Lettre ouverte à M. Daniel Keller, directeur de la bibliothèque PMF de Paris 1
Voici ce que notre camarade Aymeric vient de publier à l’adresse d’un bibliothécaire qui a naïvement exprimé, tout haut, la censure que tant d’autres professionnels patentés pratiquent, tout bas, contre « l’édition mal-pensante ».
Vous avez dit « liberté d’expression » ?
Lettre ouverte à M. Daniel Keller,
Directeur de la bibliothèque PMF de Paris 1
Paris, le 22 janvier 2015,
Cher Monsieur Keller,
L’histoire, disait Karl Marx, a plus d’imagination que nous. Aussi ne m’attendais-je pas à ce que l’an I de la République universelle de la liberté d’expression, qui déroule en ce moment ses premiers fastes, vît l’une des principales bibliothèques de la Sorbonne établir un refus écrit de l’ensemble du catalogue d’un éditeur.
Catalogue, modeste de par sa taille, mais qui compte, entre autres, pas moins que :
Georg Lukács, Tran Duc Thao, Lucien Goldmann, Jacques D’Hondt, Jean Salem, Annie Lacroix-Riz, Paul Boccara, Domenico Losurdo, Georges Politzer, Henri Alleg.
auteurs dont j’attends qu’on me démontre le caractère marginal, minoritaire, et non reconnu scientifiquement.
Il est vrai qu’en plus des surprises qu’elle nous réserve, l’histoire enseigne également la prudence. La comparaison avec l’ère Daladier – lequel, une fois la guerre déclarée, cajolait les fascistes français mais mettait un point d’honneur à persécuter les communistes – s’impose tant cette époque où l’islamisme, choyé par nos dirigeants en Syrie et en Libye, ne sert que de prétexte à l’écrasement des travailleurs de notre pays. Dans ce contexte, le musèlement d’une maison d’édition notoirement progressiste, au sens que le mouvement ouvrier donnait naguère à ce mot, ne serait hélas que trop congru.
Mme Lacroix-Riz, qui est, entre autres qualités, une spécialiste incontestée de la période susmentionnée, pourra vous fournir d’amples détails. J’attire également votre attention sur la correspondance qu’elle a bien voulu vous adresser, malgré son emploi du temps très chargé, à propos de cette plaisante affaire, dont je vous rappelle la formulation initiale :
« L’ouvrage proposé, bien qu’écrit par un universitaire ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l’éditeur non plus.»
Ce refus par écrit contraste tant par sa cocasserie avec les habitudes de silence en la matière que j’ai pensé d’abord, malgré ce contexte très lourd, à une plaisanterie.
Mon sens de l’humour est inépuisable, mais votre absence de réponse commence à me faire rire jaune.
N’ayant pu obtenir jusqu’à présent d’explications de votre part et sachant votre temps précieux, je vous propose en conséquence, si vous n’avez pas le temps de répondre à un modeste éditeur, de vous contenter de rayer les mentions inutiles afin de mieux nous expliquer de quoi il s’agit :
- Boulette
- Censure
- Autodafé
Le retour à certaines méthodes de la Congrégation pour la doctrine de la foi aurait au moins, dans ce contexte de guerres de religion qu’on prétend nous imposer, le mérite de la clarté.
Je vous prie de croire, cher Monsieur, pour le moment, à l’expression de mon profond respect,
Aymeric Monville, directeur des Editions Delga