Déclarations de Bruno Rodríguez Parrilla, ministre cubain des Relations extérieures, à la presse nationale et étrangère, le 17 mars 2016, dans la salle de presse de l’hôtel Tryp Habana Libre (La Havane)
Modérateur. Comme nous l’avons informé, Bruno Rodriguez Parrilla, ministre cubain des Relations extérieures, offrira des déclarations à la presse nationale et étrangère à l’occasion des nouvelles mesures annoncées récemment par le gouvernement étasunien et de la prochaine visite à Cuba du président Barack Obama. Il répondra ensuite à quelques questions.
Bruno Rodríguez. Le 15 mars dernier, les départements du Trésor et du Commerce ont émis de nouvelles règlementations qui modifient, sur certains points, le blocus que les États-Unis appliquent à Cuba.
Il s’agit du quatrième train de mesures annoncé par l’administration étasunienne depuis le 17 décembre 2014, quand les présidents des deux pays ont fait connaître leur décision de renouer les relations diplomatiques.
Les mesures antérieures n’ont pas changé grand-chose au fait concret du blocus, dont le caractère intégral et oppressant a interdit la mise en place.
Nous sommes en train d’étudier la portée et les effets pratiques des mesures annoncées voilà quarante-huit heures pour en vérifier la viabilité. Nous devons dire toutefois, à titre préliminaire, que ces mesures sont constructives, qu’elles vont dans le bon sens, mais que ce sont les faits qui en établiront la profondeur
Certaines élargissent la portée de précédentes, telle l’autorisation donnée maintenant à des voyages d’individus dans le cadre des échanges éducationnels interpersonnels. Il faut toutefois rappeler que les ressortissants étasuniens n’ont toujours pas le droit de voyager librement à Cuba.
La menace de sanctions pénales ou administratives envers ceux qui feraient du tourisme à Cuba est une mesure insensée, injustifiée, qui ne devrait pas exister. Quoiqu’il en soit, malgré cette dernière mesure annoncée, les ressortissants étasuniens sont toujours contraints de conserver le registre de toutes leurs dépenses et activités, d’autant qu’on les incite durant leur séjour à Cuba, ce qui est vraiment insolite, non à entrer en contact direct avec les Cubains et avec les merveilles de l’île, mais, selon ce qu’affirme le décret présidentiel correspondant, « à promouvoir l’indépendance des Cubains ».
Pourquoi maintenir cette prohibition absurde ? Quid des libertés civiles des Étatsuniens ?
Une autre nouvelle mesure significative – l’autorisation en vertu de laquelle Cuba pourra utiliser le dollar dans ses transactions internationales – concerne un point important du blocus. Mais pour que cette mesure soit viable, il faudra que l’administration étasunienne fasse une déclaration politique concrète au plus haut niveau, que soient émis des documents de nature juridique, que le département du Trésor donne de nombreux éclaircissements légaux qui donnent la certitude politique et juridique aux banques étrangères et aux banques étasuniennes que la traque financière contre Cuba à laquelle se livre l’administration étasunienne a bel et bien cessé ou qu’elle cessera dans un avenir proche. Les banques ont besoin de ça. Car il faudra annuler l’effet d’intimidation que les sanctions infligées depuis tant d’années exercent sur les institutions financières des États-Unis et de pays tiers ayant fait des transactions légitimes avec Cuba, surtout durant cette dernière période où des institutions bancaires internationales, autrement dit étrangères, de pays tiers, se sont vu infliger des amendes pour plus de quatorze milliards de dollars.
Nous ferons dans les prochains jours des virements en dollars auprès de banques de pays tiers et aux États-Unis mêmes pour vérifier si ceux-ci passent correctement et si les banques ont reçu des indications précises qu’elles peuvent avoir des opérations avec Cuba sans crainte d’être pénalisées d’une façon injuste et discriminatoire. Nous espérons désormais que des banques importantes, comme Commerzbank, d’Allemagne, et le Crédit agricole, de France, pour ne citer que les cas les plus récents des dernières semaines, une fois rétablies les relations diplomatiques et annoncées les mesures précédentes, ne feront plus l’objet de sanctions.
Je tiens à annoncer que le gouvernement cubain a décidé d’éliminer la taxe de 10 p. 100 appliqué à ce jour au dollar des États-Unis à son entrée dans notre pays. Cette mesure qui concerne le dollar en liquide a été adoptée en 2004 comme une mesure justifiée de légitime défense face à une recrudescence insolite de la traque financière des États-Unis. Cette taxe a servi à compenser les institutions financières cubaines face aux risques et aux coûts que l’utilisation du dollar a engendrés et continue d’engendrer pour nous.
Je tiens toutefois à signaler que cette élimination de la taxe n’entrera pleinement en vigueur que du jour où nous aurons constaté auprès des banques internationales partenaires des nôtres que nous pouvons vraiment utiliser le dollar des États-Unis dans nos transactions et que les opérations correspondantes se déroulent de façon normale. Tant que la traque financière se maintiendra, la taxe cubaine se maintiendra ; celle-ci cessera le jour où la traque financière aura bel et bien cessé.
Cette mesure concernant l’utilisation du dollar ne veut absolument pas dire pour autant, hélas, que les relations bancaires entre les deux pays se sont normalisées, ce qu’on aurait pu attendre en pareilles circonstances.
Selon les réglementations du gouvernement étasunien, les banques cubaines n’ont toujours pas le droit d’avoir des partenaires aux États-Unis, ce qui est pourtant indispensable pour avoir des relations financières normales, si bien que nous devons forcément continuer de faire nos opérations à travers des tiers, ce qui renchérit les coûts et allonge les démarches, et, compte tenu de l’accumulation d’énormes amendes, exerce des effets dissuasifs.
J’aimerais demander à l’administration étasunienne : pourquoi n’avez-vous toujours pas pris cette mesure, pourquoi ne pouvez-vous pas le faire, pourquoi avez-vous exclu de vos dernières mesures l’autorisation aux banques cubaines d’ouvrir des comptes dans des banques partenaires étasuniennes, à la veille d’un moment aussi significatif dans nos relations bilatérales que l’arrivée à La Havane du président Barack Obama ?
Aucune décision non plus n’a été annoncée quant à la possibilité d’investissements étasuniens dans notre pays, exception faite du secteur des télécommunications dans le cadre des mesures annoncées antérieurement, et ce à des fins nettement politiques.
Comme l’a signalé le récent éditorial du journal Granma, Cuba a relevé le défi, mais nous n’agirons en matière de télécommunications qu’en fonction des priorités nationales concernant l’informatisation de notre société et nous continuerons de protéger la souveraineté technologique de nos réseaux.
Nous avons aussi constaté avec déception que Cuba ne peut toujours pas exporter ses produits aux États-Unis, dont les médicaments et les produits biotechnologiques, de sorte que le commerce extrêmement limité entre les deux pays, qui se fait en marge des normes de commerce internationales, qui viole la liberté de navigation, qui est discriminatoire, reste à ce jour essentiellement unidirectionnel. Les États-Unis ne peuvent toujours importer ni biens ni services cubains. La seule prohibition qui a été levée, parce qu’absurde, était celle qui interdisait aux ressortissants étasuniens de consommer des produits et de recevoir des services cubains, non à Cuba, non aux États-Unis, mais dans des pays tiers ! Si un ressortissant étasunien se rend au Canada et veut acheter un produit cubain, ou s’il veut profiter aux États-Unis d’un traitement cubain, ou s’il veut ramener chez lui une bouteille du meilleur rhum vieilli cubain qui se vend dans le monde ou un des meilleurs havanes, eh bien, il n’en a tout simplement pas le droit !
Pourquoi les ressortissants étasuniens, à ce moment si particulier des relations bilatérales, ne peuvent-ils pas utiliser les vaccins thérapeutiques cubains de dernière génération contre le cancer ?
Pourquoi ne peuvent-ils accéder au traitement cubain, unique au monde, concernant le « pied diabétique », dont l’efficacité s’est avérée sans égale sur le marché mondial ?
Les exportations des États-Unis à Cuba restent limitées, malgré notre nouvelle Loi d’investissement étranger, l’ouverture de la Zone de développement spéciale de Mariel et les opportunités qu’offre l’économie cubaine.
L’une des nouvelles mesures annoncées autorise l’engagement et le paiement aux États-Unis de Cubains non immigrants, autrement dit qui se trouvent dans ce pays à titre temporaire. Dorénavant, donc, nos artistes reconnus, nos excellents sportifs pourront être engagés aux États-Unis. Certes, mais ce sera d’une façon discriminatoire. Ainsi, un artiste, un musicien de renom, un sportif participant à n’importe quelle compétition et qui gagnerait de l’argent aux États-Unis n’aura pas le droit, aux termes de cette mesure, de payer les impôts correspondants dans son propre pays, car il se placerait dès lors dans une situation d’illégalité par rapport aux États-Unis. Cette mesure ridicule vise un seul objectif : que pas un centime de ce cachet ou de ces primes ou de ces honoraires ne puisse aller au secteur public cubain !
Par ailleurs, et je le réitère, il ne saurait exister des relations normales en matière de sport tant que les joueurs de base-ball cubains seront obligés de renoncer à vivre dans leur pays pour être engagés dans des équipes des États-Unis.
Je reconnais toutefois que l’autorisation de ces paiements est une mesure constructive.
Une mesure annoncée par le département du Trésor aura aussi un effet bénéfique, quoique limité : la levée de l’interdiction faite aux cargos ayant transporté des marchandises à Cuba d’accoster aux États-Unis avant cent quatre-vingts jours, ce qui, bien entendu, renchérit le fret. Autrement dit, désormais, un cargo ayant transporté des marchandises des États-Unis à Cuba pourra continuer de faire des opérations normales. Mais ça ne concerne que les cargos étasuniens : autrement dit, il s’agit d’une mesure qui favorise non Cuba, mais, et c’est bien que ça se fasse, les compagnies maritimes étasuniennes.
Des personnes naturelles et juridiques cubaines et étrangères sont toujours inscrites sur une liste arbitraire, connue comme celle de « nationaux particulièrement visés », une liste noire qui leur interdit de faire des transactions avec des compagnies étasuniennes et leurs filiales.
Toutes ces restrictions auraient pu être déjà levées ou alors elles pourraient l’être dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois par simple décision présidentielle.
Le fait est que le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba est toujours en vigueur, malgré les nouvelles mesures annoncées voilà quarante-huit heures. Ce n’est pas seulement mon opinion. Jack Lew, le secrétaire du Trésor, vient de reconnaître qu’il limitait encore « très, très significativement » le volume de transactions entre Cuba et les USA.
Ses éléments dissuasifs et punitifs restent toujours en vigueur :
- Des compagnies étasuniennes et d’autres pays ont fait très récemment l’objet de sanctions pour avoir offert des services et des équipements d’origine étasunienne à Cuba.
- Des sociétés étrangères vendant du nickel et du rhum cubains ont été sanctionnées par le retrait de lignes de crédit et le refus de transferts, même dans des monnaies autres que le dollar des États-Unis.
- Des banques étrangères ont bloqué des comptes en banque de personnels médicaux cubains offrant leur coopération à des pays africains alors, pourtant, que ces comptes n’avaient pas été ouverts en dollars.
- Des filiales de sociétés étasuniennes dans des pays tiers refusent tous les jours leurs services à des missions diplomatiques et à des sociétés cubaines installées à l’étranger. Le blocus constitue l’obstacle le plus important, l’obstacle décisif au développement économique de Cuba et inflige des privations au peuple cubain, et il le restera tant que d’autres décisions exécutives, voire législatives, ne seront pas adoptées.
Sa levée sera donc essentielle, je le réitère, si l’on veut normaliser les relations entre nos deux pays.
Tout comme, d’ailleurs, la restitution du territoire illégalement occupé par la base navale des États-Unis dans la baie de Guantánamo.
De hauts fonctionnaires étasuniens ont affirmé dans les dernières heures que ces nouvelles mesures visaient à « autonomiser » le peuple cubain. Voilà des décennies que le peuple cubain s’est « autonomisé » tout seul ! Quelque chose va mal dans la démocratie étasunienne pour qu’elle veuille « autonomiser » d’autres peuples ! C’est dans les peuples que réside la souveraineté et, dans les vraies démocraties, c’est le pouvoir réel qui « autonomise » ou non les gouvernements. Si l’administration étasunienne veut vraiment favoriser le peuple cubain, si elle veut, comme elle le dit, « aider » le peuple cubain, eh ! bien alors, qu’elle lève le blocus. Elle ferait mieux de chercher à « autonomiser » le peuple étasunien lui-même. Pourquoi ne consulte-t-elle pas ceux qui paient des impôts aux États-Unis au sujet des politiques monétaires, des politiques fiscales, des politiques migratoires ? Pourquoi ne demande-t-elle pas aux citoyens étasuniens leur avis sur les politiques éducationnelles, sur les politiques de l’emploi, sur les politiques de santé, sur les politiques de salaire égal à travail égal pour les femmes ? Pourquoi ne fait-elle pas de plébiscite sur ces points ? Pourquoi Wall Street ne cède-t-il pas de son pouvoir aux contribuables ? Nul ne pourrait dire sérieusement que le pouvoir n’est pas à Wall Street, mais dans le peuple étasunien.
Nous reconnaissons que le président Obama est opposé au blocus et qu’il appelé le Congrès à plusieurs reprises à le lever. Nous avons exprimé à cet égard notre reconnaissance et notre estime, et jusqu’à le président de la République, Raul Castro Ruz, l’a fait.
Je dois reconnaître toutefois qu’il persiste de grandes différences entre le gouvernement des États-Unis et celui de Cuba en matière de systèmes politiques, de démocratie, de droits de l’homme, d’application et d’interprétation du droit international ; de grandes différences en ce qui concerne le concept de souveraineté nationale ; de profondes différences au sujet de la préservation de la paix et de la sécurité internationales ; de grandes différences par rapport aux guerres impérialistes non classiques qui provoquent des vagues de réfugiés en Europe.
Nous cherchons aussi à ce que l’administration étasunienne ait avec l’Amérique latine et les Caraïbes une relation différente de la vision qu’elle en a actuellement.
Nous avons de grandes différences au sujet du Venezuela : nous nous solidarisons d’une façon résolue et inconditionnelle avec la République bolivarienne et avec l’union civils-militaires de son peuple que dirige le président Nicolás Maduro Moros, et nous demandons de nouveau à l’administration étasunienne d’annuler ou d’abroger le décret qu’elle vient de proroger et qui taxe le Venezuela de menace inhabituelle et extraordinaire à la sécurité nationale des États-Unis, ce qui n’a aucun sens, qui est arbitraire et agressif.
Tout en reconnaissant les pas en avant faits par le président Obama quant à la modification de certains aspects du blocus, je tiens à souligner que nous espérons que le Congrès des États-Unis répondra à l’attente et à la volonté de pratiquement tous les secteurs de la société étasuniennes, y compris de l’immigration cubaine, qui en réclament la levée définitive et complète d’une façon toujours plus majoritaire, tout comme, d’ailleurs, la quasi-totalité de la communauté internationale.
Je tiens à souligner, à la veille de cette visite importante, que Cuba s’est engagée dans la mise en place d’une nouvelle relation avec les États-Unis dans le plein exercice de sa souveraineté et dans le droit fil de ses idéaux de justice sociale et de solidarité, et qu’elle continuera de le faire.
Ceci dit, aucun changement interne à Cuba ne sera jamais sur la table des négociations dans nos relations avec les États-Unis : ces changements-là sont et seront du ressort exclusif de notre peuple souverain.
Que nul ne prétende donc que Cuba doive renoncer pour autant à un seul de ses principes ni à sa politique extérieure profondément et historiquement attachée aux causes justes dans le monde et à la défense de l’autodétermination des peuples.
Notre gouvernement, notre peuple accueilleront dans les prochains jours le président des États-Unis et lui offriront l’hospitalité qui les caractérise et le traiteront avec le respect et les égards dus à un chef d’État.
Tel est le sentiment, telle est la volonté du peuple cubain.
Durant son séjour à Cuba, le dimanche 20, le président des États-Unis fera une promenade dans la Vieille-Havane et visitera la cathédrale.
Le lundi 21 sera une journée de cérémonial diplomatique, protocolaire. Nous espérons qu’il rendra hommage à notre Héros national, José Martí, qui incarne si profondément les sentiments de nos peuples et notre interprétation de nos destinées. Il aura aussi des conversations officielles avec Raúl Castro Ruz, président des Conseils d’État et des ministres, et les deux présidents feront ensuite des déclarations à la presse. Il y aura aussi une réunion à laquelle participeront des entrepreneurs, des coopérateurs et des travailleurs indépendants cubains, ainsi que les Étatsuniens.
Le 22, le président Obama aura une rencontre avec notre peuple, avec notre large et diverse société civile. Il prononcera un discours au Grand Théâtre Alicia Alonso et il aura l’occasion de connaître notre réalité, notre peuple, notre jeunesse, dont les profondes convictions ont été trempées par de nombreuses difficultés. Il aura donc l’occasion de s’adresser directement au peuple cubain. Comme cela a été le cas pour d’autres présidents étrangers, son discours sera transmis en direct par la télévision cubaine. Chacun pourra l’écouter, donc, et se faire sa propre opinion sur les idées qu’il émettra.
Nous espérons que le président Obama connaîtra mieux notre pays et qu’il entrera en contact avec les organisations de notre société civile, qui sont plus de deux mille et qui participent à tous les domaines de la vie nationale.
Le président des États-Unis aura l’occasion de connaître directement une nation qui travaille à son développement économique et social, à l’amélioration du bien-être des citoyens, à leur garantir toute leur dignité, de connaître un peuple qui, bien que vivant dans un pays sous-développé en butte à un blocus, jouit de droits et peut se vanter d’acquis qui restent malheureusement des chimères pour de nombreux habitants de notre planète.
Cette visite – et je conclurai là-dessus – sera aussi une occasion importante pour identifier de nouvelles mesures à prendre dans les mois prochains en vue de contribuer à l’amélioration de nos relations au profit de nos pays et de nos peuples, mais sur des bases de respect et d’égalité.
Je vous remercie.
Questions et réponses
Modérateur. Passons donc aux questions. Andrea.
Andrea Rodríguez (AP). Bonjour. Comme vous l’avez rappelé, le président Obama a pris quatre trains de mesures. Vous avez analysé le dernier très en détail, et vous avez aussi annoncé que Cuba pensait éliminer la taxe de 10 p. 100 sur le dollar des États-Unis si les choses fonctionnent. J’aimerais savoir deux choses dans ce sens : 1) Cuba prépare-t-elle à son tour un train de mesures envers les États-Unis afin, par exemple, que des hommes d’affaires puissent acheter des choses là-bas et les ramener, ou que les joueurs de base-ball ou les gens de la culture, que vous avez mentionnés, puissent s’engager là-bas, ou que les entreprises étasuniennes puissent accroître leur commerce avec les États-Unis (sic). 2) Cette taxe de 10 p. 100, est-ce donc tout ce que nous allons voir avant la visite des États-Unis de la part de Cuba, ou pensez-vous qu’il y aura d’autre types de thèmes en discussion à Cuba vis-à-vis des États-Unis ? Je vous remercie.
Bruno Rodríguez. Est-ce que vous pourriez mentionner, Andrea, une seule mesure discriminatoire ou restrictive que Cuba appliquerait aux États-Unis et qui pourrait être modifiée ? Non, il n’y en a pas. Cuba ne discrimine pas les entreprises étasuniennes, accueille les touristes étasuniens, souhaite approfondir les liens culturels, sportifs, universitaires, scientifiques, elle ne les restreint absolument pas, elle suit une politique migratoire résolument ouverte qui permet aux Cubains, pourvu qu’on leur délivre un visa, de se rendre aux États-Unis, voire d’y résider.
Notre grand train de mesures, nous l’avons promulgué en 1959. Et depuis, nous n’avons pas cessé de faire les transformations que demande la société cubaine.
Cuba est un pays qui ne cesse de changer, de se transformer. Vers où ? Vers une économie plus compétitive, plus productive ; vers des politiques sociales toujours plus justes, afin qu’elles touchent de manière universelle tous les Cubains et toutes les Cubaines et qu’elles reposent en même temps sur une assise économique plus solide.
Cuba vient de faire des changements importants dans sa politique d’investissements étrangers. Elle vient d’ouvrir, pour la première fois dans son histoire, une Zone de développement spéciale où les entreprises étrangères bénéficient d’incitations spéciales.
En 2011, Cuba a adopté un nouveau programme de mesures économiques et sociales que nous avons baptisé : « Orientations de politique économique et sociale », dont notre Assemblée nationale du pouvoir populaire a ensuite fait une loi et dont le prochain congrès du Parti communiste analysera l’exécution et qu’il ajustera selon les besoins, y introduisant des modifications, des changements par rapport aux mesures déjà adoptées, des mesures dont la mise en place marche bien mais qui exigent bien entendu d’être analysées à la lumière de l’expérience des quatre années écoulées.
Donc, la société cubaine ne cesse de changer, et notre peuple se propose de changer tout ce qu’il faut changer afin que le socialisme cubain soit toujours plus juste, que nos politiques sociales soient toujours plus inclusives pour garantir pleinement les droits politiques et civils, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels, à tous les citoyens, pour garantir à nos enfants un futur de bonheur et pour construire une économie forte qui garantisse la prospérité, le bien-être, la justice et la dignité à tous les Cubains.
Sergio Gómez (Granma). Ministre, quel effet pourrait avoir sur la migration illégale des Cubains les mesures annoncées concernant la possibilité pour les Cubains de recevoir des paiements ou des honoraires ou des cachets aux États-Unis ou d’être engagés dans une entreprise étasunienne, tant que se maintiendront les lois et les politiques étasuniennes qui favorisent l’émigration illégale ? Existe-t-il un dialogue ou des conversations avec la partie étasunienne en vue d’élargir le régime de délivrance de visas aux non-immigrants, ceux qui permettraient justement ce type d’échange ?
Bruno Rodríguez. Comme je l’ai dit, cette mesure date d’à peine quarante-huit heures et nous sommes en train de l’étudier, mais elle impliquera sûrement des échanges entre les services compétents des deux pays.
Cuba suit une politique migratoire absolument ouverte et normale. Les États-Unis, en revanche, appliquent contre Cuba des mesures migratoires de nature sélective et à motivation politique, qui constituent un encouragement à une émigration illégale, périlleuse et désordonnée, et qui portent préjudice à des relations normales dans ce domaine.
Admettre qu’un artiste cubain célèbre ou un sportif cubain de renommée mondiale puisse se présenter ou intervenir aux États-Unis et toucher les honoraires correspondants est, ce me semble, un acte de justice élémentaire. Les États-Unis ont éliminé là une mesure absolument sélective, discriminatoire, à motivation politique, qui portait l’application du blocus jusque dans la vie individuelle des Cubains, jusqu’aux droits des personnes, même s’il en reste encore beaucoup de ce genre. Ceci dit, l’artiste cubain, le sportif cubain, le travailleur cubain aux États-Unis continuera de faire l’objet d’une discrimination, puisqu’on lui interdira de respecter la loi de son propre pays en matière fiscale. C’est là une restriction qu’on n’impose à aucun travailleur d’aucun autre endroit de la planète qui travaille aux États-Unis, et la preuve que les politiques en question sont non seulement un obstacle, mais restent en plus discriminatoires, sélectives et à motivation politique.
Patrick Oppmann (CNN). Au sujet du discours du président Obama au Grand Théâtre, le gouvernement cubain sait-il de quoi il va traiter ? Le gouvernement cubain doit-il l’approuver d’une manière ou d’une autre ? Que va-t-il se passer s’il critique le gouvernement cubain, comme il l’a fait à d’autres moments ? Lui répondrez-vous durant la visite ? Quel est le message qu’il doit apporter ? Et quel est le message que le peuple cubain veut écouter de la part du président Obama ?
Bruno Rodríguez. Eh bien, pour commencer, le président Barack Obama devra arriver à La Havane, suivre le programme du dimanche, entrer lundi au Grand Théâtre et prononcer son discours… Et alors nous saurons de quoi il parlera. Nous l’écouterons avec l’attention et le respect dus à un chef d’État. Il formulera assurément certaines différences que nous écouterons respectueusement sans renoncer pour autant à nos convictions.
Mais c’est là en tout cas une bonne question que vous devriez poser aux personnels de la délégation présidentielle qui sont déjà à La Havane. Je pourrai vous commenter son discours une fois qu’il l’aura prononcé.
Rosa M. Elizalde (Cubadebate). Bonjour, ministre. Pourrions-nous avoir des détails sur les activités de presse que le président Barack Obama aura ici ? Par ailleurs, nous avons ouïe dire qu’Obama allait participer ici à un programme d’humour politique. Est-ce vrai ?
Bruno Rodríguez. Je l’ignore. Comme cela se passe d’habitude dans ses voyages à l’étranger, le président Obama recevra sans aucun doute une grande couverture médiatique, de la presse étasunienne, de la presse étrangère et de la presse cubaine, et les autorités de notre pays feront tout le nécessaire pour que vous disposiez des meilleures conditions pour faire votre travail.
Il est prévu qu’au terme de leurs conversations officielles, les deux présidents fassent des déclarations à la presse. Et il y aura sûrement d’autres activités de presse inscrites au programme.
Je sais par expérience que de nombreux Étasuniens s’informent de la réalité politique de leur pays et du monde par des programmes d’humour politique, de comédie politique. Franchement, je l’ignore. Mais je suis sûr que d’excellents humoristes cubains seraient ravis de se présenter avec le président des États-Unis. J’ai déjà vu d’excellents programmes d’humour qui abordent avec beaucoup de finesse l’état et l’évolution des relations bilatérales, et j’ai entendu d’excellentes blagues sur les relations entre Josefina et Mme Roberta Jacobson. Mais, en tout cas, je n’en sais rien, il faudrait le demander à la délégation étasunienne ou alors attendre que ça arrive pour rire tous ensemble.
Je vous remercie.
Modérateur. Cette présentation de notre ministre marque l’inauguration officielle de la salle de presse de l’hôtel Tryp Habana Libre à l’occasion de la visite du président Obama à Cuba.
Je vous remercie.