A grand renfort de tambours et trompettes, les médias du système ont annoncé le 31 mars que la CFDT serait devenu le premier syndicat de France. Mais cette annonce reposant sur la publication de la nouvelle mesure d’audience de la représentativité syndicale par le ministère du travail de Myriam El Khomri. Cette mesure repose sur les résultats de élections professionnelles dans le secteur privé, oubliant les élections dans les entreprises publiques et le secteur public. En considérant les résultats des élections dans l’ensemble du monde du travail, la CGT demeure le premier syndicat de France, avec plus du quart des suffrages.
Des élections réellement représentatives ? une très faible participation, des résultats non publiés
Si le dossier de presse diffusé par le ministère du travail et le communiqué de la ministre insiste sur la place de CFDT en tête de la mesure d’audience établie par les services de Myriam El Khomri, force est de constater que les chiffres précis des résultats ne sont pas communiqués. Ils sont absents des sites internet des Haut Conseil du dialogue social et du ministère du travail. Étrange façon de faire que d’annoncer des résultats agrégés de dizaines de milliers d’élections, sans même fournir les chiffres précis des résultats et notamment le taux d’abstention, le nombre de votant, le nombre de suffrage exprimés, et cela pour les différentes branches.
Voici les chiffres très partiels des résultats publiés par le ministère du travail concernant le secteurs privés :
5 243 128 suffrages validés, 620 000 PV reçus par le ministère du travail (soit une moyenne de 8,4 votant par PV… ce qui démontre une participation généralement faible sachant que ces PV sont censés concerner les entreprises de plus de 11 salariés). La
- CFDT : 26,37% soit 1,38 millions de voix
- CGT : 24,85% soit 1,30 millions de voix
- CGT-FO : 15,59% soit 0,82 millions de voix
- CFE-CGC : 10,67% soit 0,56 millions de voix
- CFTC : 9,49% soit 0,5 millions de voix
Ces chiffres font apparaître que les syndicats réformistes avec 46% des suffrages exprimés sont en réalité minoritaires. Et l’écart en voix entre la CGT et la CFDT est très faible – moins de 80 000 voix –
Il convient de rappeler que cette « mesure d’audience de la représentativité syndicale » est le résultat de la loi de réforme du »dialogue sociale » prise par le pouvoir Sarkozy Fillon, et malheureusement validé par la CGT de Thibault Lepaon. Chacun voit ces jours ci à quoi sert cette loi, à attaquer les syndicats de combats et promouvoir le syndicalisme couché et jaune. Rappelons que lorsque la CGT rassemblait une large majorité des salariés, le pouvoir avait alors imposé la présomption de représentativité des syndicats réformistes pourtant alors largement minoritaires (CFTC, CFDT, FO…).
Il convient également de souligner que la mesure d’audience de la représentativité des organisations patronales ne repose elle sur aucune forme d’élections, mais simplement sur la déclaration du nombre et de la taille des entreprises adhérentes… Deux poids deux mesures vous avez dit ? cela permet en tout cas de garantir la continuité du quasi monopole du MEDEF.
Des résultats qui ne démontre absolument pas la progression du réformisme
Immédiatement, les chiens de garde médiatique, dans une campagne de propagande bien huilée, sont tombé à bras raccourcis sur la CGT. Accusé d’être « archaique » et de ne pas se plier « aux réalités du moment ». Soyons clair, ce qui est reproché à la CGT c’est de ne pas tout céder aux patrons et de défendre les droits et salaires des travailleurs. Bien loin d’organisation comme la CGT et l’UNSA qui loin de « négocier » en réalité signent quand elles n’impulsent pas – à l’image de la Loi Travail – les pires régressions sociales et salariales. Il est assez logique que le patronat et son système médiatique fassent donc la promotion permanente de ces partenaires si accomodant pour faire les poches des travailleurs.
S’agissant des résultats aux différentes élections professionnelles, laissons la parole aux syndicalistes du Front Syndical de Classe, regroupant des syndicalistes de combat de la CGT et de la FSU pour analyser ces résultats ainsi qu’à la CGT elle même.
Résultats électoraux dans le privé : Plus que jamais c’est le syndicalisme de classe et de lutte qu’il faut renforcer !
Les médias annoncent à grand renfort de superlatifs et d’insistance -et ce n’est sans doute qu’un début- que la CFDT est devenue le premier syndicat du pays devant la CGT : renversement historique, victoire, choc, changement démocratique , séisme, chute finale… les mots manquent à la presse aux ordres pour se réjouir.
La CGT reste le premier syndicat de France aux élections.
Pourtant, sur près de 6 millions de suffrages, moins de 80.000 voix séparent les 2 confédérations.
Sur les suffrages exprimés, soit plus de 60 % du corps électoral concerné la CFDT obtient 26, 38 % et la CGT 24, 86.
En 2013 les scores respectifs étaient de 26 % contre 26,77 % pour la CGT.
L’écart demeure donc faible et sur le total cumulé public/privé la CGT est toujours en tête comme dans les Très Petites Entreprises récemment.
Cette inversion du rapport de force dans le secteur privé et les grandes entreprises étaient annoncée et souhaitée de manière répétitive et lancinante depuis longtemps, par tous les médias au service de la collaboration de classe tel Les Echos, le Monde, Libération et tout l’establishment de droite et PS, gouvernement Valls/Hollande/El Khomri en tête.
Ils vont donc utiliser en grand ce résultat pour prétendre que les travailleurs ont fait le choix de la collaboration de classe, du dialogue social, de l’esprit de compromis pour ne pas dire de compromission !
Et tenter ainsi de peser sur les orientations de la CGT elle même en faveur des forces réformistes internes en prétendant que c’est ce qui demeure de sa culture de combat qui est responsable de ces résultats.
Il s’agit donc de créer l’événement par un matraquage médiatique à des fins proprement politiques afin d’aller beaucoup plus loin encore dans un processus de « pacification sociale » et d’imposer la domination d’un syndicalisme de renoncement !
Cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur les résultats en recul de la CGT, surtout quand on les compare à ce qu’ils pouvaient être il y a 30 ou 40 ans où la CGT représentait en gros la moitié des suffrages.
Quelles causes au recul de la CGT dans le privé?
Philippe Martinez dans sa réaction attribue ce recul principalement à un déficit d’implantation en soulignant par ailleurs avec juste raison que les commentateurs ne devraient pas en tirer trop vite la conclusion d’une prise de distance avec l’attitude combative de la CGT durant le conflit contre la loi El Khomri.
Les résultats électoraux récents chez RTE comme l’échec du scandaleux referendum du personnel déclenché par la CFDT et la CFE-CGC en attestent.
Mais incontestablement, d’autres éléments doivent être pris en compte sur le long et moyen terme comme la politique de désindustrialisation massive, la destruction de pans entiers de l’économie comme le textile, la sidérurgie, la disparition de lieux de rassemblement importants de travailleurs où la CGT avait une forte influence, enfin, la politique d’intimidation, de répression et de discrimination à l’encontre des militants mise en œuvre par le MEDEF et qui a connu une accélération ces derniers temps sous le pouvoir PS.
Néanmoins, d’autres évolutions de fond sont en jeu. En particulier, les réorientations imprimées ces 20 dernières années par Louis Viannet et amplifiées par Bernard Thibault ne peuvent être ignorées.
L’adhésion à la CES, l’insertion dans le dialogue social, le syndicalisme rassemblé et les rapports privilégiés avec la CFDT à contrario des traits historiques qui marquent en profondeur le syndicalisme CGT ont affaibli la capacité d’intervention et de conviction de l’organisation.
Et désorienté plus d’un militant !
Cela dans une période marquée par l’aggravation de la crise du capitalisme, l’incapacité à distribuer quelque grain à moudre que ce soit et la remise en cause de tous les conquis issus de la Libération.
Pour une organisation syndicale se réclamant du syndicalisme de classe et de masse, en charge de la double besogne du mouvement d’émancipation des travailleurs la recherche de l’unité ne peut se faire que sur la base des revendications des travailleurs et de leurs intérêts et pas au prix de l’affadissement de son programme et de ses objectifs.
Et plus que jamais dans la profonde crise que nous traversons, l’indispensable travail syndical quotidien au plus près des intérêts et des aspirations des travailleurs dans leur diversité ne peut être séparé de la lutte pour un changement radical de société.
Car comment séparer par exemple, la lutte contre la loi travail, la lutte contre le dumping social, les délocalisations de la lutte contre la construction européenne et ses traités qui organisent la mise en concurrence systématique des travailleurs, l’écrasement des salaires, la désindustrialisation … ?
A un moment où de plus en plus de salariés et les classes populaires se montrent extrêmement critiques à l’égard de l’UE, cessons d’entretenir la mortelle illusion d’une Europe sociale.
Laissons résolument à la CFDT l’abandon de la lutte et l’approbation du MEDEF !
C’est en défendant l’intérêt réel des travailleurs, l’intérêt de classe, en liant la défense quotidienne des conquis et la lutte pour le changement de société que la CGT a été la plus puissante et la plus utile à la classe ouvrière.
Aujourd’hui comme hier, plus que jamais donc tout doit être mis en œuvre pour renforcer la CGT et son influence chez les travailleurs, les précaires, les sans emploi en s’appuyant sur la combativité de nombreuses bases syndicales pour mettre à nouveau en cohérence son rôle historique largement reconnu et ses pratiques et orientations.
Le Front Syndical de Classe
1er avril 2017
Représentativité syndicale : Communiqué de la CGT
vendredi 31 mars 2017
Le cycle électoral de 4 années destiné à mesurer la représentativité des organisations syndicales dans les entreprises de plus de 10 salariés, s’est achevé au 31 décembre 2016.
Ces résultats agrégés au scrutin concernant les salariés des TPE établissent la représentativité des organisations syndicales pour les salariés du privé sur la période de janvier 2013 à décembre 2016.
Le Haut Conseil du Dialogue Social vient d’en communiquer les résultats.
Dans les entreprises dotées d’Institution Représentative du Personnel (IRP), 4 923 083 millions ont eu l’occasion de se prononcer au moins une fois sur une ou plusieurs listes présentées par des syndicats, soit près de 60% des salariés.
Démonstration est faite que quand une élection est organisée dans des conditions normales, avec à la clé de véritables lieux de représentations des salariés, les salariés se mobilisent, ce qui ne fut pas le cas pour le scrutin TPE.
En agrégeant les résultats des élections TPE et de l’ensemble des IRP, la CGT recueille 1 304 312 voix, soit 24,86 %.
La CGT arrive en seconde position dans le secteur privé.
Première organisation dans les TPE et première organisation auprès des 5 millions d’agents de la fonction publique, la CGT demeure première organisation sur l’ensemble du salariat du secteur privé et de la fonction publique avec une audience de 24,27%.
Quand la CGT est présente à une élection elle enregistre le plus souvent de meilleurs résultats que ses homologues syndicaux. Cela ne suffit pas à compenser un écart de 500 000 électeurs avec la CFDT et les reculs électoraux dans quelques grandes entreprises.
La CGT ne peut se satisfaire de ce résultat.
C’est d’un déficit de présence auprès de l’ensemble du salariat auxquelles la CGT est confrontée pour prétendre demeurer être la première organisation syndicale du secteur privé.
Tirant analyse de ces résultats, la CGT aura à cœur de mieux représenter les salariés dans leurs diversités.
C’est une invitation pour toute la CGT à être encore plus présente, plus accessible, auprès de tout le salariat, toutes les catégories sociales du salariat.
Montreuil, le 31 mars 2017
Votre analyse est bonne c’est la désindustrialisation de la France qui a affaibli la CGT, il faut reconstruire en partie une industrie digne de notre peuple.