Communiqué de l’A.FR.AV et du C.O.U.R.R.I.E.L., au nom d’un collectif de 12 associations de défense de la langue française et de 28 signataires, le 20 mars 2018, Journée mondiale de la langue française et de la Francophonie.
es personnes qui souhaitent signer ce texte (deuxième liste de signataires) sont priées de se signaler à gastaudcrovisier2 [arobase ] wanadoo.fr en indiquant très précisément leur nom, prénom, département, adresse courriel, titre militant ou profession, G. Gastaud, initiateur du texte au titre de CO.U.R.R.I.E.L. transmettra les signatures à la personne chargée de centraliser les signatures.
Contournant les associations de défense de la langue française et méprisant leurs alertes, les gouvernements successifs se posèrent en grands défenseurs de la langue française et de la Francophonie, tout en favorisant directement ou indirectement la substitution systématique de l’anglais à notre langue. Le gouvernement actuel, pourtant soucieux de se démarquer de ses prédécesseurs n’a fait, par ses actes, que renforcer ce mouvement. Arrêtons cette imposture.
Arrachage et substitution linguistiques – Chaque jour en effet, le français recule dans notre pays devant le tout-anglais outrageusement favorisé par les milieux financiers, par de grandes entreprises privées et publiques, par nombre de Grandes Écoles et d’Universités, par certains responsables publics de la recherche scientifique, sans parler de tous ceux que Michel Serres nomme « les collabos de la pub et du fric ».
Ainsi le C.S.A., chargé de faire respecter les quotas de chanson francophone dans les médias, a-t-il demandé — et obtenu —la réduction desdits quotas au profit de la chanson anglophone ; ainsi le cinéma français subventionné par l’État a-t-il obtenu le privilège de tourner en anglais en France même ; ainsi la loi Toubon de 1994 est-elle piétinée de cent manières par des services publics et par des entreprises dans lesquelles l’État détient pourtant un poids déterminant ; ainsi Renault et PSA ont-ils illégalement (car « le français est la langue du travail », dispose la loi !) basculé toute leur documentation interne à l’anglais ; ainsi les J.O. de Paris ont-ils été honteusement « vendus » en anglais par Mme Hidalgo et par M. Cazeneuve ; fait encore plus grave, l’actuel chef de l’État promeut l’anglais à l’étranger (« pour être compris de tous », a-t-il ajouté à Berlin, lors de la campagne électorale, niant ainsi la vocation internationale de l’une des langues officielles de l’O.N.U., des J.O., du B.I.T., etc.), voire en France (discours de Versailles, le 22 janvier dernier) quand il ne parraine pas directement des slogans ou des événements (« Choose France ! », « France is back », « One Planet’s Summit », « Make our planet great again ! »…) qui humilient notre langue sur son sol natal, bafouent la Constitution et encouragent le tout-anglais agressif que pratiquent des radios et des télévisions de large audience (« The Voice », « The Voice Kids », « The Wall », etc.). Ne parlons pas de cette pollution permanente de l’espace citoyen que constitue l’actuelle communication gouvernementale truffée d’anglicismes managériaux incompréhensibles…
Une politique linguistique inavouable et mortifère
Dénonçons cette politique linguistique délétère qu’appuient cyniquement l’UE (en dépit du « BREXIT » !) et les partisans des traités de libre-échange transatlantiques. Nous n’en sommes plus aux seuls emprunts lexicaux, si nombreux et si indigestes soient-ils, ni même au « franglais » jadis moqué par Étiemble. Il s’agit désormais d’une ligne inavouable de substitution linguistique de l’anglo-américain au français, notamment dans l’intitulé des produits et des enseignes. Tout se passe comme si les autorités françaises nationales, et parfois régionales, acceptaient, voire stimulaient, l’imposition progressive de l’anglo-américain comme la langue du travail et des échanges au détriment des langues nationales : car l’italien, l’allemand, etc. sont visés eux aussi (par ex., Volkswagen a renoncé à utiliser l’allemand, langue scientifique et technique s’il en fut, pour sa documentation interne !).
Comment ne pas penser que cette « dé-segmentation » lexicale galopante du marché du travail européen et mondial, dont nul n’a jamais débattu à armes égales à l’échelle nationale et transnationale, vise bien plus que des effets linguistiques ?
Fausse modernité et vraie ringardise
Que signifie par ailleurs l’appel insidieux et permanent des autorités actuelles à « dé-ringardiser » (sic) la langue française et la francophonie, comme si notre langue n’évoluait pas en permanence, en prouvant l’inventivité de ceux qui daignent l’utiliser sous toutes ses facettes, nationales et internationales ? Quelle arrogance pour l’actuel président que de se présenter comme l’incarnation de la « modernité » contre une langue, pourtant, que son histoire a si souvent placée à la pointe des luttes contre les préjugés, pour les Lumières et pour les progrès de toute l’humanité ! La modernité n’est pas une nouveauté pour les Français. Ils ont participé et participent encore aux évolutions techniques, industrielles et intellectuelles du monde depuis mille ans, fréquemment en précurseurs, toujours en acteurs.
Le français, « langue de la République » et langue internationale porteuse de diversité. Que signifie en outre cette volonté récurrente de « dénationaliser » la langue française en opposant la « langue de la République » (article IIa de la Constitution) à la francophonie internationale, comme si l’enracinement du français en France et dans chaque autre pays de la Francophonie pouvait décemment être opposé à la diversité planétaire de ses implantations actuelles ? En réalité, la langue française a moins besoin d’être « dé-ringardisée » ou de devenir « langue-monde » que d’être enfin vraiment défendue et promue par la Francophonie et par chacun des pays qui s’y réfèrent contre l’entreprise visant à imposer une langue mondiale unique, ce « business Globish », qui porte en lui un terrible danger de pensée, d’économie, de politique et de « culture » uniques et « globalitaires ».
Le français promu « seconde langue mondiale » ou… peu à peu relégué au rôle de langue seconde en France même ? Plus gravement encore, comment penser que le chef de l’État veuille réellement faire du français la « seconde langue mondiale » quand, à bien des égards, les pratiques linguistiques dont il donne lui-même l’exemple délétère peuvent conduire à reléguer notre langue dans un rôle de langue secondaire, dévaluée voire folklorique, en France même ? « L’anglais est désormais la lingua franca, c’est comme ça. Il faut savoir parler anglais si on veut agir et bouger dans la mondialisation. » vient de déclarer Édouard Philippe, Premier ministre, à Lille le 23 février 2018. Même avec une vision purement économique, la langue des exportations c’est celle du client !
Langue unique, danger pour la nation et pour l’humanité – Relayant la colère de nombreux amis de la francophonie sur les cinq continents, nous ne nous rendrons pas complices de cet arrachage culturel aux terribles conséquences civiques. C’est pourquoi nous alertons le peuple français : laisser reléguer et humilier la langue française, c’est laisser briser l’esprit même de la nation ; car la France sans sa langue, ou la francophonie sans la France, ne seraient plus que des couteaux sans manche dont on a jeté la lame. « Le premier instrument du génie d’un peuple, c’est sa langue » soulignait Stendhal !
En effet, briser la langue du peuple, ce premier service public de France, c’est aggraver les fractures sociales, culturelles et sociétales existantes au profit d’une « élite » méprisante qui fait du tout-anglais une marque de distinction mondiale au mépris du droit élémentaire de comprendre, que reconnut à notre peuple l’Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539). Cette imposition du tout-anglais attente en outre à la diversité mondiale des cultures et des langues, laquelle n’est pas moins indispensable à l’égalité des peuples, à la respiration de la pensée et à la liberté des individus, que ne l’est la biodiversité pour l’avenir de la biosphère. Une saine internationalisation des échanges ne saurait procéder de l’imposition d’une langue et d’un modèle socioculturel ; elle doit respecter au contraire le principe internationaliste et hautement dialectique posé par Umberto Eco : « la langue de l’Europe, c’est la traduction ».
« Le plus grand des crimes, c’est de tuer la langue d’une nation avec tout ce qu’elle renferme d’espérance et de génie » (Charles Nodier).
Délier notre (nos) langue(s) ! C’est pourquoi nous nous adressons à tous les citoyens, à tous les mouvements politiques, syndicaux, associatifs, culturels qui chérissent la liberté, l’égalité et la fraternité. Face au char d’assaut « globalitaire » du tout-anglais et à tout ce qu’il porte sur les plans culturel, socio-économique, financier, voire militaire, appelons au respect de la loi et de la Constitution l’exécutif tenu de les protéger ; revendiquons le renforcement et l’application ferme de la loi Toubon ! Le sort des langues, des peuples et des civilisations ne peut être légitimement tranché par la « loi mondiale du marché ». Refusons les diktats oligarchiques qui condamnent à mort langues et cultures en prétendant parler au nom du et des peuples.
Contre la langue unique qui déferle, défendons notre langue, et avec elle toutes les langues du monde. Oui, défendons notre langue ! et avec elle le droit à la parole, à l’écoute, à l’estime de soi. À être ce que l’on ne veut plus que nous soyons, un peuple libre, maître de son destin.
Signataires :
Guy Chausson, président de l’Association lotoise des Amis de la langue française ; Christian Darlot, chercheur scientifique, Philippe Deniard, président du Cercle Littéraire des Écrivains Cheminots [CLEC], Marc Favre d’Échallens, président de Droit de Comprendre [DDC], Georges Gastaud et Matthieu Varnier respectivement philosophe et roboticien, président et secrétaire général de l’Association CO.U.R.R.I.E.L., Marcel Girardin, conseiller municipal ; Olivier Gohin, professeur agrégé des Facultés de droit ; Philippe Loubière, docteur ès lettres, Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française [Asselaf] ;
Jacques Maillard, physicien, Yves Mansuy, retraité de la fonction publique ; Daniel Miroux , président de l’Alliance Champlain ; Laurent Nardi, professeur de français ; Régis Ravat, délégué CGT à Carrefour-Nîmes ; Philippe Raynaud, Lucien Berthet et Jean-François Martignoles, président, secrétaire, et délégué Haute-Savoie de Défense de la langue française en Pays de Savoie ; Thierry Saladin, médecin, secrétaire de l’Association francophonie avenir (Afrav)
«Francophonie»
Vos foti mon bilhèt que mai d’un còp
ai enveja de dire mèrda.
Pas de badar, pas de golar :
de dire mèrda simplament
e tot sau,
de dire que me’n foti pas mau
que lo francés siá manjat per lo «franglais»,
pas manjat, bacat
par totes los tessons de la creacion,
que los quebequeses passen dau «joual» a l’anglés me’n foti pas mau
e que los jurassians se boten a l’alemand,
los valdostencs a l’italian.
Los que n’an pas agut de pietat par ma lenga,
que l’an escornialada
espotida
escrachada
que l’an chaupinhada e tot çò que vodretz
que pòt me far, a ieu,
ò brave mond de las pòtas en cuòl de pola,
qu’òm escorniole
espotisse
escrache
la lenga de Racine e de Zazie mon cul.
Ni de quita pietat ne’n vòli pus,
botatz-vos la onte aquò vos prutz.
Cap de pietat, ges de bons sentiments.
Ieu n’aurai pas tanpauc
per la lenga dels autres.
E mèrda.
Ne ‘n pòdi pus.
Roge. Roge. Que vesi roge.
E m’espofidi.
Bernart LESFARGAS (Ni cort ni costièr)