Interview d’André Bellon à Initiative Communiste participant à la Table ronde organisée à Paris le 2 avril 2016 avec le PRCF, le MS21, le Réseau FVR-PCF, le FSC, l’essayiste et militant Aurélien Bernier et l’ Association pour une Constituante.
André Bellon est polytechnicien (X 1963), ingénieur civil des Ponts et Chaussées, DES d’économie et administrateur de l’Insee. Il est élu député des Alpes-de-Haute-Provence aux élections législatives de 1981, 1986 et 1988, sous l’étiquette du Parti socialiste. En 1992, il est élu Président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Il se présente en 1993 sous l’étiquette Gauche républicaine, mais est battu.
Retiré de la politique, critique sur les dérives du PS et de la vie politique française, il est un collaborateur régulier du Monde diplomatique.
Courant 2006, il devient l’un des fondateurs du groupe de réflexion « République ! ».
En 2007, il fonde l’association pour une Constituante dont il est président. Celle-ci appelle le peuple français à modifier les institutions et à se réapproprier la vie politique autour d’une assemblée constituante
Initiative communiste : Vous militez pour une Constituante. En quoi cette initiative institutionnelle vous paraît-elle prioritaire ?
Dans une perspective de changements démocratiques dans notre pays, le changement de constitution s’impose en effet.
Initiative communiste : Quelle place accordez-vous au rapport de force social, politique, idéologique pour permettre la Constituante que nous appelons de nos vœux ?
Je vais répondre à des questions que j’ai volontairement fusionnées. L’Association pour une Constituante (www.pouruneconstituante.fr ) ne milite pas pour une Constituante dans l’abstrait. Elle milite pour l’élection d’une Assemblée constituante au suffrage universel. Cela exclut d’emblée les Constituantes octroyées par le pouvoir central ou la transformation du Parlement actuel en Constituante. Il est évident aussi qu’une réflexion doit être engagée dès maintenant sur les modalités d’élection des constituants. Il ne saurait être question en effet de reproduire ce qui existe.
Pour nous, le cheminement qui mène à la Constituante est aussi, sinon plus, important que la Constituante même. Car ce cheminement est celui de la reconstitution du souverain, c’est-à-dire le peuple dont l’autorité est aujourd’hui bafouée. Il n’y a, en effet, pas de sortie de la crise de régime sans réaffirmation de la souveraineté nationale et populaire.
Il s’agit bien entendu d’un travail politique, mais aussi d’un travail idéologique. La constituante est avant tout un symbole de libération, l’affirmation que les citoyens doivent se réapproprier ce bien public que sont les institutions. Elle rétablit le droit naturel : le peuple est le souverain et tout l’ordre politique doit procéder de lui. Elle doit donc s’opposer frontalement au système qui organise la dépossession et la soumission du peuple.
Or, ce système repose sur une clef de voute particulière qui est l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. La propagande officielle nous dit que les Français sont attachés à cette élection. En fait, tout a été fait pour que les citoyens soient accrochés à cet évènement comme à une drogue sans se rendre compte qu’il leur ôte leur souveraineté. Pour retrouver cette dernière, il faut qu’ils se libèrent de l’obsession présidentielle. Tel est aussi le sens de la pétition que nous avons lancée https://www.change.org/p/citoyennes-et-citoyens-de-france-pr%C3%A9sidentielle-non-constituante-oui et qui appelle à remplacer la présidentielle par l’élection d’une Constituante.
Il va, bien entendu, de soi que le renouveau démocratique attendu ne se fera pas en dehors de tout mouvement social. Mais il est des moments où il faut reconnaître et conjuguer les priorités. La reconstruction d’un mouvement social efficace demande l’existence du peuple souverain, donc de la démocratie. Tel est le combat prioritaire aujourd’hui. Il n’est pas sans rappeler la convergence révolutionnaire de l’année 1789 où le renversement de la monarchie a permis l’obtention des droits fondamentaux pour l’ensemble du peuple devenu souverain. Un peuple souverain n’adopterait ni la loi El Khomri ni la réforme des retraites.
Initiative communiste : Une Constituante et le sortie de l’UE, comment voyez-vous l’articulation de ces deux actes de souveraineté?
On ne peut pas évoquer la remise en cause des traités européens sans souveraineté populaire. La poser dans le cadre des institutions actuelles est illusoire. C’est pourquoi la Constituante est prioritaire. Par le rassemblement qu’elle permettra, elle seule aura la légitimité pour remettre en cause – si c’est la volonté du peuple souverain – les traités qui fondent l’Union européenne.
Initiative communiste : Vous paraît-il envisageable de mettre en synergie les forces qui militent pour la souveraineté populaire et nationale au sein d’un nouveau CNR comme le PRCF le demande en excluant évidemment le fascisme et des satellites ?
Il faut incontestablement rassembler des forces pour recréer le peuple français contre le système actuel. L’appel que des citoyens et des maires ont lancé pour la rédaction et la collecte des cahiers d’exigences http://www.communes-citoyennes.fr/ va dans ce sens. Il me semble se situer philosophiquement dans le cadre autrefois défini par le CNR comme le souhaite le PRCF.