« on cherche d’une rive la fermeté,d’une terre la fin de l’avenir ». (« La vie en désordre »,ed de l’Amourier).
« Initiative Communiste » publie, avec l’aimable autorisation de son auteur, l’hommage que lui a rendu Francis Combes, poète et éditeur….
Bernard Noël Le compagnon exigeant
Nous avons appris hier le décès de Bernard Noël ; dans la nuit du treize avril, pendant son sommeil, à l’hôpital de Laon. Il avait 90 ans.Il fut un poète, un romancier, un critique d’art et un essayiste de premier plan. L’homme était d’une attention, d’une modestie et d’une gentillesse qui touchait tous ceux qui ont eu la chance de l’approcher. Dans son œuvre, qui compte une centaine d’ouvrages, la poésie occupait une place centrale, élaborant une parole rare, tendue, qui visait à la plus extrême conscience du chant.Il était certainement l’un des intellectuels les plus lucides que la France ait connu depuis les années soixante-dix.A la suite de la publication de son roman Le Château de Cène, et du procès qui avait été intenté pour « outrage aux bonnes mœurs », en 1969, il avait écrit l’Outrage aux mots. Il y formulait le concept essentiel de « sensure ».Dans la société capitaliste moderne explique-t-il, la censure plutôt que d’avoir recours aux ciseaux d’Anastasie prend la forme de la privation de sens. L’inflation des mots et leur détournement noie la vérité et la pensée critique. « Le pouvoir bourgeois, écrivait-il, fonde son libéralisme sur l’absence de censure mais il a constamment recours à l’abus de langage ». Ce dont nous pouvons faire l’expérience tous les jours.Sa pensée et son action étaient éminemment politiques, au meilleur sens. Il entretenait avec le mouvement ouvrier et les communistes des rapports de proximité exigeants, car il en éprouvait vivement à la fois la nécessité et les insuffisances.Sa passion pour la Commune est connue et son Dictionnaire de la Commune vient fort heureusement d’être réédité (par l’Amourier). Il nous avait aussi fait découvrir en 1981 l’Etat et la révolution, du communard Arthur Arnould, qui devançait Lénine…Il a toujours suivi avec une attention amicale le travail et les combats que nous avons menés pendant des années, au Temps des Cerises, où il avait publié avec Alain Marc un livre d’entretiens.Après les émeutes en banlieue, en 2005, il avait rejoint l’initiative de la Revue Commune pour relancer l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires afin de manifester l’actualité de l’idée révolutionnaire.En 2013, il m’avait fait l’amitié d’une préface pour mon recueil, Si les symptômes persistent consultez un poète. Il y écrivait notamment : « Quand le mensonge se généralise et dénature la réalité, nommer les choses et l’état de nos relations aux autres et au monde est la meilleure manière de nous faire entrer en résistance ».Il avait donné aussi un important entretien à la revue Zone sensible que je publiais à la Biennale des poètes en Val-de-Marne.Ces derniers mois encore, il nous avait exprimé clairement son soutien lors de la crise des éditions Le Temps des Cerises.Régulièrement, j’avais le plaisir de recevoir de lui de petits mots fraternels et attentifs rédigés de son écriture précise et fine. A l’image de sa pensée et de sa personnalité.Oui, il va nous manquer…Francis Combes