certains milieux « marxistes-léninistes », pratiquent en virtuoses cette géométrie d’un nouveau type qui se meut dans un espace autorisant la téléportation quantique des grosses bêtes : ces hyper-révolutionnaires qui ne s’abaisseraient jamais à sortir de chez eux avant d’avoir grandiosement quitté leur ville (commencer par le commencement serait pour eux de l’ « étapisme », voire du « réformisme »: Fi donc!) nous expliquent ainsi en substance qu’il suffit tout simplement de « sortir du capitalisme » (comment n’y avions-nous pas pensé les premiers?); car en sortant dudit capitalisme par la révolution, l’insurrection générale et la dictature du prolétariat, on sera sorti du même coup, presque à son insu, de l’UE et de l’euro (ainsi, pas besoin de lutte spécifique contre ces dispositifs mortifères du capital, nul besoin de construire un front patriotique et populaire pour le Frexit progressiste afin d’isoler l’oligarchie et de préparer DANS LA PRATIQUE, pas seulement dans les mots, la révolution socialiste). Car c’est en effet limpide: si je veux sortir de chez moi, tous les potes d’extraterrestres vous le diront, je n’ai qu’à quitter la Terre et hop, j’aurai quitté mon domicile ipso facto, comme le premier ectoplasme venu, sans même avoir ouvert la porte! Tout cela n’est pas sans rappeler les Shadoks de notre enfance: ces braves animaux pensaient eux aussi que le plus « économique » pour quitter leur planète déglinguée, ce serait de mettre d’abord leur satellite sur orbite: ainsi, ils économiseraient les trois premiers étages de la fusée ainsi que le carburant nécessaire à leur décollage… Convenons que ce serait en effet plus économique, comme de faire tirer le tracteur par la charrue ou comme de brandir une bonne vieille baguette magique… En Angleterre, l’opposition a coutume de mettre en place un « shadow cabinet », un « cabinet-fantôme »: ainsi se prépare-t-elle à l’ « alternance ». En France, apparemment, un « Shadok Cabinet » suffirait peut-être à notre gauche indécrottablement « euro-constructive »…