Avec l’appui peu discret d’un pape « progressiste » (que serait-ce s’il était réac ?), la droite « catholique » redescend dans la rue pour « défendre la famille » contre le fantôme de Christiane Taubira, pour dénoncer la GPA (qui n’est à l’ordre du jour d’aucune assemblée parlementaire…) et pour pourfendre la fantasmatique « théorie du genre » diffusée par de méchants profs laïques…
Et certes, « la famille » aurait grand besoin d’être défendue à l’heure actuelle : oh, certes pas les familles nanties, plus privilégiées, plus stables et pour tout dire, plus dynastiques que jamais !
S’il y a en revanche une famille et des enfants qu’il serait urgent de défendre, c’est bien la famille … populaire, de plus en plus chahutée par les tempêtes sociales et « sociétales » soufflées par la crise du capitalisme mondialisé et par son principal « conducteur » en France, la destructive « construction » européenne.
Car les familles populaires vivent de plus en plus dangereusement avec la précarisation galopante des salariés, notamment avec celle des jeunes qui s’installent, qui se logent et qui font des enfants de plus en plus tard, avec l’arasement des statuts protecteurs et des CDI que programment les LR thatchériens, sans oublier la casse du Code du travail et des conventions collectives qu’a engagée Hollande.
Magnifique perspective aussi pour les familles populaires que le report de la retraite à 65 ans (pendant que les jeunes chômeront, les vieux trimeront, suceront des clous aux minima sociaux… ou décèderont prématurément !).
Très « familial » aussi le démontage des services publics, notamment des maternités et des hôpitaux de proximité, la crise énorme de l’Education nationale, le recul du pouvoir d’achat populaire, le mal-logement croissant, les délocalisations, les privatisations, la sous-traitance, le climat constamment tendu à l’entreprise, les soucis accablants pour les familles paysannes et toutes les autres bricoles (« bricoles » aux yeux des bourgeois !) qui pourrissent la vie des couples d’ouvriers, d’employés et de petits fonctionnaires et qui installent les gosses dans un l’insécurité dès leur plus jeune âge.
D’ailleurs, il n’y a qu’à voir où en est la famille « chrétienne » aux USA où la gauche, même la plus pâle, n’a jamais été au pouvoir, pour mesurer l’hypocrisie de ces manifs réacs qui culpabilisent les familles « hors norme » alors même que c’est la course au profit, l’euro-austérité, l’ « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence libre et non faussée » chère à l’UE qui sapent au quotidien les bases matérielles de la stabilité des relations amoureuses, familiales, filiales ou parentales !
Il est vrai que Mme Parisot, l’ex-patronne du MEDEF, a osé déclaré naguère : « la vie est précaire, l’amour est précaire, la santé est précaire, pourquoi le travail ne serait-il pas lui aussi précaire »… Comme si la réalité, du moins pour les milieux populaires, n’était pas l’inverse : santé, amours, vie précarisées parce que travail, études des enfants, services publics, remboursements des soins, précarisés par l’offensive thatchérienne permanente des oligarques
Sans doute les familles de l’oligarchie capitaliste, – ou plutôt, des dynasties (hyper-stables, elles : « touchez pas au sac d’écus ! »)–, où l’on se transmet de père en fils les privilèges financiers, culturels, professionnels, territoriaux, politiques, les « pistons » et les « bonnes adresses », comme l’ont montré les travaux très documentés de Monique et Michel Pinçon-Charlot. Dans ces conditions, on comprend que les problèmes « sociétaux » soient désormais les seuls dignes de l’attention des nantis de la droite « tradi » et de la gauche bobo : et c’est d’ailleurs de ces « problèmes » que traitent 95% des films, des romans, des séries télévisées dont sont gavées la jeunesse et les classes populaires.
Cela ne signifie pas que ces problèmes « sociétaux » n’existent pas. La société change, les communistes sont attentifs à son évolution et leur philosophie humaniste les pousse à condamner la GPA en tant qu’elle tend à marchandiser le corps des femmes pauvres à l’avantage des couples riches, donc à légaliser dans son principe la vente des bébés en officialisant le marché de l’humain qui est au principe de l’esclavage.
Mais soyons clairs : dans les conditions présentes et dans un pays comme le nôtre, cette question est encore EPSILON par rapport aux problèmes sociaux écrasants, récurrents, quotidiens qui empoisonnent la vie de millions de concitoyens qui travaillent dur, gagnent des clopinettes, sont précocement éjectés du « marché du travail » ou ne parviennent à y entrer que fort tard : donc retardent le moment de se soigner, voient le climat familial se détériorer, sont ballotés en tous sens, sont mutés à des centaines de kilomètres les uns des autres, survivent dans des quartiers dégradés, parfois gangrénés par les trafics et par le boucan permanent…
Quand il ne se réveillent en sursaut la nuit en se demandant ce qu’il leur arrivera à eux, ou à leurs vieux parents, s’ils deviennent dépendants et qu’ils ont besoin d’une maison de retraite au coût souvent exorbitant…
Alors, oui, Hollande et la droite nous AMUSENT tout en nous préparant THATCHER, c’est-à-dire la mise à mort des acquis de 45 gagnés au prix du sang, quand ils s’affrontent à coups de fantasmagories sur la « théorie du genre », alors que tant de couples, de familles et d’ENFANTS rament à contre-courant dans une la très glauque REALITE.
Le pape a sans doute tort au sujet des manuels scolaires (en fait je n’en sais rien). Il n’empêche que la théorie du genre existe, qu’elle est un outil dans la déstructuration des sociétés et une arme extrêmement efficace contre le marxisme. Je suis surpris que vous ne le voyiez pas. Elle empêche tout débat sérieux sur les rapports sociaux et en particulier sur l’intrication du rapport social de sexe et des rapports sociaux de production (rapports sociaux fondamentaux présents dans toutes les sociétés à toutes les époques). Elle leur substitue l’idée de « genre » qui introduit des différences qu’on peut décliner à l’infini sans même avoir à s’interroger sur leur place dans les rapports sociaux.
J’ai tenté de développer tout cela dans mon blog à partir du marxisme, malheureusement sans le moindre écho. Je tente encore une fois ici d’être entendu car le marxisme doit s’emparer de cette question philosophiquement. On ne peut pas en rester à des prises de position politiques dictées par un humanisme vague et sympathique.
Je vous invite à prendre le temps de lire ce que j’ai produit sur mon blog sous la rubrique « genre ». C’est un peu long mais on ne peut pas traiter d’un débat idéologique de fond en quelques phrases. Ce blog est sur wordpress : lemoine001.com
A lire sur la question :
https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/quelques-reflexions-preliminaires-les-questions-societales-g-gastaud/
Dans votre texte « l’attribution de pleins droits matrimoniaux aux couples homos » est déclarée d’emblée « difficilement discutable ». Il est affirmé que la théorie du genre « est foncièrement idéaliste, voire immatérialiste, et qu’elle part d’une conception faussée des rapports entre nature et culture et plus encore, d’une conception néolibérale de la liberté humaine » mais il ne lui est rien opposé. Ce qui est longuement développé c’est le cadre général dans lequel cette théorie est apparue et s’est épanouie. Le texte fait une critique pertinente du caractère « passablement délirant » de la négation de la différence des sexes sans lui opposer une lecture théorique de cette différence.Il l’affirme mais ne dit pas comment la penser dans le cadre du marxisme. Il passe trop vite aux questions de filiation et procréation. Quant à moi, je me suis efforcé de démonter les mécanismes de « glissement idéologique » mis en œuvre dans les constructions idéologiques utilisées.
Or, c’est toutes ces questions éludées que j’ai voulu traiter car il me semble que faute d’avoir été pensées, elles n’ont pas permis aux marxistes d’intervenir dans le débat (ou plutôt le non débat) autour du mariage homosexuel et de faire valoir la supériorité de leur philosophie. Je me suis appuyé principalement sur le concept de « rapports sociaux » enrichi par l’apport de Danièle Kergoat (sous la rubrique « rapports sociaux » et sur l’anthropologie marxiste telle qu’elle est ébauchée dans la VI ème thèse sur Feuerbach. C’est à partir de cette thèse que j’ai abordée la question de l’opposition entre nature et culture et l’ai traitée comme une construction idéologique. En ce qui concerne les théories du genre, je suis allé aux textes « canoniques » pour les déconstruire. J’ai essayé de démontrer aussi que la théorie du genre, loin d’enrichir le féminisme, a contribué à le détruire.
Excusez-moi d’être aussi long, mais je ne crois pas qu’on puisse traiter ces problèmes autrement.