La sortie en salles du film Dahomey, de la réalisatrice Mati Diop, rappelle à l’opinion publique française (en l’occurrence, mais d’autres pays sont évidemment concernés) que le sujet des restitutions d’œuvres d’art pillées durant la période coloniale reste d’actualité.
Dans la droite ligne de Lénine et de l’un de ses ouvrages majeurs L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, les communistes ont toujours dénoncé, souvent bien seuls, la véritable essence du colonialisme et de son avatar actuel le néocolonialisme : vol, pillage, crimes de masse voire extermination. Il est donc positif que le statu quo à propos d’un des résultats de ces pillages à grande échelle – la possession d’œuvres originaires des anciennes colonies – soit questionné et remis en question.
La position de principe du PRCF est évidemment que ces œuvres doivent être restituées.
Néanmoins, nous devons également confronter cette position de principe avec la réalité. Or, la manière la plus répandue d’aborder cette question se concentre sur son aspect moral. C’est donc d’autant plus nécessaire car, pour juste qu’elle puisse être, cette approche masque également – et, dans certains cas, sans doute très opportunément – ses aspects concrets, c’est-à-dire politique et économique.
Un des problèmes récurrents qui se pose lorsque l’on évoque la restitution de ses œuvres d’art pillées est le manque de structures permettant de les conserver et de les exposer correctement dans les pays d’accueil. Une constatation qui, si elle s’arrête là, reste assurément empreinte d’un certain cynisme. Mais pousser plus loin la réflexion nous amène à nous interroger sur les causes de ce manque. Sans surprise, il s’agit du sous-développement, entretenu par la continuation des logiques d’asservissement et de prédation néocoloniales ; logiques auxquelles sont loin d’être étrangers, c’est un euphémisme, les pays qui détiennent ces œuvres bien mal acquises… À telle enseigne que les quelques pièces restituées au Bénin se retrouvent conservées… au palais présidentiel !
Ces restitutions restent symboliques (26 sur 7000 en ce qui concerne le cas du Bénin évoqué par le film). Elles posent franchement la question de leur utilisation à des fins politiques. En effet, imagine-t-on sérieusement les pièces exposées dans les musées français et originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger faire l’objet de restitution, dans la situation actuelle où ces pays sont plus qu’en froid avec le pouvoir français ? C’est bien plutôt le Bénin de Patrice Talon, président et fidèle allié de la Françafrique, qui bénéficie de ces restitutions. Peut-on ignorer le contexte de bouillonnement souverainiste et de contestation anti-néocoloniale en Afrique de l’Ouest ? P. Talon et E. Macron semblent s’accorder à bon compte des brevets de souveraineté et de fierté nationale pour le premier, et de sensibilité internationaliste (sic !) pour le second !
Ajoutons, dans une optique plus large, que fondamentalement, une stricte assignation des œuvres d’art à leurs pays d’origine ne serait pas un projet très séduisant. Mais, d’une part, cette objection ne saurait bien évidemment servir contre les restitutions massives d’objets pillés. Et d’autre part, il ne faut pas perdre de vue le principal obstacle à la réalisation du rêve d’une circulation raisonnée, planifiée et multilatéralement consentie des œuvres à l’échelle mondiale : les rapports archaïques de domination entre nations. Et de ce rapport, le principal artisan demeure l’impérialisme atlantique (l’axe UE-OTAN) sous domination américaine.