Je suis allé voir le dernier documentaire produit par Médiapart : Média crash – qui a tué le débat public ? par Luc Hermann et Valentine Oberti. Ce long-métrage s’intéresse à la mainmise des milliardaires français sur les grands médias, en particulier via le cas de Vincent Bolloré et Bernard Arnault, à travers la corruption en Afrique, de l’espionnage ou des fausses accusations.
En soi, le documentaire est factuellement vrai. Ainsi, il apprendra sans doute beaucoup de choses à ceux qui ne connaissent pas ce problème de concentration des médias entre les mains des milliardaires. Même si, et ce n’est que l’avis de l’auteur de ces lignes, le public cible est un public de niche vaguement de gauche intéressé par ces questions-là.
Toutefois, on ne pourra s’empêcher de comparer le documentaire à celui des Nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat de 2011, ainsi qu’aux films de Pierre Carles. Mais c’est en défaveur du nouveau venu, car là où les deux précités analysaient aussi les liens de classe (journalistes, patrons et hommes politiques viennent tous de la bourgeoisie et ont fait les mêmes écoles), les éléments concrets de propagande dans les journaux et remettaient savamment en question l’auto-proclamation du journalisme comme contre-pouvoir, Médiacrash analyse simplement des faits isolés de la part des milliardaires qui font pression sur les journalistes. Cela revient à dire que les médias sont bien un contre-pouvoir détaché de la politique et de l’économie, qu’il n’y a pas de lien de classe et qu’il suffit juste que les journalistes soient courageux pour dire la vérité. Et par journaliste, j’ai envie de dire Mediapart, car une partie des enquêtes dans le film viennent ou ont été relayées par Mediapart. En fait, le long-métrage va à l’opposé des travaux précédent, car il vient renforcer le mythe du journalisme contre-pouvoir en lui donnant des airs faussement contestataires.
On pourra aussi regretter l’absence d’analyse historique de la presse, ce qui aurait permis de montrer que les faits dénoncés ont toujours plus ou moins existé, pour amener finalement à cette question : le débat public dont on parle a-t-il déjà réellement eu lieu ?
Ambroise-PRCF