Laurent Cantet nous a gratifié récemment d’un nouveau film. Celui-ci, Arthur Rambo, raconte l’histoire de Karim D., un jeune écrivain issu des quartiers populaires en pleine ascension qui voit sa carrière stoppée par une polémique sur la rédaction de plusieurs tweets haineux sous le pseudo d’Arthur Rambo. Le film est librement inspiré de l’affaire Mehdi Meklat.
Le long-métrage se déroule en seulement 2 jours pour montrer la facilité avec laquelle la vie du personnage s’écroule et comment des réseaux comme Twitter peuvent affecter la réalité. L’impact est renforcé au début par le fait que les tweets soient visibles à l’écran, aussi bien ceux élogieux pour Karim que les propos orduriers d’Arthur Rambo. Ces derniers viennent créer un contraste entre l’effervescence autour du personnage et les propos tenus, qui plus le moment de la chute se rapproche plus ils viennent parasiter l’écran. Par ce procédé, le spectateur sort du simple suivi du récit pour réfléchir sur ce qu’il voit et porter un regard nouveau sur un élément aussi banal qu’un tweet.
Le problème avec les tweets d’Arthur Rambo, c’est que son auteur rejette totalement le fait de penser ce qui est exprimé dans ses messages. En effet, ce qu’il présente comme ses valeurs sont aux antipodes de son alter-ego. Pour lui, il s’agissait d’un personnage fictif dont le but était d’aller toujours plus loin dans la provocation afin de faire rire. Peut-on alors condamner un écrivain pour de la fiction ? Mais où commence la fiction dans ce cas ? Et comment celui-ci peut-il s’assurer que ce qui lui parait clairement comme de l’humour est bien compris par les autres ? Dans l’une des dernières scènes du film, alors que Karim D. ne cessera de marteler ne pas penser ce qu’il disait, il constatera que son jeune frère, ainsi que ses camarades, a pris au sérieux Arthur Rambo et ses messages antisémites.
Laurent Cantet entend dénoncer dans son long-métrage à la fois la course malsaine à la popularité sur les réseaux sociaux et le harcèlement médiatique. Il n’apporte pas de jugement sur son personnage. Négatif ou positif selon les points-de-vue, Karim D. est un anti-héros fragile qui ne laisse pas place à l’identification. Le but c’est de comprendre les mécanismes de ce genre de comportement, mais aussi les hypocrisies derrière ceux qui s’en offusquent.
En quelques heures de polémique, notre héros perdra le soutien de la plupart de ses alliés qui l’encensaient juste avant, alors que tous étaient au courant de l’existence d’Arthur Rambo, mais tous pensant d’abord à leurs postes.
Au début c’est Paris qu’on découvre, puis peu à peu que les évènements s’enchaînent, Karim D. se déplace vers Bagnolet (93) et se retrouve à nouveau dans le monde de la banlieue, ce qui est montré par son changement vestimentaire. Félicitations à l’acteur Rabah Nait Oufella qui sait à la fois incarner un personnage mondain et un personnage en pleine introspection. Dans sa banlieue, le romancier redécouvre ce qui avait fait sa première vision du monde, son HLM vu de sa fenêtre, et sa beauté inhérente.
Enfin, si nous avions à dire une dernière chose sur le long-métrage, c’est qu’Arthur Rambo montre aussi qu’aucune transgression n’est permise aux transfuges de classe. Karim D., jeune originaire d’un milieu défavorisé qui s’est fait grâce à l’écriture une place dans le milieu culturel de la capitale, se voit rejeter pour des actes passés par ce même monde. Qui peut croire que si Karim se fut appelé Roman Polanski le résultat des courses aurait été équivalent ? La bourgeoisie ne supporte le prolétaire que s’il est acceptable à ses yeux, c’est-à-dire qu’il se conforme à ses envies. Autrement dit, le jeune de banlieue est renvoyé dans son territoire qu’il n’aurait jamais dû quitter…
Ambroise-PRCF
La bande annonce