Sans que les Français dans leur ensemble, Corses inclus, aient été réellement saisis, informés et a fortiori consultés (où est le débat public sur cette question? 99% des citoyens n’en savent rien! A quoi sert le « service public de l’audiovisuel »?Et le Parlement se satisfait-il d’être ainsi traité en chambre d’enregistrement du Roy?), un accord vient d’être trouvé entre le ministre de l’intérieur Darmanin et les élus autonomistes/indépendantistes pour accélérer l’autonomisation de la Corse « au sein de la République »… Pour le moment du moins… Décidément, la « démocratie » française a vraiment vécu, et pas seulement à Ajaccio. Quant aux confédés syndicales totalement euro-formatées, elles s’en fichent royalement alors que le dépiautage territorial du pays conduira fatalement à celui de tout ce qui subsiste du modèle social hérité du CNR et du Front populaire ! Faut il par ailleurs rappeler que lors de la seule consultation par réferendum organisée en Corse, c’est par un vigoureux NON que les citoyens français de Corse s’étaient prononcés le 6 juin 2003 contre les procès d’évolution du statut institutionnel de l’ile, une transformation de l’ile en une collectivité territoriale unique prélude à son autonomisation qui aura donc été imposée en 2018 avec la Collectivité de Corse par la force et contre la volonté populaire.
Par Georges Gastaud, membre du secrétariat national du PRCF – Mardi 12 mars 2024
On a pu lire dans Corse-Matin un entretien accordé par Eric Coquerelle, le président LFI de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, au sujet du projet d’autonomie de la Corse porté à la fois par MM. Macron et Darmanin et, à quelques surenchères démagogiques près, par MM. Siméoni et Talamoni.
QUAND LE CONFORMISME EURO-FEDERALISTE SE REBAPTISE « INSOUMISSION »…
Ce qui frappe à la lecture de cet entretien, c’est que ce ténor de LFI (un mouvement dont le candidat présidentiel se réclamait encore il y a peu du jacobin Robespierre et de la République française, sociale, laïque, une, indivisible et souveraine…) ne s’interroge pas un instant sur la réaction en chaîne qui suivra inévitablement l' »autonomie » de la Corse ; une « autonomie » sur laquelle la gauche établie, PS et PCF en tête, sans parler de quelques groupes d’extrême gauche (sic) qui se croient radicalement opposés au pouvoir, fait montre d’un total alignement. Une complaisance à l’égard des idées dominantes que l’on observe aussi hélas à « gauche » quand il s’agit d’appuyer l’aide militaire macroniste au dangereux régime de Kiev, pour ne prendre que cet exemple particulièrement caricatural : on sait en effet que la même « gauche » ne s’est pas souciée une minute du sabotage par Kiev des Accords de Minsk qui stipulaient l’autonomie du Donbass russophone !
Sur le principe, l’huile parlementaire qu’est devenue Éric Coquerel aide ainsi loyalement Macron et Darmanin, à quelques ajustements budgétaires près, à gérer sereinement leur « pacte girondin » synonyme de déconstruction finale de l’Etat-nation et de fédéralisation rampante de la France dans une configuration politique marquée par le « saut fédéral européen ». En clair, par la mise en place précipitée, voire imminente une fois passé l’euro-scrutin, d’un Etat fédéral européen dialoguant avec les euro-régions en court-circuitant ce qui subsiste des Etats-nations et des acquis sociaux, économiques et culturels qui leur sont institutionnellement et historiquement liés.
UNE « DECENTRALISATION » DE TYPE NEO-FEODAL !
Quel beau cadeau aussi aux féodalités et aux mafias corses et italiennes qui, sous le nom, aujourd’hui, d’autonomistes et demain, d’indépendantistes, auront demain quartier libre pour livrer leur territoire « libéré de Paris » (dont le principal dirigeant hyper-centraliste historiquement connu s’appelait… Napoléon Bonaparte !) à toutes les magouilles du grand capital, y compris sur le plan fiscal, comme si l’un des problèmes majeurs de l’endettement français ne provenait pas de la présence sur toutes ses marges de paradis fiscaux soustrayant l’argent des riches à l’impôt.
APRES LA CORSE, A QUI LE TOUR ? VERS LE GRAND « DE-MAASTRICOTAGE » DE L’HEXAGONE ?
Qui veut parier, à « gauche », que demain, dès l’autonomie corse instituée, la Bretagne de Le Drian, de Bolloré, du groupe patronal de Locarn et du MEDEF breton, ne s’empressera pas d’utiliser la Corse comme un précédent ? Et après-demain, l’Alsace, déjà érigée en douce par Macron en « communauté européenne d’Alsace » assortie de l’euro-département de Moselle (ce qui signifie objectivement leur satellisation galopante par la République fédérale voisine, qui peut en douter sérieusement ?). Et ensuite quoi ? La « Catalogne-Nord », le « Pays basque Nord », la Flandre française où il suffit de se balader du côté de Saint-Omer pour voir fleurir des oriflammes flamandes jusque sur les mairies ? Cela s’appelle les dominos. Aujourd’hui le danger peut paraître encore germinal, mais demain dans le cadre de l’Etat fédéral, seuls ceux qui ne veulent rien voir et qui accompagnent « de gauche », par confort mental ou clientélisme, les idées dominantes, ce sera la balkanisation assurée de notre pays, et d’autres pays voisins comme la Belgique ou l’Italie.
« TOUS ENSEMBLE ET EN MEME TEMPS »… OU « CHACUN POUR SOI ET CONCURREMMENT » ?
Qui peut sérieusement penser à gauche que ce sera là un projet favorable à la masse des habitants des régions périphériques concernées ?! Et surtout, qui peut croire que ce démantèlement à petit pas du territoire métropolitain puisse servir l’ensemble du peuple travailleur de France, jamais consulté sur ces questions et qui est assuré de perdre tous ses acquis sociaux d’un coup si la République indivisible vole en éclats ?! SMIG national, conventions collectives nationales de branche, statuts et concours nationaux de la fonction publiques, ultimes vestiges du « produire en France » agricole et industriel, caractère national fédérateur de la langue française (faudra-t-il à terme parler corse, breton, flamand, catalan pour être nommé dans telle ou telle « périphérie » ?), séparation laïque de l’Etat et des Eglises (déjà contournée en Alsace-Moselle), droit du travail, grands services publics comme ED »F », S »N »C »F », diplômes et qualifications nationales et Education… postnationale : la République sera découpée en autant de néo-Länder « autonomes » qu’il y aura à l’avenir de « territoires » affranchis de « Paris ». Lequel « Paris », comme c’est déjà le cas par Valérie Pécresse interposée, réclame un SMIG francilien distinct du SMIG national. Pour commencer…
La France a mis mille ans à s’unifier sous les Capétiens et c’est en réalité la Révolution française qui, sous l’égide des jacobins – c’est-à-dire de la gauche révolutionnaire alliée aux plébéiens des villes et des campagnes – a achevé de transformer ce pays en une véritable nation alors que la France monarchiste restait encore très largement, aux dires d’un grand jacobin, un « agrégat de peuples inconstitués ». Alors, que certains, pour complaire à l’air du temps, accompagnent veulement l’euro-destruction du pays aux sons d’une Internationale ou d’une Marseillaise détournées de leur sens révolutionnaires, cela les regarde et l’histoire les jugera…
Quant à nous, nous disons aux travailleurs et aux citoyens français, républicains et internationalistes qui sont nombreux en Corse, en Bretagne, en Alsace et ailleurs, et tout d’abord aux communistes et aux syndicalistes de lutte des « territoires » concernés : le problème de vos départements respectifs, ce n’est ni « la France », ni « Paris », comme le serinent les démagogues de l’ordre capitaliste établi, Rassemblement lepéniste et autres survivants du fédéralisme maurrassien inclus. Le problème, c’est le capitalisme exploiteur ; c’est l’euro-dissolution galopante du pays ; c’est la marche euro-atlantiste aux guerres impérialistes ; c’est le racisme d’Etat désormais affiché dans toute l’UE ; c’est la mise en concurrence et la « reconfiguration des territoires » que promouvait déjà le MEDEF en 2011 quand le manifeste patronal « Besoin d’Aire » alors édité par Laurence Parisot se disait « Ready for the future » (sic) et revendiquait explicitement « les Etats-Unis d’Europe », l’ « Union transatlantique », la « reconfiguration des territoires » (jusques et y compris la « suppression des communes et des départements » – chose faite en Alsace et en Corse !), le libre droit du grand patronat à délocaliser à sa guise et le dépeçage des services publics d’Etat au nom de la « concurrence libre et non faussée » chère à l’UE.
L’EURO-FEDERALISATION DE LA FRANCE : UNE ARME DE CLASSE AUX MAINS DU MEDEF
Alors ne prenons pas pour une solution l’aggravation euro-régionaliste du délitement national, institutionnel et social. L’autonomisation euro-macroniste des régions aggravera tous les déséquilibres territoriaux jusqu’à justifier l’éclatement final, ou du moins, l' »évaporation à la belge » de notre pays : on l’a vu en ex-Yougoslavie où le refus, déjà sous Tito, de toute planification centrale, a précipité l’éclatement final de la Yougoslavie placée sous la tutelle guerrière de l’UE-OTAN. On le voit en Belgique où le divorce entre la Wallonie pauvre et la Flandre riche est presque consommé. L’autonomisme, le séparatisme régional que ce pouvoir encourage (en stimulant sciemment la fracturation raciste du monde ouvrier au prétexte de dénoncer le « séparatisme musulman ») ne pourront qu’aggraver les inégalités sociales ET territoriales au seul profit du grand patronat, lequel n’aura plus alors qu’à « faire son marché » en délocalisant à l’intérieur même du pays tout en misant sur le moins-disant social et territorial. En outre, en privilégiant ce qui divise les travailleurs de France sur une base territoriale et ethnolinguistique (du reste bien artificielle !), l’oligarchie au pouvoir, y compris « parisienne », alourdira comme jamais les conditions du « tous ensemble en même temps » qui fait défaut à notre classe pour gagner ses combats sociaux.
POUR UNE REPUBLIQUE SOCIALE, INDIVISIBLE, LAÏQUE, SOUVERAINE EN MARCHE VERS LE SOCIALISME
En réalité, la solution est juste à l’inverse : une véritable République sociale qui, tout en respectant les cultures régionales et en enseignant leurs langues respectives – ce patrimoine de TOUTE LA NATION – dans le cadre d’une Education nationale correctement dotée, relancera un développement harmonieux et démocratiquement planifié et économiquement « péréqué » [1] du produire en France, remettra en place de grands services publics d’Etat, hôpitaux, écoles, postes, gares, etc., garantissant l’égalité réelle des citoyens sur tout le territoire.
Toutes choses qui ne nécessitent pas que la France se dépiaute en mille « autonomies » concurrentes entre elles (avec une seule certitude : faire les choux gras du grand patronat) et indépendantes de Paris, mais asservies à Bruxelles, à Berlin et… à Washington (c’est ce que signifie l’expression patronale « Union transatlantique », laquelle passe par le « désétablissement » du français, pour commencer dans les « périphéries » métropolitaines, et par l’officialisation en cours de l’anglo-américain par Bruxelles). Au contraire, cela implique que la France s’affranchisse de l’UE-OTAN, de sa marche à l’euro-fascisation, à l’euro-xénophobie et à la guerre impérialiste. Et surtout, il faut que la République française recentrée sur le monde du travail, comme y appelait déjà le CNR, nationalise démocratiquement, puis socialise les secteurs-clés de son économie pour pousser jusqu’à son terme révolutionnaire la marche trop longtemps interrompue de notre peuple vers un socialisme-communisme de nouvelle génération.
Ainsi saluera-ton vraiment, en Bretagne, le combat pionnier de l’ouvrière Joséphine Pencallet, l’une des premières femmes élues en France sur une liste du PCF en 1924. Ainsi rendra-t-on hommage en Corse aux FTPF corses qui furent les premiers à libérer une terre française de l’oppression fasciste-mussoliniste sans le concours anglo-américain. Ainsi honorera-t-on l’héritage du Club des Jacobins, cœur de l’ardent patriotisme révolutionnaire de 1789/94, qui siégeait initialement à Paris sous le nom de « Club des Bretons » (eh oui !). Ainsi rendra-t-on grâce au dirigeant communiste, à la fois patriote et internationaliste, français et breton, qu’était Charles Tillon, le premier à oser lancer clandestinement un appel à la résistance antihitlérienne à partir du sol national (appel-tract du 17 juin 1940). Ainsi commémorera-t-on dignement les Bretons fièrement français de l’île de Sein qui, dès juin 1940, rejoignirent de Gaulle à Londres en répondant unanimement à l’Appel du 18 juin alors que les « autonomistes » bretons à la Yann Goulet allaient se vautrer dans la collaboration avec Hitler.
[1] Les régions riches devront payer en partie pour les pauvres, les villes riches et surdotées devront de même financer pour partie les territoires oubliés et livrés à la misère. Au final, chacun y gagnera car quel est l’intérêt, y compris pour les habitants de régions nanties, de vivre dans un pays divisé, meurtri et bouillonnant de rancœurs recuites? Sans cela, le mot d’égalité au fronton de nos mairies n’est qu’une sinistre farce.
Le projet de révision constitutionnel fait volet en éclat la République
D’après les éléments qui en ont filtré depuis la place Beauveau, le projet de révision constitutionnel écrit par Gérald Darmanin fait volet en éclat la République, éclate la France. D’ailleurs, l’indépendantiste (classé à droite) Gilles Siménoni salut un « pas considérable ».
Le ministre de l’intérieur déclare : « La présente écriture constitutionnelle prévoit la reconnaissance d’un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle et ayant développé un lien singulier à sa terre » et précise que le texte permet « un pouvoir d’adaptation des normes législatives et réglementaires nationales » et « un pouvoir normatif propre, qu’il soit législatif ou réglementaire« . En clair les élus de Corse pourront, seuls, supprimer le Code du Travail, le code de l’Environnement, le Code de l’Education. Il permet de supprimer l’égalité devant la loi de tout citoyen français en Corse. Ce texte reconnait également de fait la balkanisation de la Nation française qui plus est en y introduisant les éléments les plus rances du droit des sols avec la mention du « lien singulier à sa terre ». Siménonie claironne « La notion des intérêts propres de la Corse permettra d’encadrer plus tard, via la loi organique, les notions de statut de résident pour accéder à la propriété foncière afin de limiter la spéculation ou d’insérer la notion de bilinguisme pour la langue corse « . Des revendications qui ont de lourdes implications, dans une vision ethniciste de la Corse qui méconnait profondément les réalités actuelles avec une population d’origine Corse 4 fois plus nombreuse en France continentale que sur l’ile. Marcangeli lui revendique un « texte qui donne force de loi aux décisions de l’Assemblée de Corse »
Il faut toutefois noter pour le moment l’opposition d’une parti significative du Sénat. Les LR dénonce à raison une « constitutionnalisation du communautorisme » et l’ouverture de la boite de Pandore notamment vis à vis de la Bretagne. Par ailleurs, le projet n’est soutenu que de façon minoritaire en Corse même. Le texte portée par la Macronie ne règle pas explicitement la question fiscale, mais ouvre la possibilité à une fiscalité spécifique qui là aussi induira une rupture d’égalité.