Jeune architecte à une époque où fort peu de femmes l’étaient, femme libre d’une rare droiture de tenue et d’esprit, Simone Nicolo-Vachon entra dans la Résistance aux côtés de son ami Libertaire Rutigliano, mort à l’ennemi, dont par la suite elle ne cessa de défendre la mémoire niée.
Ardente militante du PCF, puis de la Renaissance communiste, elle anima cent luttes politiques et idéologiques dans la Région de Nantes, sortant avec ses camarades prolétaires des centaines de numéros du « Citoyen d’Orvault ».
Engagée avec son mari André Pipard dans la « défense du droit à mourir dans la dignité », elle mit ses actes en accord avec ses idées quand, très âgée, elle apprit qu’elle était atteinte d’une maladie incurable, mortelle et très invalidante.
Refusant les dérives déshonorantes du PCF mutant, elle avait participé à la fondation du Pôle de Renaissance Communiste en France et était devenue membre de son comité de parrainage aux côtés de Georges Hage, doyen de l’Assemblée nationale et figure de proue du syndicalisme enseignant, de Nelly Dubois, ancien agent de liaison FTP en zone Sud, de Léon Landini, l’ancien officier FTP-MOI de Carmagnole-Liberté, de Pierre Pranchère, ancien député et maquisard corrézien, d’Henri Alleg, l’immortel auteur anticolonialiste de « La question », de Jeanne Colette, officier de la Légion d’honneur à titre militaire pour ses faits de Résistance en zone interdite, et de vingt autres figures du mouvement ouvrier et patriotique. Pardon de ne pouvoir les citer tous.
Cette Bretonne n’avait rien pour plaire aux bourgeois bohèmes : rouge de France et « bleue de Bretagne », elle défendait la République une, laïque, sociale et indivisible et son amour de la culture bretonne ne l’empêchait nullement de défendre la langue française, de fustiger le tout-anglais et de polémiquer durement avec l’euro-séparatisme breton dans les colonnes d’Ouest-France.
Sa connaissance des philosophes rationalistes ne l’empêchait nullement de lire avec passion Alexandra David-Neel – une autre figure méconnue de l’émancipation féminine – et de s’intéresser de près à la culture bouddhiste, qu’elle distinguait de la religion officielle et dont elle pointait de surprenants aspects pré-dialectiques.
Pas plus que Maria Delvaux, grande Résistante lensoise, agent de liaison pendant la guerre entre l’Internationale communiste basée à Bruxelles et le PCF clandestin du Nord, trésorière infatigable de la section de Lens, passionnément engagée aux côtés de la corporation minière, puis militante de la Coordination communiste du PCF, et qui n’a même pas un nom de rue à Lens, pas plus que la très modeste militante chti Julie Dewintre qui, comme Maria, prit mille risques sous l’Occupation pour notre liberté, notre Simone n’a la moindre chance d’avoir les honneurs de la grande presse. Encore moins d’entrer jamais dans ce Panthéon où les femmes sont si rares et où les communistes, hommes ou femmes, sont totalement frappés d’exclusion. Pour ne parler que d’elles, évoquons Martha Desrumeaux, la grande dirigeante communiste qui fut une figure centrale de la Grève patriotique des mineurs du Nord en mai-juin 41, Marie-Claude Vaillant-Couturier, déportée-résistante qui foudroya les nazis à Nuremberg ou Elsa Triolet, l’éminente romancière franco-russe qui fit le choix de notre langue et qui, clandestinement, anima avec Louis Aragon et Claude Morgan la bataille pour « Les Lettres françaises » en risquant cent fois sa vie.
Que voulez-vous, ces femmes communistes n’étaient pas ultralibérales, européistes, atlantistes, acharnées à détruire les acquis sociaux ; en un mot, elles ne servaient pas la classe capitaliste, ennemie de la nation, elles la combattaient, et cela ne se pardonne pas, y compris post mortem. Modestement, nos rouges camarades faisaient leur devoir de militantes, de patriotes et de citoyennes en défendant leur classe, celle des travailleurs, leur pays, celui de Jeanne d’Arc, de Louise Labé, de Louise Michel, de Flora Tristan et de Jeanne Labourbe ; sans les opposer, elles défendaient et promouvaient PAR LEUR VIE, leur sexe si longtemps rabaissé, et toute l’humanité, qu’elles invitaient par l’exemple à devenir enfin digne de s’écrire avec une majuscule, comme y invitait Jaurès.
Notre Simone et ses camarades n’entreront donc pas au Panthéon de MM. Sarkozy, l’homme qui a explosé la Libye, Hollande, qui a défait, sinon la finance, du moins le Code du travail, et d’Emmanuel Macron, qui se flatte d’instituer la « souveraineté européenne », ce cache-sexe de la nouvelle Europe berlinoise.
Dans cet étrange panthéon cher à la bourgeoisie, il n’y a pas place non plus pour l’incorruptible fondateur de la République française, Maximilien Robespierre, que la bourgeoisie thermidorienne a privé successivement de procès et de sépulture. Du Panthéon initialement républicain et Sans Culottes, la même bourgeoisie thermidorienne, amatrice de « pactes girondins », a même retiré le corps de Marat, qui fut le « premier de Corday », la meurtrière préférée de tous les réactionnaires : le corps de Marat, chef de file des Sans Culottes fut alors, dit-on, « jeté à l’égout ». Mais il y a de ces exclusions qui valent tous les hommages…
Alors Simone amie, pour pasticher Brassens, laisse-moi pour finir te dire ceci en pastichant un refrain de Brassens :
« Dans nos cœurs, chère amie de l’émancipation, / Il fait ma foi / Beaucoup moins froid / Qu’au Panthéon ».
Georges Gastaud,
fils de feu le Résistant Raymond Gastaud, décoré par la France, les Etats-Unis et la Pologne populaire, et dont toujours rien ne rappelle le nom sur les murs de sa ville natale.