Tout au long de l’année 2015, et encore dans l’action le 30 janvier dernier, les militants du PRCF et leur site web www.initiative-communiste.fr n’ont cessé d’alerter et de mobiliser pour défendre les libertés démocratiques. Au lendemain des attentats de Janvier et de Novembre, dans ses communiqués, le PRCF alertait contre la fuite en avant liberticide et fascisante du gouvernement Valls MEDEF.
Aujourd’hui Amnesty International dénonce dans un rapport concernant les 3 mois d’état d’urgence les graves atteintes aux libertés et exige la fin de l’Etat d’Urgence. Chacun pourra noter le peu de publicité s’agissant des inquiétudes de l’ONG dans les médias du Capital, où l’on essaye de faire croire à grand renfort de sondages auto-réalisateurs que les français soutiendraient l’Etat d’Urgence. L’ONG si souvent citées pour essayer de justifier – au nom des « valeurs occidentales » – toutes les interventions et guerres impérialistes de ces dernières années est ici passée sous silence. C’est que les valeurs des démocraties libérales de plus en plus libérales et de moins en moins démocratiques ce n’est pas la liberté, l’égalité, la justice. Non c’est le CAC40 le Dow Jones, l’euro et le dollars.
Dans son son rapport annuel sur la situation des droits de l’homme dans le monde, publié mercredi 24 février, l’ONG enfonce le clou dénonçant les atteintes aux droits fondamentaux dans de nombreux pays, dont la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, soit disant au nom de la riposte contre les attentats
« De nombreux gouvernements se sont fourvoyés dans leur réponse aux menaces sécuritaires pesant sur les nations. Ils ont étouffé la société civile, s’en sont pris au droit au respect de la vie privée et au droit à liberté d’expression – en les présentant comme contraires à la sécurité nationale, à l’ordre public et aux “valeurs nationales” ». Salil Shetty, le secrétaire général d’Amnesty.
« On entend que les droits pourraient être une menace pour la sécurité. C’est une tendance dangereuse », Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France.
Alors que le conseil d’état vient de valider le blocage extra judiciaire des sites internet, l’ONG condamne le décret du 5 février 2015 instituant cette mesure qui menace directement la liberté d’expression.
Le rapport d’Amnesty International
DES PERQUISITIONS SANS CONTRÔLE JUDICIAIRE
Le 17 novembre vers 23 heures, Marc, qui habite dans le nord de la France, en Picardie, se trouvait dans son salon quand on a sonné à la porte. Il a entendu quelqu’un qui donnait des coups de pied dans la porte et la frappait.
J’ai cru qu’il s’agissait d’une attaque d’une attaque islamophobe, une vengeance aux attentats de Paris [Sa femme Sophie, alors enceinte de huit mois, et son fils âgé de 10 ans se sont réveillés. Ils téléphonent à deux reprises à la police, et se réfugient dans leur la salle de bains. Pendant ce temps, la police forcé la porte d’entrée, puis a commencé à forcer celle de la salle de bains] J’ai cru qu’on était perdus.. Ils disaient que c’était la police mais on ne les a pas crus. Ma femme et mon enfant paniquaient. Puis, dès que j’ai ouvert la porte, ils m’ont donné un coup au visage et ils nous ont menottés, moi et ma femme . »
MarcLa perquisition n’a donné lieu à aucune instruction contre Marc ou sa famille.
En temps ordinaire, selon le droit pénal français, la perquisition d’un domicile ou d’autres locaux est autorisée par l’autorité judiciaire et vise à recueillir des éléments concernant des personnes soupçonnées d’avoir commis un acte criminel.
Sous état d’urgence, les préfets peuvent eux-mêmes autoriser une perquisition, y compris de nuit en invoquant des motifs vagues,« s’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics». Cette formulation très vague laisse libre cours à l’interprétation des préfets.
Les ordres de perquisition signés par les préfets ne contiennent généralement des formules toutes faites évoquant la menace pour la sécurité et l’ordre publics ou bien la possibilité que des armes ou des personnes soient cachées. Ils contiennent très peu d’informations précises sur les personnes visées.
DES MOTIFS VAGUES ET DES EXPLICATIONS INSUFFISANTES
Dans de nombreux cas, les autorités n’ont pas informé les personnes ciblées des motifs précis de la perquisition de leur domicile. Ce manque d’explications, et l’intrusion dans l’espace intime qu’entraîne inévitablement une perquisition, a laissé beaucoup de gens perplexes.
Ce qui m’a surpris le plus, c’est le motif de l’ordre de perquisition… il y aurait eu dans mon restaurant des personnes qui étaient une menace publique. Mais ils n’ont même pas vérifié les pièces d’identité des 60 clients qui y étaient. »
Ivan, le propriétaire du Pepper GrillASSIGNATIONS A RESIDENCE : PUNIS SANS ETRE JUGES ?
Dans le cadre de l’état d’urgence, les critères retenus pour prononcer une assignation à résidence sont formulés de façon très vague. L’arrêté d’assignation peut être pris sur autorisation du ministère de l’Intérieur.
On vous condamne sans vous juger, sans vous donner la possibilité de vous défendre. »
Avocat de Daoud, un habitant d’Avignon soumis à une assignation à résidenceDans le cas de Daoud, les autorités ont justifié son assignation à résidence en évoquant sa « radicalisation avérée ». L’arrêté indique qu’il s’était rendu dans un rayon de 5 km autour de Molenbeek, quartier de Bruxelles où vivaient certains des auteurs présumés des attentats de Paris. Les autorités ont également insisté sur les liens de Daoud avec le bras droit d’un imam qu’elles considèrent comme « radical ».Elles ont aussi mis en avant le fait que Daoud s’était rasé la barbe le jour des attentats de Paris. Après avoir passé 48 heures en garde à vue, aucune charge n’a été retenue contre lui. Il a pourtant été assigné à residence Dans le cadre de l’état d’urgence, les critères retenus pour prononcer une assignation à résidence sont formulés de façon très vague. L’arrêté d’assignation peut être pris sur autorisation du ministère de l’Intérieur.
DES MESURES PRISES SUR DES BASES VAGUES INSUFFISANTES
Le 17 décembre, Claire a été assignée à résidence dans sa commune de la région du Mans. Dans l’arrêté d’assignation à résidence, le ministère de l’Intérieur a justifié cette mesure en indiquant qu’elle porte le voile intégral, qu’elle est une « salafiste radicale ». Les autorités mentionnent également qu’elle est mariée à un prédicateur religieux.
Au début, j’ai cru que c’était une blague. Je n’ai jamais porté le voile intégral et je ne suis pas mariée à cet homme. Il est le père de ma fille, mais on ne vit plus ensemble. La police avait perquisitionné ma maison en novembre, ils le cherchaient, mais il vit dans une autre région de France. Le plus absurde, c’est que moi je suis assignée à résidence, mais pas lui ! »
Claire
Claire a fait appel devant les tribunaux des restrictions qui lui sont imposées. En vue de l’audience, elle a notamment fourni des photos d’elle dans des espaces publics, sur lesquelles elle ne porte pas le voile intégral.
Le 21 janvier, le tribunal administratif de Nantes a suspendu la mesure d’assignation à résidence dont elle faisait l’objet.Les autorités ont souvent justifié les assignations à résidence en affirmant que les personnes visées représentaient une menace, en raison de leur pratique religieuse ou de leur « radicalisation » supposée, ou de leur liens avec d’autres musulmans soupçonnés, sans préciser en quoi ce comportement ou ces convictions présumés constituaient une menace pour l’ordre public.
Certains militants écologistes se sont également vus assignés à résidence ou perquisitionnés en raison de leur appartenance « à l’ultra gauche radicale » et de leur participation à des manifestations passées.
DES ALLEGATIONS GRAVES, DES PREUVES LEGERES
Dans d’autres cas que nous avons recensés, les autorités ont formulé de graves allégations de crime pour justifier les assignations à résidence, en apportant peu d’éléments de preuve à l’appui de ces accusations.
Ainsi, le 10 décembre, le ministère de l’Intérieur a prononcé une assignation à résidence à l’encontre de Laurent, un jeune homme vivant en banlieue parisienne, en raison de sa coopération présumée avec le groupe se désignant sous le nom d’État islamique.
Dans l’arrêté d’assignation à résidence, les autorités ont affirmaient que Laurent avait facilité le recrutement de jeunes hommes désireux de se rendre en Syrie. Néanmoins il n’a pas fait l’objet d’aucune enquête judiciaire à notre connaissance.
Ils disent que j’ai commis un crime. S’ils le pensent, pourquoi il n’y a pas d’enquête contre moi ? Pourquoi je n’ai pas été mis en examen ? »
Laurent
LES « NOTES BLANCHES » : PREUVES INSUFFISANTES MAIS ACCEPTÉES
Le 15 novembre 2015, K., un jeune homme habitant en banlieue parisienne, a été assigné à résidence. Les autorités ont indiqué dans le document de notification qu’il était un « islamiste radical » en contact avec des « militants pro-djihad » et qu’il désirait aller en Syrie pour rejoindre l’État islamique.Je n’ai pas compris ce qu’ils voulaient dire […], puis j’ai lu la note blanche présentée en appel. Ils y avaient inclus une longue liste des personnes avec qui ils croyaient que j’étais en contact. J’en connaissais trois, je ne connaissais pas les autres. J’ai un commerce et ces trois-là étaient des clients […], ils étaient apparemment en contact avec des islamistes radicaux […] mais comment étais-je censé le savoir ? Cela n’implique rien ! Ils n’ont rien trouvé indiquant que je voulais aller en Syrie, même pas un texto. Je ne sais même pas trop ce qui se passe en Syrie. Je ne suis pas les nouvelles. J’ai mon commerce et ma famille. C’est ce qui compte pour moi. »
Un jeune homme habitant en banlieue parisienne
Les autorités ont souvent prononcé des assignations à résidence sur la base d’informations recueillies par les services de renseignement, retranscrites dans une « note blanche » .
Les informations figurant dans ces notes sont habituellement assez générales. Elles peuvent évoquer les rencontres ou les liens présumés entre une personne assignée à résidence et d’autres personnes soupçonnées , sans préciser la nature de ces liens ou les dates ou circonstances spécifiques de ces rencontres.
DES MESURES QUI LAISSENT DES TRACES
Pour certaines des personnes visées par des perquisitions, ces mesures ont eu des conséquences à long terme pour elles. Depuis, elles vivent dans la peur ou souffrent de stress ou d’autres problèmes d’ordre médical.
Mon père souffre de problèmes cardiaques […]. Les policiers ont forcé la porte d’entrée, sans sonner, ils ont fait irruption dans l’appartement, ont commencé à crier et ont menotté mon père et ma sœur. Mon père ne se sentait pas bien et au bout de quelques minutes, il a perdu connaissance. Ils ont dû appeler une ambulance. »
Nadia, dont le père de 80 ans a fait l’objet d’une perquisition à son domicile dans la région de Strasbourg le 21 novembre 2015.
Dans certains cas, les perquisitions ont eu un impact négatif sur la façon dont les personnes visées étaient perçues par leurs voisins ou connaissances, en particulier dans les petites villes.
Orlando, qui vit dans une petite ville du nord de la France et dont le domicile a été perquisitionné le 1er décembre, a raconté :
J’habite dans un village de 5 000 habitants. Depuis, j’ai l’impression d’être vu comme « un terroriste ». Pas mal de gens m’ont soutenu, mais la perquisition a changé le regard sur moi. En plus, certains médias locaux ont parlé de la perquisition. Une journaliste a appelé mon ex-femme sur son lieu de travail et lui a demandé ce qu’elle pensait de moi, si elle n’avait pas peur pour nos enfants, comment je pratiquais ma religion… Je suis furieux pour cela, elle n’avait pas le droit de faire ça. »
Orlando
Des personnes assignées à résidence sont dans l’impossibilité de travailler.
Karim est conseiller free-lance et vit en région parisienne. Le 15 novembre, la police s’est présentée à son domicile et l’a informé qu’il allait faire l’objet d’une assignation à résidence. Les autorités ont justifié cette mesure en invoquant ses liens présumés avec des personnes qualifiées de « musulmans radicaux » et des personnes qui s’étaient rendues en Syrie. Au début de l’application de la mesure, il devait pointer au commissariat quatre fois par jour.
Ma vie a été bouleversée… J’avais des engagements professionnels dans un autre département la semaine du 5 décembre. J’avais déjà fait mes plans, réservé un endroit. Après avoir été assigné à résidence, j’ai écrit à plusieurs autorités pour leur expliquer ma situation et demander une permission pour au moins pouvoir aller au séminaire que j’avais déjà prévu. Le 4 décembre, ils ont rejeté ma demande et ils m’ont envoyé un nouveau document avec plus d’informations qui justifieraient mon assignation à résidence. Ils ont mentionné une longue liste de personnes avec qui j’étais censé être en contact. Franchement, je n’en connaissais qu’une. J’ai perdu beaucoup d’argent, car j’ai dû annuler tous mes engagements professionnels, j’ai trois enfants et mon épouse ne travaille pas.
Karim
DES LIEUX DE CULTE FERMÉS
L’état d’urgence autorise les autorités à fermer temporairement des lieux de réunion dans les zones où le Conseil des ministres a décidé de déclarer l’état d’urgence.
Sous le régime actuel de l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut également dissoudre définitivement une association qui participe à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent.
Le 2 décembre, la police aurait mené 22 perquisitions à Lagny-sur-Marne (région parisienne), en perquisitionnant notamment la mosquée, mais également les domiciles de certains des principaux membres du bureau, à savoir le président, le secrétaire et le trésorier. Le président de la mosquée nous a raconté :
Ils sont venus à 5 heures du matin pour perquisitionner ma maison et en même temps ils m’ont demandé de signer l’arrêté de fermeture de la mosquée jusqu’à la fin de l’état d’urgence. Ils ont perquisitionné la mosquée après avoir perquisitionné la maison. Donc ils avaient décidé de fermer la mosquée avant la perquisition »
Le président de la mosquée de Lagny
Aucun élément justifiant l’ouverture d’une enquête n’a été trouvé.
Le 14 janvier 2016, les autorités ont dissous trois organisations liées à la mosquée de Lagny-sur-Marne.
S’il y a des soupçons à l’égard d’une ou deux personnes, pourquoi ils ne les ciblent pas ? Pourquoi ils ciblent toute une communauté ? Il y a environ 350 musulmans à Lagny qui n’ont plus de mosquée pour faire la prière. »
Président de la mosquée de Lagny-sur-Marne (région parisienne), perquisitionnée le 2 décembre 2015, avant d’être fermée
DES VOIES DE RECOURS INSUFFISANTES
Toutes les mesures d’urgence, y compris les perquisitions et les assignations à résidence, sont soumises à l’examen de la justice administrative. Les personnes visées par ces mesures ont le droit d’interjeter appel, d’abord devant les tribunaux administratifs et ensuite devant le Conseil d’État, qui est habilité à traiter les appels contre les décisions des tribunaux administratifs. Très peu de mesures d’urgence ont été suspendues ou annulées par les tribunaux administratifs ou par le Conseil d’État.
Le 16 novembre, T. R., qui tient un restaurant dans la banlieue nord de Paris, a fait l’objet d’un arrêté d’assignation à résidence. Les autorités ont affirmé que T. R. avait facilité le recrutement de jeunes Français « qui pourraient potentiellement devenir djihadistes », les avait incités à rejoindre le groupe autoproclamé État islamique, avait hébergé des réunions d’« islamistes radicaux » dans son restaurant et manifesté son soutien à la loi islamique.
T. R., son épouse A. et sa sœur Z. ont contesté cette mesure.
En suivant le conseil de notre avocat, on a recueilli entre 30 et 40 certificats de personnes qui nous connaissent bien. On a essayé de montrer qu’on est loin d’être des musulmans très pratiquants. Par exemple, notre fille est scolarisée dans une école privée catholique. Cela a été inutile. La cour a tranché en disant que l’assignation à résidence de mon mari ne violait pas ses droits comme il pouvait toujours aller au travail. Son restaurant est effectivement dans la ville où on vit. »
Ils ont alors fait appel devant le Conseil d’État : « J’ai recueilli encore plus des certificats, y compris ceux de certains élus qui ont déclaré que mon restaurant n’avait jamais posé aucun problème à l’ordre public. Le 18 décembre, à la première audition au Conseil d’État, j’ai eu l’impression que le juge soutenait nos arguments. À un certain moment, il a demandé au ministère de fournir plus de preuves concernant ce dont ils m’accusaient. La représentante du ministère a alors mentionné un document de propagande de l’État islamique sur les règles de sécurité que les musulmans devaient suivre lorsqu’ils habitaient dans des pays occidentaux. Elle a soutenu qu’on suivait un mode de vie occidental pour dissimuler nos intentions. Elle a ensuite demandé plus de temps pour affiner ses arguments. Le juge a accepté sa demande. »
Le ministère avait produit une autre note mentionnant que T. R. avait voyagé à l’étranger plusieurs fois, notamment en Égypte et en Arabie saoudite, avec un homme qui était considéré comme un « musulman radical ».
C’était absurde. Nous allons en vacances deux fois par an. Mon mari a fait une fois un pèlerinage en Arabie Saoudite. Il y est allé avec l’homme qu’ils ont mentionné. Mais c’est tout. On a recueilli tous les timbres de nos passeports et on les a fait traduire officiellement en français.
4 CHOSES A RETENIR DE CES 3 MOIS D’ENQUÊTE
– Les mesures d’urgence sont formulées de manière vague, ce qui laisse un champ d’application beaucoup trop large aux administrations (préfet, police…) chargées de les mettre en œuvre. Dès lors, le risque de mesures prises arbitrairement est extrêmement élevé.
– L’application de ces mesures d’urgence est disproportionnée par rapport aux objectifs fixés.
– Les autorités ont utilisé des mesures d’urgence à des fins autres que celles qui motivaient initialement l’état d’urgence.
– Certaines mesures d’urgence ont été appliquées sur des bases discriminatoires, sur la base de la religion ou de la croyance, en particulier à l’encontre de musulmans.