L’exposition Boris Taslitzky a lieu au musée dit « La Piscine »
23, rue de l’Espérance, 59100 Roubaix.
Tél. : 03 20 69 23 60.
lapiscine.musée@ville-roubaix.fr
Tarif : 11 € et 9 €, gratuit moins 18 ans.
Métro : Gare Jean Lebas ou Grand Place.
BORIS TASLITZKY
Boris Taslitzky (1911-2005) est né et a vécu à Paris. À quinze ans il fréquente les académies de Montparnasse, puis l’École Nationale des Beaux-arts de Paris. Ses toiles témoignent d’une fidélité aux meilleures traditions picturales qu’il utilise au gré de ses sujets.
Le citoyen Taslitzky est un humaniste engagé. En 1933, il entre à l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires puis, en 1935, il adhère au Parti communiste. Il participe aux débats qui préfigurent la politique culturelle du Front Populaire… Tout au long de sa vie il restera fidèle à ses engagements.
Taslitzky n’est pas un peintre novateur. Il s’est nourri des plus grands et nous les transmet avec talent et sensibilité. Taslitzky est un passeur. Passeur des œuvres des grands peintres pour fouiller au plus juste la condition humaine.
À ce propos Annie Courtois (peintre) me précise qu’on y retrouve le génie pictural de nombreux grands maîtres. Brueghel et Ensor, dans ses représentations de foule aux visages-masques carnavalesques ; Le Greco, dans les corps squelettiques, suppliciés et exsangues encadrés par les célèbres et magnifiques drapés bleus ; les dessins et gravures de Goya, dans les portraits pendant la guerre d’Algérie ; les dessins du Borinage de Van Gogh, également dans de nombreux dessins ; les corps « flottants » de Chagall, en particulier dans le tableau « la mort de Danielle Casanova » ; Munch, dans les expressions de sidération et de terreur dans le camp de Buchenwald. À cette liste nous pourrions aussi ajouter Delacroix, Courbet et d’autres.
Comme si, ajoute-t-elle, tous les grands maîtres avaient mis leur génie à la disposition de celui qui saurait les réunir pour révéler une humanité résistante, engagée et espérante. Tout au long de cette magnifique exposition, le bel ouvrage de Taslitzky témoigne qu’il est bien celui-là pour la France du vingtième siècle.
Boris Taslitzky assure judicieusement ne réaliser que des portraits : « J’aime la nature et les hommes qui sont d’elle. Je fais le portrait d’un arbre comme celui de mon semblable. » Devant ses por-traits, on prend le temps de s’arrêter pour regarder la manière dont l’artiste a tiré les traits significatifs des êtres et des choses pour les mettre sur la toile. Ainsi Taslitzky nous guide pour voir au-delà de l’image, la lassitude ou la volonté, la tendresse, la douleur, la fraternité ou l’indifférence.
La visite commence par ses autoportraits de jeunesse où il affirme peu à peu son statut d’artiste dessinateur et peintre. Puis, bien assis sur une maîtrise des arts des grands, il nous emmène dans les grands évènements du vingtième siècle.
Dans son art, les êtres comme les choses ne sont jamais des concepts. Taslitzky ne représente pas « l’ouvrier », mais les fondeurs du haut-fourneau n° 2, ce pêcheur-là, ce délégué ou ce sidérurgiste. Visiblement, chacun d’eux a fièrement posé pour affirmer sa personnalité, sa tranquille dignité.
De son incarcération à Buchenwald, Taslitzky a ramené de précieux dessins de témoignages, certains terribles, tous émouvants et sensibles sur des supports de fortunes. Après son retour, il réalise des peintures de grand format, à la manière des tableaux d’histoire religieuse, dans lesquels il met en scène l’effroyable et tragique réalité des hommes dans les camps de la mort. Ce moment de l’exposition est d’autant plus poignant que les témoignages directs vécus de l’univers concentrationnaire sont rares et très peu exposés au public.
Les portraits dessinés de proches et d’artistes amis, les reportages de l’Algérie colonisée comme de la banlieue parisienne des années soixante attestent d’un regard bienveillant humaniste et généreux. Les scènes d’émeutes, de grèves et de manifestations, jamais grandiloquentes et toujours précises dans l’expression, rappellent que le vingtième siècle fut celui de nombreux combats anticoloniaux et anticapitalistes.
En somme une exposition où les anciens se rappelleront leur époque avec étonnement et pourront mesurer la nature du chemin parcouru. En somme une exposition où les jeunes verront la vie de leurs aînés et pourront mesurer d’où ils viennent.
Ajoutons que l’exposition est bien présentée et agréable à parcourir. Les dispositions et les éclairages favorisent une visite contemplative et sereine autant qu’instructive et sensible des évènements et des personnages du vingtième siècle vus par le généreux Boris Taslitzky. (Merci aux commissaires Alice Massé et Bruno Gaudichon)
La Piscine de Roubaix peut s’honorer de présenter pour la première fois une rétrospective de ce peintre trop méconnu. On peut espérer que cette présentation voyagera. Mais en ces temps sombres et incertains, on ne peut que conseiller aux hommes de bonne volonté de faire le voyage jusqu’à Roubaix avant le 29 mai 2022. Une idée plus exhaustive de son travail et de sa biographie est visible sur le site très complet réalisé par sa fille, Èvelyne Taslitzky, à l’adresse http://boris-taslitzky.fr.
André Malraux a écrit un livre intitulé « La condition humaine ». Ce titre prometteur pourrait être celui de cette belle exposition Taslitzky.
par la commission culture du PRCF